Plantes invasives : à la croisée des sciences biologiques et sociales…

On les dit envahissantes, invasives et les métaphores guerrières ne sont pas de reste pour qualifier ces espèces comme « mauvaises » à l'égard de la nature. Pourtant depuis deux ou trois ans, plusieurs disciplines scientifiques croisent et ouvrent un regard plus neutre sur ces plantes et leurs effets positifs dans nos écosystèmes.

On les dit envahissantes, invasives et les métaphores guerrières ne sont pas de reste pour qualifier ces espèces comme « mauvaises » à l’égard de la nature. Pourtant depuis deux ou trois ans, plusieurs disciplines scientifiques croisent et ouvrent un regard plus neutre sur ces plantes et leurs effets positifs dans nos écosystèmes.

Jacques Tassin, chercheur écologue au Cirad invite à nuancer notre regard sur ces espèces, il parle même de les sortir « de cette perception négative et exclusive à l’égard des plantes invasives, en réalité davantage inspirée par une idée ancestrale de la conservation que par l’écologie scientifique « .  Car l’idéal de « nature sauvage » (versus nature maîtrisée) des anglo-saxons n’est pas partagé par tous et bien des peuples valorisent indifféremment espèces indigènes et invasives. Pour les aborigènes d’Australie, une espèce invasive est méritante car elle est parvenue à se multiplier dans des milieux souvent difficiles. Et elle a son utilité.

Une nature en échange constant
« Il faut prendre en compte les réseaux d’interaction qui se lient et délient entre toutes les espèces, et regarder les conséquences positives », précise le scientifique. D’ailleurs « aucune plante invasive n’a jamais entraîné la disparition d’une autre espèce ». Exception posée cependant dans les îles et milieux aquatiques où des invasions exogènes peuvent induire des changements spectaculaires.

Pour en finir encore avec les modes établis de représentation de la nature, Jacques Tassin raconte qu’une partie de notre flore et de notre faune « sauvage », du coquelicot au lapin de garenne, sont des espèces anciennement introduites devenues invasives, et font désormais partie intégrante de notre environnement.

Et Jacques Tassin de conclure : « c’est bien une question de perception de la nature dont il est d’abord question quand on évoque les espèces invasives ». Il ajoute : « le changement climatique a peut-être ceci de salutaire qu’il nous conduit à repenser la nature telle qu’elle n’a jamais cessé d’être : en perpétuel changement ».

Contacts
– Scientifiques
Jacques Tassin : jacques.tassin@cirad.fr
Montpellier, France

– Presse
Florence Vigier : florence.vigier@cirad.fr
Montpellier, France

En savoir plus
Unité de recherche BSEF, Biens et services des écosystèmes forestiers tropicaux
Plantes et animaux venus d’ailleurs: Une brève histoire des invasions biologiques (Jacques Tassin/ Ed. Orphie/ 2010)
Arbres et arbustes tropicaux (Jacques Tassin/ Ed. Orphie/ 2012)

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NB : Pour échanger sur ce sujet, une liste de discussion yahoo « plantes envahissantes » est disponible sur le site de Tela Botanica.

13 commentaires

    1. Xanthium strumarium, quasiment éradiqué par les lampourdes américaines (Xanthium orientale s.l)

    2. Euh… {Xanthium strumarium} n’a jamais vraiment été très indigène, ce me semble. Elle serait plutôt justement nord-américaine, comme la plupart des espèces du genre (les autres étant asiatiques) et c’est une rudérale, toxique qui plus est ! Alors on ne va pas pleurer dessus, non ?

    3. Je reconnais que voir un champ de renouée du Japon à la place de quelques espèces de petites herbacées peut être un peu frustrant (quoique la renouée du Japon puisse nous fournir une sacrée quantité de nourriture).

      Mais je pense qu’il faudrait éviter de prêter aux plantes des intentions humaines : « déclarer la guerre », « éliminer ». Les plantes ont-elles ces intentions ? Je ne le pense pas, elles vivent, tout simplement.
      C’est peut-être plutôt nous (je ne juge personne, cela m’arrive aussi) qui nous sentons menacés par ce phénomène de « plantes invasives », car nous y voyons peut-être une image de la propre menace qui pèse sur nous (en tant que membre d’une nationalité, d’une communauté particulières, ou bien tout simplement en tant qu’homme parmi d’autres espèces).

