Printemps 2017 dans les remparts de Maubeuge

Un observateur du programme de sciences participatives sur le changement climatique, l'[Observatoire Des Saisons->http://www.obs-saisons.fr], partage avec nous son expérience d'observation de la nature dans sa région : Maubeuge, dans le département du Nord.

Un observateur du programme de sciences participatives sur le changement climatique, l’Observatoire Des Saisons, partage avec nous son expérience d’observation de la nature dans sa région : Maubeuge, dans le département du Nord.

Comme promis dans mon article concernant la flore printanière dans les remparts de Maubeuge (voir l’article paru en février 2017), je détaille ci-après le déroulement des floraisons de cette année. Mais auparavant regardons le temps qu’il a fait, exceptionnel par rapport aux années passées.

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Les températures de ce printemps sont comparées à la moyenne des années précédentes (2009 à 2015). Cet hiver, décembre et janvier sont un peu plus frais, nous avons un vrai hiver mais sans excès. A partir de février les températures remontent nettement, nous sommes maintenant à 3°C au-dessus de la moyenne. En avril les températures sont dans la moyenne pour la première quinzaine et nettement en dessous pour la seconde (-3°C). La première quinzaine de mai retrouve la moyenne. Puis pulvérise un record en deuxième quinzaine avec la première vague de chaleur.

Le fait le plus marquant est la sécheresse qui sévit. Déjà en décembre, les précipitations sont 5 fois moins importantes par rapport à ces dernières années. Puis elles resteront inférieures de 3 fois le niveau normal tout le printemps. Cette sécheresse est bien visible avec les terrains très secs dès le mois de mars et les pelouses toutes jaunies en mai au lieu d’août habituellement et ce, pas tous les ans. Elle prendra fin le 25 juin, date à laquelle les pluies reviennent régulièrement, entrainant le reverdissement des pelouses.

Voyons maintenant la floraison printanière de cette année. Je reprends le tableau comportant les 25 plantes qui avaient été sélectionnées lors de l’étude précédente. Il comporte la date typique des 10% de floraison et le début de floraison de cette année. [[A l’instar du protocole établi par les chercheurs en phénologie de l’Observatoire Des Saisons, l’auteur choisit un stade qui marque pour lui le début de la floraison des espèces qu’il étudie.

CA 10% : 10% du coefficient d’abondance maximal

En effet, lorsque vous observez et relevez le stade 10% (que ce soit dans la sortie des feuilles, des fleurs ou de la sénescence des feuilles), vous observez le stade qui marque le début de cet évènement.]]

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La moyenne générale est de 5,1 jours d’avance sur les dates typiques. En vert, les floraisons déterminées à ±2 jours par rapport à cette moyenne. 56% des plantes sont situées dans cette fourchette. C’est un peu moins bon que dans l’étude générale où par exemple pour les années 2014 et 2015, les floraisons pour plus de 90% des espèces étudiées étaient dans cette fourchette. Le bleu indique une avance au-delà de deux jours, et en orange, un retard de plus de deux jours, toujours par rapport à une moyenne de 5,1.

Jusqu’au 15 avril, nous sommes bien dans la moyenne à deux jours près. La ficaire fait exception. Compte tenu des températures de janvier et février, la floraison aurait pu être nettement plus en avance que cela. Les trop faibles pluies et terrains secs en sont probablement la cause. On peut supposer que la période pluvieuse de début mars a permis le vrai démarrage des plantes.

Puis pendant une dizaine de jours, on est dans une période plus aléatoire. Une seule plante est dans la moyenne, trois sont nettement en avance, et deux sont en retard. Ceci toujours par rapport à l’avance moyenne de 5 jours. Les deux plantes très en avance, le cerfeuil sauvage et le lamier jaune, ont une abondance tout à fait normale par rapport à l’habitude. Au contraire la fraise des bois a très mal fleuri. Beaucoup moins de fleurs que les années précédentes. Cette plante qui n’existe que dans les bois a-t-elle mal supportée la sécheresse ?

Après le 25 avril, les floraisons reprennent leurs 5 jours d’avance moyenne, malgré quelques petits écarts. Seul l’iris des marais se distingue par son retard important (6 jours par rapport à la moyenne). Cela s’explique probablement par le fait que les berges de l’étang ont été réparées, entraînant une floraison beaucoup moins dense. Le trèfle des prés aussi en retard fleurit à la date typique. Le trèfle blanc et le nénuphar ont leurs premières fleurs un peu plus tôt.

Tontes et nouvelles floraisons

Le tour de l’étang est tondu régulièrement à partir du milieu de printemps pour permettre la circulation des promeneurs et des pêcheurs. Cette année la première tonte a lieu le 20 avril. La repousse qui d’habitude redonne des fleurs dans les trois semaines qui suivent, ne s’est pratiquement pas produite. Fin juin, les plantes sont encore petites et pratiquement pas de fleurs. Même constatation après le fauchage de zones qui vont rester en l’état les deux mois qui suivent. Seul le trèfle blanc finira par refleurir, la consoude réapparait, mais ne fleurira qu’en milieu de l’été.
Une autre constatation : mon circuit passe dans une partie boisée. Cet endroit jamais tondu devient impraticable l’été, envahi par la végétation. Cette partie du circuit est abandonné, ce qui n’est pas gênant car il n’y a plus de fleurs, l’endroit étant trop sombre. Cette année, pas de problème. Le chemin est tout-à-fait praticable, la végétation étant clairsemée, desséchée et rabougrie.

