Le nom scientifique des plantes terrestres

À télécharger / Un article de Michel Chauvet, avec des contributions de Valéry Malécot et Peter Schäfer.

À télécharger / Un article de Michel Chauvet, avec des contributions de Valéry Malécot et Peter Schäfer.

Les plantes terrestres seraient des Equisetopsida !

La consultation du site Tropicos donne l’arbre phylogénique des taxons végétaux. Bizarrement, toutes les plantes à fleurs apparaissent comme appartenant à la classe des Equisetopsida. Cela est étonnant pour le botaniste moyen, voire le botaniste confirmé. Or il ne s’agit pas d’une erreur. Tropicos s’appuie sur l’article de Chase & Reveal (2009).

Ceux qui utilisent la classification APG auront remarqué qu’elle ne couvre que les Angiospermes et qu’elle se limite à dénommer les ordres et les familles. La raison en est double. Ce sont tout d’abord les catégories les plus utilisées, et la classification au-dessus des ordres est encore très instable. Implicitement, APG considère les Angiospermes comme une classe.

L’article de Chase & Reveal vise à proposer une classification allant de la classe aux ordres. Le problème technique est que l’on dispose d’un nombre limité de catégories (rangs) de taxons, alors que chaque nœud d’un clade peut (ou devrait ?) entraîner la création d’un nom. Or l’ensemble des plantes terrestres forment un clade unique qui s’insère dans de nombreux clades d’algues.

Cronquist (1981) reconnaît une division des Magnoliophyta (Angiospermes), au sein de laquelle se distinguent la classe des Magnoliopsida (Dicotylédones) et celle des Liliopsida (Monocotylédones).

Takhtajan (2009) reconnaît les Angiospermes en tant que classe, et les appelle Magnoliopsida.

Chase & Reveal par contre, donnent le rang de classe à l’ensemble des plantes terrestres, et rabaissent les Angiospermes au rang de sous-classe des Magnoliidae. Leur argument principal est que si l’on élève le rang des plantes terrestres, il faut alors élever le rang des divers groupes d’algues vertes. Par ailleurs, leur choix entraîne la nécessité de créer un rang de « super-ordre » pour des groupes que APG III ne nomme que de façon informelle, mais qui sont supérieurs à l’ordre.

Si l’on admet que les plantes terrestres sont une classe, reste à choisir le nom de cette classe. Chase et Reveal s’expriment ainsi: « The Lewis & McCourt (2004) classification of green plants treated the land plants as a class, Embryophyceae, but this is not a legitimate name because it is not based on a taxonomic name ; here we use Equisetopsida. »

Un peu avant dans le texte, les auteurs mentionnent un synonyme entre parenthèses: embryophytes. J’en conclus que pour eux, Equisetopsida, Embryophyceae et Embryophyta sont des synonymes.

Michel Chauvet

– Consulter l’intégralité de l’article « Le nom scientifique des plantes terrestres » de Michel Chauvet, 21 mars 2011, dans la rubrique Publication de Tela Botanica.
– Télécharger l’article au format PDF (5 pages, 16 Ko).

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Image d’illustration : Hypothetical cladogram by Life of Riley (Wikimedia Commons) copyleft

6 commentaires

  1. Les scientifiques sont fait pour la science, pas l’inverse ! Il y a toujours eu des progressistes et des conservateurs, mais il est piquant de voir comment la perturbation des habitudes déconcerte certains et les entraine sur le chemin de la mauvaise foi. Equisetopsida n’a jamais voulu dire « les prêles », pas plus que magnoliids ne veut dire « les magnolias » ou rosids « les roses » !! L’utilisation des noms de genre comme radical, avec un suffixe montrant le niveau hiérarchique de classification est une énorme économie de pensée et est très utile à la mémorisation des étudiants. De plus Chase et Reveal font partie de l’APG et en reflètent sans doute les conceptions. Leur texte est également en accord avec Lewis et Mac Court 2004, Christenhusz & al. 2011(a et b) qui eussent dû être cités en bibliographie.

    1. J’ai rédigé ce texte en réponse à des collègues au sein de mon labo de botanique (AMAP Montpellier), qui ne comprenaient pas ce nom d’Equisetopsida. Je sais bien que cela ne veut pas dire que les érables ou autres sont des prêles, mais je crains que cela soit perçu comme tel. De toute façon, la création d’un jargon de spécialistes qui cherchent à n’être compris que des spécialistes me semble aller à l’encontre de la fonction primordiale du langage, qui est de communiquer, y compris avec des non-spécialistes. Je préfère largement le nom Embryophyta, puisqu’il est disponible.

      Cela dit, merci pour la référence que tu donnes. Je la consulterai à l’occasion.

  2. Il me semble que l’article 16.1 reporté dans le pdf attaché va exactement dans le sens de l’article de Mark Chase.

    L’article 16.1 présente 2 paragraphes « a » et « b ». Or « a » passe avant « b », quand « a » ne peut pas être satisfait, on passe à « b ».

    Ici, l’article de Mark Chase montre, dès le premier paragraphe, qu’on peut enfin donner des noms formels à certain clade grâce à la robustesse des résultats phylogénétiques. L’article 16.1 est appliqué en commençant par le paragraphe « a ». Celui-ci est satisfait. Le nom « Equisetopsida » est donc typifié automatiquement et formel. Le nom « Equisetopsida » est un nom objectif et ne provenant d’un « choix » subjectif.

    Si mon explication est mauvaise (car avec mes gros sabots, il est possible que j’ai loupé une subtilité), je pense qu’il est scientifiquement correct de reporter cette plus qu’improbable erreur au Professeur Chase.

    1. Votre interprétation de l’article 16.1 ne me semble pas exacte. Quand on dit « soit… soit », rien ne dit que le premier terme est à préférer. On peut toujours créer des noms automatiquement typifiés (la preuve en l’occurence), ce qui annulerait donc la possibilité d’utiliser des noms descriptifs, ce qui n’est pas le cas.

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