      Je pense qu’il faut apprendre à vivre avec le changement et savoir en tirer partie (manger toute cette renouée du Japon par exemple ! Ou en faire des flûtes aussi…). Et aussi prendre conscience d’où commence la limite « d’indigène ».

    4. C’est assez surprenant a quel point on peut s’attacher à des images figées qui nous sont confortables, fixées en idéal rassurant puisque simpliste.

      La nature avec ses espèces indigènes par exemple. Au delà des mots la réalité charnelle à laquelle les naturalistes sont censés être fidèles manifeste toute sa vitalité avec ou sans « permis de séjour », au grand dam de nos images, natures mortes tentant d’illustrer la vie. Images erronées que les prosélytes se font un plaisir de façonner aux alentours (au lieu d’être le scientifique bâtissant une oeuvre façonnée par les alentours). Au prix de grand efforts (financiers, énergétiques etc…), car marcher « à côté de ses pompes » coûte cher ! Au lieu de vivre, imageant les rythmes et lois du monde qui nous entoure pour qui ne les percevant pas. Entreprise difficile mais ô combien nécessaire. Les italiens le savent bien : « Traduttore, traditore. »

      Merci Jacques Tassin.
      Vive la vie, vive les plantes invasives !
      Bien sauvagement.
      Maxime Leloup

    5. 99% des espèces ont disparus. C’est peut être triste, mais cela laisse également la place aux suivantes, comme les hommes cèdent la place à leurs enfants. Acceptation de la vie et par conséquent de la mort.

  1. Sans faire de procès d’intention à Jacques Tassin, certains n’existent que parce qu’ils prennent le contre-pied de ce qui fait consensus (Cf.Claude Allègre / évolution climatique en partie imputable à l’homme). Ce qu’avance J.Tassin permet en effet de relativiser un peu, voire de trouver des effets positifs à ce brassage végétal planétaire mais, par exemple, pour ceux qui ont l’occasion de se balader le long de nos fleuves et rivières, la Renouée du Japon, la Jussie… ont vraiment « déclaré la guerre » aux espèces indigènes !

  2. La dynamique du vivant ne connait pas autant de frontières que les esprits soumis à la peur de l’étranger venant bouleverser les habitudes.

    Lier sciences sociales et biologiques parait indispensable dans un monde où tout est définitivement lié. Les spécialistes « naturalistes » ont tendance à nier que ce comportement de rejet des plantes venues d’ailleurs est, bizarrement, identique au rejet de l’étranger humain. Cela n’a rien à voir? Vraiment?

  3. Il est impossible d’empêcher le brassage des plantes, comme il est impossible d’empêcher les êtres vivants de se déplacer.
    Profitons de cette richesse. Il faut bien se dire que la plupart des invasives se sont échappées des jardins cultivés, pour le meilleur… Profitons donc de ce qu’elles peuvent nous apporter à tous les niveaux.

  4. C’est une bonne chose que de semer de nouvelles idées sur ces plantes invasives. Chacun ayant un ressenti bien subjectif à leur égard, il est dur de se faire une opinion… « Mauvaises envahissantes » ou « belles exotiques » ? Il n’y a pas vraiment de vérité absolue mais il convient de tempérer les réactions de notre société face à ces « envahisseurs qu’il faut éradiquer ». Envahisseurs que l’on tolère d’ailleurs dans notre maison et notre jardin car ils font de plus impressionnantes fleurs que nos locales (oui mais dans ce cas là on les contrôle, c’est là qu’est la différence…). Dans le fond ce n’est pas une histoire de Exotiques {versus} Locales mais de Contrôle {versus} Non-contrôle : les plantes que l’on ne contrôle pas, que l’on ne choisit pas, que ce soit du pourpier qui envahisse notre jardin ou de la renouée qui envahisse notre berge, on ne l’aime pas…

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