Hommage au Professeur Laurent AKE-ASSI (1931-2014) : « Le génie abandonne la forêt »

Son parcours

pas de alt pour cette image, sozNé à Agboville le 10 août 1931, le professeur Laurent Aké Assi, agé de 83 ans, a tiré sa révérence, mardi 14 janvier 2014 dans une clinique à Abidjan. Surnommé « Le génie de la brousse », « Le génie de la nature » ou encore « Le génie de la forêt Ivorienne », il est considéré comme le plus illustre des botanistes de la Côte d’Ivoire, voire d’Afrique de l’ouest, il a énormément influencé le domaine de la botanique. Autodidacte émérite, illustre ethnobotaniste, il a consacré toute sa vie à l’étude et à la défense de la flore ivoirienne[[http://news.abidjan.net/h/484568.html]].

Rien ne lui prédisait un destin de chercheur. Laurent Aké Assi a 16 ans lorsque son père, garde forestier, le charge d’accompagner le professeur Mangenot dans la forêt pour l’identification des espèces floristiques ivoiriennes. C’est donc dans la brousse que le botaniste français rencontre, pour la première fois, le jeune futur botaniste ivoirien: « Aké Assi a un sens exceptionnel d’observation, une mémoire phénoménale, c’est un travailleur infatigable. Ces qualités, j’en suis sûr, feront de lui un botaniste », avait prédit le professeur Mangenot[[http://www.lebabi.net/actualite-abidjan/universite-fhb-d-abidjan-le-pr-ake-assi-abandonne-le-jardin-botanique-et-floristique-10681.html]]. Parti en France pour un simple stage de botanique, à la demande de feu le Président Houphouët-Boigny, il revient avec une thèse de Doctorat (en 1963).

Recruté par l’université d’Abidjan, il devient professeur de Botanique à l’Ecole de Forestière du Banco (Abidjan) pendant 20 ans. Professeur titulaire de Botanique à la Faculté des sciences et techniques de l’Université d’Abidjan, il crée en 1963, parallèlement à ses activités d’enseignant, le jardin floristique de l’université de Cocody, une forêt artificielle de plusieurs hectares dans laquelle il cultive toutes les espèces végétales de Côte d’Ivoire, y compris des espèces aujourd’hui disparues du fait de l’activité humaine. Il constitue également l’herbier du Centre National Floristique de l’université de Cocody, qui abrite un patrimoine de plus de 22 250 espèces végétales, soit environ 60 000 spécimens de plantes supérieures à la disposition des étudiants et chercheurs. C’est l’herbier est aujourd’hui, le plus riche d’Afrique de l’Ouest. Le BNETD (Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement) a lancé en 2010, un programme afin d’assurer la numérisation des archives (herbiers et documents annexes).

pas de alt pour cette image, sozRetraité, le Professeur Aké Assi a continué d’être sollicité pour la formation de botanistes dans plusieurs pays du monde et a encadré plusieurs thèses de doctorat en botanique.
Membre de neuf sociétés savantes dans le monde, notamment de la Société Botanique de France, de l’Association Scientifique de Côte d’Ivoire, de l’Académie Royale Belge des Sciences d’Outre-mer, tous les experts dans ce domaine s’accordent à reconnaître que les œuvres du Professeur Laurent Aké Assi relèvent du patrimoine mondial de l’humanité. On dit dans le milieu des botanistes qu’aucune plante n’a de secret pour ce vieux savant que d’aucuns considèrent comme le plus grand botaniste du continent africain, d’où le surnom de « génie de la forêt ivoirienne ». Il connaissait le nom de toutes les espèces végétales de son pays par cœur.
« Je peux dire que j’avais des prédispositions, une facilité d’assimilation qui ont trouvé l’occasion d’éclore. Mon père, garde-forestier, recevait des botanistes français qui voulaient constituer des herbiers. Mon rôle d’interprète m’a permis d’être remarqué par le professeur Mangenot. Tout est parti de là. » Extraits d’un entretien avec L. Aké-Assi pour Africultures, 2003[[Guy Kouakou « Médecine traditionnelle : le manque d’une volonté politique », Africultures 3/2003 (n° 56), p. 52-52. Entretien avec AKE ASSI: http://www.cairn.info/revue-africultures-2003-3-page-52.html]].
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Après 63 ans de vie entièrement consacrée à l’étude de la flore tropicale des pays d’Afrique sud saharienne et de Madagascar, il crée, en 2012, une fondation chargée d’assurer la pérennité de son œuvre[http://www.runetwork.org/html/en/articles/7034.html.
La fondation dispose d’un institut dénommé Institut Botanique Aké-Assi d’Andokoi (IBAAN) qui a principalement pour objet de :

-mettre à la disposition des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des tradithérapeutes du monde entier, l’ensemble de ses travaux et des ouvrages rares et spécialisés dans le domaine de la botanique et l’ethnobotanique
-préserver un important herbier de plus de 22 250 espèces végétales représentant pratiquement toute la flore de l’Afrique de l’Ouest
-promouvoir davantage l’étude et la valorisation de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle africaine ainsi que des plantes alimentaires de cueillette

