Mission de l’UICN aux îles Marquises, Comité français de l’UICN – Mars 07

Au cours du mois de mars, le Comité français de l’UICN a été invité à participer à une mission organisée par la Direction environnement de Polynésie française aux îles Marquises. Le Comité français était représenté par Carole Martinez, chargée de mission « Aires protégées et espaces naturels ».

Les îles Marquises sont un archipel de la Polynésie française composé de 12 îles dont 6 sont habitées : Fatu Hiva, Hiva Oa, Nuku Hiva, Ua Huka, Tahuata et Ua pou. Elles constituent, avec une superficie combinée de 997 km2, les groupes d’îles les plus étendus de Polynésie. Centre important de la civilisation polynésienne orientale, elles demeurent un foyer culturel important toujours vivace. Situées à environ 1600 Km de Tahiti, les îles Marquises sont réparties en deux groupes d’îles distincts :
– le groupe septentrional centré autour de la grande île de Nuku Hiva
– le groupe méridional centré autour de l’île principale de Hiva Oa et plus au Sud l’île de Fatu Hiva.

La mission s’est tenue sur trois îles inhabitées des îles Marquises : Mohotani, Eiao et Hatutaa, classées en 1971 en réserves naturelles. Ces trois îles constituent désormais des espaces de catégorie IV « Aires de gestion des habitats ou des espèces » selon la nouvelle classification adoptée par la Polynésie française pour ses espaces protégés (Délibération 95-257 AT du 14 décembre 1995). Ces îles figurent parmi les 25 sites de conservation importants des Iles Marquises, sur les 115 recensés sur la Polynésie française (Meyer et al. 2005). Eiao et Mohotani ont été désignés comme prioritaires en termes d’action de protection au regard des menaces existantes pesant sur les habitats et les espèces (Meyer et al. 2005).

Constituée sur une base pluridisciplinaire, cette mission a rassemblé des experts de différentes disciplines. L’objectif de cette mission était en effet multiple. Il s’agissait d’effectuer :
– une actualisation des inventaires réalisés, notamment botaniques, ornithologiques, archéologiques et entomologiques,
– une identification des menaces et pressions existantes sur ces espaces,
– et ainsi de réunir les données, les informations nécessaires à des bilans patrimoniaux et à la mise en place de plans et structures de gestion pour ces espaces protégés.

La richesse des observations et la démarche participative de cette mission, impliquant sur le terrain et lors de réunions publiques les acteurs locaux concernés (élus locaux, chasseurs, sculpteurs, guides, associations), ont permis des échanges constructifs sur les enjeux que représentent ces îles inhabitées. De manière ouverte et concertée, la définition d’objectifs de gestion a ainsi pu être abordée et débattue avec toutes les parties prenantes.

Ces trois îles classées, ne possèdent pas en effet de plan de gestion ni de structure de gestion propre. Isolées et inhabitées, elles n’en constituent pas moins le siège d’activités humaines de chasse et de prélèvement de bois dont la valeur et l’ancrage social doivent être pris en considération dans la définition d’une politique de gestion.

Des moutons, des cochons ont en effet été introduits dans ses îles servant de « garde-manger » pour des évènements sociaux (mariages), communautaires et festifs (Festival des Marquises). Certaines essences de bois sont également utilisées par les sculpteurs locaux. Des procédures d’autorisations délivrées par le Service du développement rural (SDR) confèrent un premier cadre de gestion de ces activités. Toutefois, la mise en place d’une gestion plus large s’impose.

Près de 36 ans après leur classement, Mohotani et Eiao présentent déjà des dégradations importantes voire préoccupantes pour Eiao, soumise à une très forte érosion, qui portent atteinte à leur valeur patrimoniale. Ces îles abritent en effet un patrimoine culturel et naturel d’une grande importance avec des vestiges des populations pré-européennes, des espèces endémiques et des formations et habitats remarquables de Pisonia grandis et de bois de rose (Thespesia populnea) notamment.

Les statuts de conservation des espèces d’oiseaux et de plantes exacerbent les enjeux de gestion de ces îles. A titre d’exemples, le monarque marquisien de Motane Pomarea mendanae motanensis, figure parmi les espèces en danger d’extinction (EN) de la Liste rouge de l’UICN, menacé par la réduction de son habitat forestier, par le surpâturage des moutons sauvages et l’érosion, ne subsiste plus que sur Mohotani ; la Gallicolombe des Marquises Gallicolumba rubescens, classée parmi les espèces en danger d’extinction (EN) ; le Pétrel à poitrine blanche, Pterodroma alba, en danger d’extinction (EN) demeurent sur Hatutaa qualifiée de « paradis des oiseaux » par les ornithologues présents.

Selon les travaux de l’association Manu, 5 espèces d’oiseaux des Marquises ont disparu au 20ème siècle, certaines depuis moins de 20 ans : Pomarea fluxa (Monarque d’Eiao), Pomarea nukuhivae (Monarque de Nuku Hiva), Pomarea mira (Monarque de Ua Pou) et Pomarea mendozae (Hiva Oa et Tahuata), et Ptilinopus mercierii (Ptilope de Mercier ou Kuku peti) dont les deux sous espèces P. m. mercierii de Nuku Hiva et P. m. tristrami de Hiva Oa (voir la page réalisée sur les oiseaux des Marquises : http://www.marquises-hivaoa.org.pf/manu.htm, la page de la SOP Manu :http://www.manu.pf/Oiseaux.html, et le site de la Liste rouge de l’UICN : http://www.iucnredlist.org/).

Pour les plantes, Lebronnecia kokioides précedemment classée comme rare figure désormais comme espèce menacée (EN) dans la Liste rouge de l’UICN. Le patrimoine botanique marquisien et polynésien présentent de forts enjeux de protection. Selon la base de données mondiale du Tree Conservation Service du WCMC, la Polynésie compterait déjà 6 espèces éteintes (EX) constituant ainsi la collectivité en tête des extinctions au niveau de l’Océanie, et 31 espèces en danger critique (CR). Pour plus d’informations, voir la page : http://www.unep-wcmc.org:80/trees/Background/oceania.htm.

La conception pluridisciplinaire de cette mission organisée par la Direction environnement de Polynésie française et la démarche participative ont permis aux différents experts d’échanger sur les différents enjeux patrimoniaux de ces îles, de présenter leurs constats respectifs avec les acteurs locaux afin de préparer la gestion à venir de ces îles.

Les situations de ces 3 îles étant contrastées, chacune fera l’objet de mesures adaptées définies selon une démarche participative. La synthèse des observations et des données doit en effet être poursuivie, d’ici quelques mois, par la mise en place de plans et de comités de gestion.

« La connaissance, c’est partager le savoir qui nous fait grandir » (Olivier Lockert)

Par Carole Martinez

Information transmise via la Garance Voyageuse

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