Les algues, une source de richesse insoupçonnée

Les algues, macro et micro, ont une richesse spécifique en grande partie inexplorée. Leur exploitation à des fins alimentaire, chimique ou bioénergétique est encore très marginale. Elles recèlent cependant des composants de grande valeur, que seule la faune marine qui s'en nourrit n'est véritablement capable d'en apprécier la richesse et l'abondance. L'article ci-dessous nous donne un aperçu de cette richesse telle qu'elle pourrait être utilisée par l'homme.

Les algues, macro et micro, ont une richesse spécifique en grande partie inexplorée. Leur exploitation à des fins alimentaire, chimique ou bioénergétique est encore très marginale. Elles recèlent cependant des composants de grande valeur, que seule la faune marine qui s’en nourrit n’est véritablement capable d’en apprécier la richesse et l’abondance. L’article ci-dessous nous donne un aperçu de cette richesse telle qu’elle pourrait être utilisée par l’homme.
« Er mor ez eus danvez », « dans la mer il y a de la richesse » disent les Bretons.

Les algues sont des végétaux beaucoup moins connus que les plantes terrestres, et beaucoup plus difficiles à appréhender. Elles occupent en grande partie les milieux aquatiques, en particulier marins et sous-marins et constituent un ensemble d’organismes extrêmement divers qu’il est fort difficile de présenter de manière univoque. Un grand nombre d’entre elles, pour ne pas dire une large majorité, sont des formes unicellulaires (micro-algues) dont la reconnaissance nécessite des techniques microscopiques parfois très élaborées. Sur le plan de la systématique, les algues sont également très diversifiées ce qui témoigne de leur très longue histoire génétique. Elles ne constituent pas au sein des végétaux un ensemble homogène, mais se répartissent entre plusieurs lignées évolutives complètement indépendantes les unes des autres. Ainsi, pour ce qui concerne les algues marines, on distingue essentiellement trois voies d’évolution : la lignée brun-jaunes avec les algues brunes, la lignée rouge avec les algues rouges et la lignée verte qui regroupe à la fois les algues vertes, les mousses, les fougères et les plantes à fleurs. Il y a en effet, malgré les convergences de forme, plus de différences génétiques entre une algue brune comme un Fucus (goémon de rive) et une algue verte de genre Ulva (laitue de mer), qu’entre cette dernière et un chêne ! Cette grande hétérogénéité explique la richesse et la diversité biochimique à l’origine de leur exploitation. Mais combien y a-t-il d’espèces d’algues ? Difficile de répondre à cette question, notamment pour les algues unicellulaires, tant leur nombre est grand, leur diversité inconnue et leur recensement et classification en constante évolution. La base de données internationale sur les algues AlgaeBase (M.D. Guiry, Irelande, http://www.algaebase.org/) recense environ 127 000 noms d’espèces, dont la majorité de micro-algues. Il y aurait environ 9 000 espèces de macro-algues, dont 1 500 peuplent les mers d’Europe. Le nombre total d’espèces d’algues, quant à lui, varie selon les estimations de 30 000 à plusieurs millions !

Concernant la valorisation de cette immense richesse, elle n’en est qu’à ses balbutiements. En effet, bien que certaines macroalgues soient exploitées depuis l’antiquité dans la plupart des pays maritimes, notamment dans les pays d’extrême orient, leur exploitation à l’échelle mondiale reste marginale par rapport à la production végétale terrestre : 15 millions de tonnes de macroalgues (dont 13,5 Mt de culture) et 7 à 10 000 tonnes de microalgues (≅100% en culture), contre 4 milliards de tonnes pour la production agricole. La France, et l’Europe sont aujourd’hui en retard face aux pays asiatiques qui ont eux développé des techniques de production leur permettant aujourd’hui de satisfaire à leurs besoins qui sont énormes, notamment en termes de consommation alimentaire. Mais leur production permet également de pouvoir exporter de la matière première dans le monde entier. La France, et notamment la Bretagne, ont des savoirs faire importants, particulièrement en termes de production aquacole, de transformation et de formulation, ce qui leur permet d’exporter de plus en plus leurs produits. Les micro-algues quand à elles ne pèsent aujourd’hui que 10 mille tonnes par an en culture contrôlée, c’est-à-dire en dehors des micro-algues utilisées pour le traitement des eaux résiduaires.

Cette faible exploitation quantitative des algues, comparativement à la ressource potentiellement disponible en France, s’explique principalement par le manque de maturité industrielle d’une filière qui est en émergence. Elles jouent cependant un rôle important dans le domaine de l’agroalimentaire en fournissant des gélifiants comme les carraghénanes et les alginates, qui n’ont pas d’équivalents d’origine terrestre. Leur utilisation dans le domaine de la cosmétique et de la chimie est en plein essor, indiquant un renouveau dans leur valorisation à l’échelle industrielle.

Les micro-algues utilisées depuis longtemps comme source alimentaire au Tchad ou en Amérique latine (la Spiruline est en fait une cyanobactérie souvent assimilée à une micro-algue), ne sont cultivées et exploitées industriellement que depuis quelques dizaines d’années. Leur développement s’est fait en parallèle à celui de l’aquaculture de poissons et de coquillages bivalves. Leur usage principal est en effet de nourrir les larves d’aquaculture. Elles sont aussi cultivées pour produire du bêta-carotène ainsi que différentes autres molécules d’intérêt pour l’alimentation humaine, la cosmétique, la pharmacie. Leur usage à des fins énergétiques n’a été envisagé que depuis les années 1980, suite au premier choc pétrolier, et ce n’est que récemment qu’elles ont attiré à nouveau l’attention de la recherche et de l’industrie comme source de biocarburant, notamment pour l’aviation. En effet, la quantité et la qualité des lipides qu’elles contiennent les prédisposent à ce type d’usage, tout comme leur richesse en protéines et en acides gras polyinsaturés (oméga 3) en font de bonnes candidates pour l’alimentation des poissons en aquaculture. Mais, aujourd’hui, le pas important à franchir reste celui de leur exploitation à grande échelle afin qu’elles puissent jouer un rôle significatif sur le marché mondial dans les années à venir. Là est tout l’enjeu des travaux en cours pour mieux appréhender les enjeux et les défis qui restent à lever.

En ce qui concerne les filières proprement dites, macro-algues et micro-algues se distinguent par de nombreux traits, conduisant à des filières de production et dans une moindre mesure de valorisation, singulièrement différentes. Ces principales différences portent à la fois sur les modes de culture : essentiellement en milieu maritime naturel pour les macro-algues, et en bassins ou en photobioréacteurs pour les micro-algues ; sur les techniques de récoltes : ramassage facile, proche de la pêche pour les macro-algues et séparation-concentration techniquement difficile, mais proche des techniques rencontrées dans les biotechnologies industrielles, pour les micro-algues ; transformation classique proche de l’agroalimentaire, mais aussi techniques d’extraction et de raffinage pour les macro-algues, et techniques de bioraffinage évoluées pour les micro-algues. Il en est de même pour les marchés relatifs à chaque filière qui sont intrinsèquement différent.

Daniel Mathieu
Tela Botanica

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Source : Article extrait du « Livre turquoise Algues, filière du futur ! », édition Adébiotech 2011. Ce livre est diffusé sous licence creative commons, à cet titre il est librement téléchargeable à l’adresse : http://www.adebiotech.org/images/stories/docs/LIVRE_TURQUOISE-V.screen.pdf
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