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Et du côté des arbres

Pas de souci pour le noisetier. Floraison et feuillaison ont lieu suffisamment tôt pour ne pas être impactés par la sécheresse. Il n’en est pas de même pour les autres arbres, surtout pour la floraison et la fructification. Le frêne qui normalement donne de grosses masses de fleurs en bout de branches a une floraison des plus rares. Les quelques touffes n’ont que 10 à 15 fleurs qui pourront fructifier. De très nombreux frênes n’ont pas fleuri du tout.
Le merisier a bien fleuri. Mais la fructification n’a pas été une réussite. Certains arbres ont vu leurs merises jaunir et rosir, mais sans parvenir à leur maturité.
[[Il est désormais possible d’enregistrer des observations comme celles-ci : l’absence d’un stade ainsi que l’occurrence plusieurs fois dans l’année d’un stade phénologique sont des données importantes pour les chercheur.e.s de l’ODS. Vous trouverez ces nouvelles fonctions dans l’outil de saisie D’autres ont pu avoir des fruits tout noirs. En regardant de près il n’y avait que la peau et le noyau. La chair était absente !

En résumé

Ceci montre bien que la végétation ne se développe pas comme d’habitude. Or la seule différence avec les années passées est la sécheresse. Celle-ci a d’une part retardé légèrement les débuts de floraison, mais a aussi perturbé le bon déroulement du développement des plantes.

Incursion dans la période estivale

J’ai appliqué le même principe de relevés pour les floraisons de juin, soit pour une dizaine de plantes. Voici les constatations que l’on peut faire :

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Ce petit tableau permet de montrer que les écarts par rapport à la valeur typique sont dans la continuité du printemps.
L’ordre de floraison est identique à celui calculé au printemps. Les écarts constatés sont proches. La seule différence se trouve dans l’année 2011 nettement plus en avance qu’au printemps (14 jours environ au lieu de 9). Côté météo, avril à juin 2011 ont été les plus chauds de la période. Ce qui peut expliquer ce constat.

En juillet le nombre de plantes arrivant à la floraison diminue, le choix se restreint, seules cinq plantes ont pu être étudiées, quantité un peu faible pour en tirer une règle. On peut quand même s’apercevoir que le classement est mis à mal. La principale différence concerne l’année 2013 en légère avance alors que c’était l’année la plus en retard. Un ciel tout bleu la plupart du temps et de très bonnes températures en sont très certainement la cause. Déjà le temps s’était nettement amélioré en juin malgré une période d’une dizaine de jours de pluie.

Que peut-on déduire de tout cela ?

D’abord : que les différentes espèces fleurissent toujours dans le même ordre. Cela n’a rien d’étonnant et tout le monde l’avait constaté. Mais cette étude permet de quantifier les dates de floraisons. Ainsi après l’apparition de fleurs de telle plante, on peut savoir quelle autre espèce fleurira une semaine plus tard par exemple.

La seconde constatation est plus surprenante. L’écart de la floraison par rapport à une date théorique déterminée en mars va être conservé tout le printemps et même jusque juin. C’est-à-dire si les plantes ont 10 jours d’avance en mars, les floraisons suivantes vont conserver cette avance plusieurs mois sans tenir compte de la météo du moment. Comme si la météo de février et mars conditionnaient toute la période jusqu’à l’été.

De toutes ces années trois ressortent :
– D’abord l’année 2013, avec les mois de février à juin les plus froids. Ce temps entraîne environ 13 jours de retard sur la date théorique des floraisons ce qui est, je pense, un maximum. Il est peu probable d’aller au-delà.

– A l’autre extrémité, l’année la plus chaude est 2017. Et pourtant la floraison n’est pas si en avance que l’on aurait pu penser, seulement 5 jours. La sécheresse qui a sévi depuis l’hiver a entrainé un retard que l’on peut estimer à une dizaine de jours. C’est finalement la floraison de l’année 2014 qui tient le record avec 12 jours d’avance. C’est aussi un record.

– La sécheresse de 2017 a beaucoup perturbé la végétation (exemple, le tussilage, le coucou, la fraise des bois, l’herbe à Robert, le fraisier d’Inde, l’épilobe des marais, la scrofulaire noueuse, l’épiaire des bois…). Certaines plantes ne sont pas apparues du tout, d’autres ont fleuri très tardivement. Les zones herbues ne se sont jamais vraiment remises du fauchage de printemps. Seules les pelouses desséchées ont pu repartir en juillet après la reprise des pluies fin juin. Dans les exemples ci-dessus, on voit que les espèces concernées sont essentiellement des plantes poussant dans les endroits ombragés et humides. Si cette année préfigure l’avenir, chaleur et temps sec, la végétation se reconvertira avec disparition des plantes aimant l’humidité et certainement arrivée d’autres espèces.

Un article de Jacqva

L’Observatoire Des Saisons est un programme de Sciences Participatives qui invite les citoyens et citoyennes à mesurer l’impact du changement climatique sur la faune et la flore. Il est coordonné par Tela Botanica et le CEFE/CNRS. Retrouvez aussi sa déclinaison Observatoire Des Saisons Provence, avec de nouvelles espèces à répartition régionale.

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