Afin de permettre aux usagers de l’IBAAN de bénéficier d’une source de documentation le plus large possible, l’Institut a développé des relations avec d’autres institutions botaniques de réputation mondiale telles que le Laboratoire de Phanérogamie du Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris; Le Jardin Botanique National de Belgique, Meise; The Herbarium, Royal Botanic Gardens, Kew Londres ; Missouri Botanical Garden, Saint Louis, Missouri, USA; Les Conservatoire et Jardin Botanique de la ville de Genève, Suisse; Institut fur Organische Chemie der Universitat Würzburg, Allemagne.
L’Institut travaille également en étroite collaboration avec l’UFR Biosciences de l’Université de Cocody-Abidjan, notamment le Laboratoire et le Centre National de Floristique, ainsi qu’avec l’UFR Sciences de la Nature de l’Université d’Abobo-Adjamé. Cette collaboration s’étend à toutes les universités de l’Afrique de l’ouest et de Madagascar. Rappelons qu’au delà des distinctions académiques, les travaux du professeur bénéficient d’une reconnaissance mondiale qui lui a valu des distinctions honorifiques, notamment la Médaille de bronze de la Société Nationale Française pour la Protection de la Nature, le titre de Docteur Honoris Causa de l’Université de Tuscia (Italie) et une décoration au Grade de Chevalier de l’Ordre international des Palmes académiques du CAMES. pas de alt pour cette image, soz

Idriss Diabaté lui a rendu un merveilleux hommage dans le film « Bois sacré » réalisé en 2011, affiche du film, où il a eu la chance de recueillir ce témoignage direct inestimable. Ce film est un plaidoyer pour faire avancer la cause de la botanique en Côte d’Ivoire. A seulement sentir une feuille sans la voir, le professeur Laurent Aké Assi, est capable de l’identifier, ce qui lui a valu le surnom de « génie de la brousse » ou « génie de la nature ». « Quand je vois une plante que je ne peux pas lui donner un nom, cela me chagrine. Et il faut que je cherche pour trouver un nom. C’est pourquoi, je suis toujours au travail », confie le professeur dans le film.  Dans ce film, le Professeur Aké Assi interpelle les autorités et demande à ce que la forêt soit respectée car, dira-il, « nous avons perdu 42 espèces de plantes qu’on ne trouve plus dans la nature ». Pour lui, il est important que les politiciens sachent qu’un herbier est très important et fait partie de l’histoire d’un pays[[http://100pour100culture.com/2011/11/75-minutes-dans-le-bois-sacre-du-pr-laurent-ake-assi/]].

Son œuvre scientifique

Le Professeur Aké Assi a consacré ses activités de recherche à deux programmes majeurs, relatifs à la végétation et à la flore de la Côte d’Ivoire :

1-« Inventaire permanent de la flore de la Côte d’Ivoire »

Spécimen type de Thomandersia anachoreta Heine , récolté par Laurent Aké Assi, le 20 février 1955 en Côte d'Ivoire. Conservé à MPU (Herbier de Montpellier)
Spécimen type de Thomandersia anachoreta Heine , récolté par Laurent Aké Assi, le 20 février 1955 en Côte d’Ivoire. Conservé à MPU (Herbier de Montpellier)

Les prospections botaniques périodiques et ponctuelles étudiées, au titre de ce programme, dans les divers types de formations végétales du pays ou dans les pays limitrophes, ont permis d’accroître le nombre des espèces introduites dans le Jardin Botanique de l’Université ainsi que l’enrichissement de l’Herbier National. Ce travail a permis de recenser et de classifier 3858 espèces de plantes ivoiriennes.Il a ainsi œuvré pour la taxonomie en décrivant de nouvelles espèces Ivoiriennes, notamment de la famille des Rubiaceae. Pour consulter ces spécimens vous pouvez vous rendre sur le site de JSTOR Plant Science en suivant le lien: http://plants.jstor.org/search?name.author=AKE+ASSI.
Un grand hommage lui a été rendu à travers l’espèce qui porte son nom Borassus akeassii Bayton, Ouédraogo & Guinko (Arecaceae). Cette nouvelle espèce de Borassus découverte en Afrique de l’Ouest ( Burkina Faso) a été décrite en 2006[[Bayton, Ross P.; Ouédraogo, Amadé; Guinko, Sita. 2006. « The genus Borassus (Arecaceae) in West Africa, with a description of a new species from Burkina Faso. » Botanical Journal of the Linnean Society, Vol. 150, No. 4, April 2006, pp. 419-427(9)]].

2- « Substances naturelles à usages pharmaceutiques et cosmétiques et santé »

La Côte d’Ivoire possède une très grande diversité de plantes médicinales dont l’identification relève de l’inventaire floristique général du pays. Les recherches entreprises dans le cadre de ce deuxième programme concernent entre autres « la protection et la récolte sauvage des plantes médicinales de Côte d’Ivoire ». Ceci a permis la rédaction, d’une part, de la « Flore Générale de la Côte d’Ivoire » et d’autre part, le recensement général des plantes médicinales du territoire national.

