Quand Shorea robusta devient Couroupita guianensis sur Internet

Quand un arbre se fait passer pour un autre !

Quand un arbre se fait passer pour un autre !

Le sal, Shorea robusta, est un arbre de l’Inde dont la graisse des graines est un substitut autorisé du beurre de cacao. J’en ai demandé une image à un illustrateur, et j’ai reçu celle de Couroupita guianensis, le boulet de canon, espèce fort belle au demeurant. Etrange, car les deux arbres n’ont rien à voir. Mon illustrateur avait fait confiance à Google Images. Effectivement, plus de 90% des illustrations de « Shorea robusta » sur Internet représentent le Couroupita ! Espèce spectaculaire, elle est fréquemment photographiée, au contraire du sal.

Fruits du sal
Fruits du sal

Comment une erreur aussi grossière est-elle possible ? Heureusement, il y a Wikipédia, qui donne la réponse et des photos. L’origine en serait une erreur d’étiquetage dans un jardin botanique du Sri Lanka en 1881. De là, l’arbre s’est répandu dans tout le sud de l’Asie. Il est entré dans la symbolique hindouiste sous le nom de nagalingam, le stigmate étant assimilé à un lingam, et les étamines à un serpent sacré (un naga). Un bel exemplaire se trouve devant le Palais royal de Phnom Penh, dûment étiqueté  »Shorea robusta ». Les touristes l’ont donc bombardé de photos (normal pour un boulet de canon), en reprenant scrupuleusement le nom fautif.

Un ami et telabotaniste résidant à Pondichéry me confirme qu’il est entré dans le folklore tamoul, et que l’arbre est l’emblème floral de l’Etat de Pondichéry.

On pourrait suggérer que les étiquettes soient changées localement. Mais l’espèce a pris une telle importance symbolique et rituelle dans le sud de l’Asie qu’il sera difficile de faire admettre qu’elle vient en fait de Guyane, et était donc absente d’Asie avant Christophe Colomb.

Morale de l’histoire : Internet n’y est pour rien, bien sûr, mais cela montre de façon éclatante que les données les plus fréquentes ne sont pas toujours les bonnes, et qu’il faut toujours tout vérifier dans des sources sûres. Entre temps, mon illustrateur, dépité, a dû refaire son dessin.

Michel Chauvet

3 commentaires

  1. C’est pas seulement en Inde que l’on trouve cette erreur de dénomination, mais dans toute l’Asie ! J’avais essayé cette mise en garde sous Wikipédia (RuB)… mais elle n’a pas été reprise dans d’autres langues.
    On trouve cela dans tous les temples hindous , mais aussi dans des sanctuaires bouddhistes! cet étiquetage erroné de Shorea s’est répandu un peu partout.
    En Thaïlande, et même jusqu’à Bali.
    Et inutile d’essayer de faire modifier l’étiquetage … avec la ressemblance de la fleur du C.guianensis avec naga … cet arbre ne peut-être que de chez eux !
    C’est un bel exemple d’étiquetage généralisé mais complètement faux!

    1. Oui, j’ai cité l’Inde et le Cambodge, mais vous avez sûrement raison. Ce qui est bizarre, c’est que {Couroupita} ne porte pas les noms locaux du {Shorea}, qui a une fleur complètement différente.

      Bien qu’il soit toujours plus facile de voir le chauvinisme des autres que le sien, j’ai toujours été frappé du chauvinisme asiatique. Ils sont tellement convaincus que leurs civilisations sont anciennes, voire immanentes, qu’il ne peut pas y avoir d’histoire, au sens où l’histoire nous enseigne qu’il y a des évènements, et donc un avant et un après.

      On voir ainsi régulièrement revenir des affirmations de la présence du maïs ou des annones avant Christophe Colomb, ou le refus d’admettre que leurs cuisines ne connaissaient pas le piment…

      Par contre, le {Shorea robusta} est très rarement photographié, ce qui explique aussi l’hégémonie des photos de {Couroupita} sur Internet.

  2. Bonjour,
    Je ne suis en effet pas étonné de cette confusion, cette année j’ai observé dans un monastère boudhiste de la banlieu de Chiang Mai (Thaïlande) un Couroupita également décrit comme un Shorea. Il ne s’agissait pas d’une simple étiquette, mais d’une grande plaque de marbre noir gravée!
    Heureusement connaissant le Couroupita dans son milieu naturel en Guyane, j’ai vu tout de suite l’erreur.

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