Son œuvre bibliographique[[http://biographieake-assi.blogspot.fr/]][[http://www.idref.fr/033371628]]

Au cours de sa carrière le professeur Laurent Aké Assi a publié plusieurs ouvrages et articles scientifiques et a à son actif 134 publications dont 77 en tant qu’auteur et 57 en tant que coauteur et 3 brevets. Il a notamment participé à la rédaction de flores et d’ouvrages de vulgarisation sur les usages des plantes, dont voici quelques références2 :

Pharmacopée africaine : dictionnaire et monographies multilingues du potentiel médicinal des plantes africaines : Afrique de l’Ouest. Annie Balet, Raphaël D. Eklu-Natey ; Avec Edouard J. Adjanohoun, Michel H. Ahyi, Laurent Aké Assi, François Borst, Cyrille Châtelain, Drissa Diallo, Kurt Hostettmann, Mamadou Koumare, Lassina Sanou, Lausanne : Éditions d’en-bas, 2012pas de alt pour cette image, soz
Abrégé de médecine et de pharmacopée Africaines: quelques plantes employées traditionnellement dans la couverture des soins de Santé primaire. Laurent Aké Assi. Nei-Ceda: Abidjan, 2011[[http://lesivoiriensontdutalent.blogspot.fr/2012/04/pr-ake-assi-laurent-publie-le-vidal-de.html]]
Cartes de distribution des plantes de Côte d’Ivoire. Cyrille Chatelain, Laurent Aké Assi, Rodolphe Spichiger et al. Genève : Conservatoire et Jardin Botaniques de la Ville de Genève, 2011
Flore de la Côte-d’Ivoire I : catalogue systématique, biogéographie et écologie. Laurent Aké Assi, Genève : Conservatoire et Jardin Botaniques de Genève, Boissiera 57, 2001
Flore de la Côte-d’Ivoire II : catalogue systématique, biogéographie et écologie. Laurent Aké Assi, Genève : Conservatoire et Jardin Botaniques de Genève, 2001
Médecine traditionnelle et pharmacopée : Contribution aux études ethnobotaniques et floristiques à la Dominique (Commonwealth of Dominica) : Rapport présenté à l’Agence de coopération culturelle et technique. Édouard Adjanohoun, Laurent Ake Assi, P. Chibon, S. Cuffy et al. Paris : Agence de coopération culturelle et technique, 1988
Fleurs d’Afrique Noire : de la Côte d’Ivoire au Gabon, du Sénégal à L’Ouganda : espèces spontanées et introduites. Laurent Aké Assi ; orchidées par F. Perez-Vera; photos, Laurent Aké Assi et Ph. Oberle. Colmar, France : S.A.E.P., 1987
Flore de la Côte d’Ivoire : étude descriptive et biogéographique, avec quelques notes ethnobotaniques. Laurent Ake Assi, 1984
Contribution aux études ethnobotaniques et floristiques en République Centrafricaine : rapport présenté à l’A.C.C.T.L. Laurent Aké Assi et al. 4e ed. Paris : Agence de coopération culturelle et technique, 1985.
Contribution à l’identification et au recensement des plantes utilisées dans la médecine traditionnelle et la pharmacopée en République centrafricaine : d’après un rapport présenté à l’Agence de coopération culturelle et technique. L. Ake Assi, J. Abeye, S. Guinko. et al. 3ème éd. Paris : A.C.C.T, 1981
Étude d’aménagement touristique du Parc national de Tai. République de Côte d’Ivoire, Secrétariat d’État aux Parcs nationaux. Paris : Bureau pour le développement de la production agricole, 1975
Contribution à l’étude floristique de la Côte d’Ivoire et des territoires limitrophes. Laurent Aké Assi ; préf. de G. Mangenot, Paris : P. Lechevalier, 1963 [i.e. 1964]

Céline PIRAT

6 commentaires

    1. ns smmes très émus de cette disparition d’1 génie savant africain. paix à son ame .ns souhaitons que l’état lui soit reconnaissant en lui dédiant le nom d’une prestigieux centre de recherche botanique de notre pays.
      au lieu de l’honorer à titre postume par une médaille.
      vivement ke l’état l’immortalise pour des générations à venir

  1. Il était mon Professeur de botanique en 1980 à l’Université d’Abidjan, en fac des sciences. Je l’ai beaucoup apprécié. C’était un surdoué. IL était mon Prof préféré. Que Dieu se souvienne de lui pour qu’on se revoie dans le monde nouveau.

  2. Oui…..l’immortel!
    je me souviens bien après la crise post-electorale de 2010 en Cote d’Ivoire,le Professeur a proposé à ses étudiants d’alors de l’Université d’Abobo-Adjamé de signer une pétition afin de montrer leur mécontentement pour destruction de la forêt située au sein de l’université (une première au monde.
    Hélas…….on a préféré le gazon en lieu et place de la forêt.

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