Des Prions chez le Végétaux : implication dans la « mémorisation » ?

Voici un nouvel article d'Hervé Lot qui nous fait part d'une étonnante découverte, celle de prions chez les végétaux, et qui plus est, semblent avoir une implication dans la « mémoire des plantes ». Voyons cela de plus près...

Voici un nouvel article d’Hervé Lot qui nous fait part d’une étonnante découverte, celle de prions chez les végétaux, et qui plus est, semblent avoir une implication dans la « mémoire des plantes ». Voyons cela de plus près…

Il est paru, ce 25 Avril, dans Proceedings of the National Academy of Sciences, un important et fascinant article de l’équipe de Susan Lindquist : Luminidependens (LD) is an Arabidopsis protein with prion behavior. (Sohini Chakrabortee, Can Kayatekin, Greg A. Newby, Marc L. Mendillo, Alex Lancaster, and Susan Lindquist PNAS 2016).

Il concerne la découverte chez les végétaux de protéines se comportant comme des prions. Et, plus étonnant encore, l’hypothèse y est formulée selon laquelle ces molécules leur permettraient de garder la « trace » de phénomènes environnementaux et d’orienter alors leur métabolisme (floraison, reproduction…) Avant d’aborder cette découverte, il semble utile de rappeler ce que sont les « prions »

Un zeste d’histoire

C’est en 1982 que Stanley Prusiner (Prix Nobel 1997) proposa le nom de « prion » (PRoteinaceous Infectious ONly) pour désigner un nouveau type d’agents pathogènes. Il ciblait des protéines ayant une conformation c.à.d. un « repliement » anormal et, bien que dépourvues de toute information génétique (ADN et / ou ARN) comme tous les autres pathogènes connus – champignons, bactéries, virus, viroïdes, etc..-, ils étaient capables de perturber le métabolisme de mammifères.

Il s’agissait réellement d’un nouveau paradigme.
Des maladies appelées Encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) comme la « tremblante du mouton » (connue depuis 1732) ou, chez l’homme, la maladie de Creutzfeld-Jakob (décrite en 1918) et le « Kuru », maladie aujourd’hui disparue décrite chez une peuplade de Nouvelle-Guinée ont été attribués à ces protéines anormales… transmissibles ! Aujourd’hui, les agents responsables de nombreuses formes d’EST chez l’homme et les mammifères sont reconnues être des prions. L’ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine = syndrome de la « vache folle, » décrite en 1986) est attribuée à l’accumulation d’une protéine anormale ou prion. En 1996, un variant de l’agent de la maladie de Creutzfeld-Jakob a été démontré comme étant une « forme » de l’agent de l’ESB ! Toutes ces maladies sont, à plus ou moins longs termes fatales. Malgré quelques avancées dans le diagnostic de ces maladies (convergence de symptômes neurologiques, tests histochimiques), le réel diagnostic n’est aujourd’hui encore que post-mortem !
Un faisceau de résultats, montrant des accumulations de « protéines anormales » dans l’encéphale, incitent à penser que la maladie d’Alzheimer, comme différentes formes de Parkinson seraient provoquées par un prion (non transmissible)

Récemment, des prions non pathogènes ont été mis en évidence chez Saccharomyces cervisae (levure) qui pourraient même lui être utile pour s’adapter aux conditions extérieures. De fait, elles apparaîtraient ou disparaîtraient en fonction des conditions de milieu. Cette découverte fait de cette espèce de champignon ascomycète un modèle d’étude privilégié.
Des prions ont été également découverts chez la drosophile et un gastéropode : le lièvre marin ! Leur mise en évidence chez le végétal est une première.

Un aperçu de ce que l’on comprend

Les prions pathogènes ou non ne sont qu’une configuration spéciale de protéines existant à l’état naturel et jouant leur rôle dans le fonctionnement « normal » de la cellule. Ayant une séquence d’acides aminés parfaitement identique, c’est à la modification de leur structure tridimensionnelle qu’ils devraient leur pouvoir pathogène ? Pour ces prions transmissibles on observe une pénétration dans les neurones où il se multiplient ( comment ?) et finissent par les tuer.
Ce qui est encore inexpliqué, c’est que, dépourvus de capacité de réplication, ils peuvent se multiplier dans les cellules.

Les Prions chez les végétaux et leur possibles fonctions

Traditionnellement, on considérait comme un abyme ce qui séparait le monde animal et le monde végétal. Or mémoire, voire sensations ne seraient pas exclues des potentialités des végétaux !

Beaucoup de travaux cherchaient à approcher ce qui conduisait une plante à s’adapter : en particulier aux fluctuations de l’environnement. Et un dispositif de « mémoire » avait été évoqué pour mettre en place ces mécanismes adaptatifs.

L’équipe de S. Linquist a montré que certaines protéines d’une petite crucifère (Arabidopsis thaliana) insérées dans la levure se comportaient comme des prions et y formait entre autres des agrégats.

Evidemment, cette intrigante découverte serait fabuleuse s’il était démontré que ces protéines étaient le « support » de la mémoire des végétaux et que « l’intelligence « des plantes, dans la ligne de Darwin, était une réalité expliquée.

Parmi les 474 protéines dont des domaines évoquent des molécules à configuration variable-donc de type prion- certaines semblent impliquées dans le phénomène de floraison en relation avec les données thermiques. La plante semble se souvenir des conditions favorables à la floraison. Bien que la fonction réelle de ces protéines simili-prions reste à prouver, les auteurs suggèrent qu’ils auraient un rôle comme formes moléculaires de stockage d’informations.

Comme le propose Alain Vian, Prof. de Botanique de l’Univ. d’Angers, une plante ne stockerait pas le stimulus en mémoire comme le fait un animal -puisqu’elle n’a pas de neurone- mais la façon d’y répondre.
Lui-même avait montré qu’en fonction des conditions d’environnement, sa plante modèle, Bidens pilosa, pouvait exprimer des réponses à des traumatismes pouvant se révéler quelques jours plus tard. S’intéressant au mécanisme moléculaire, il avait prouvé qu’étaient impliquées des protéines de choc thermique.
L’article de PNAS confirme ces résultats en attribuant à des prions ce rôle. De fait, cette capacité est trans-générationelle.

On semble s’approcher de la connaissance d’un support moléculaire qui permettrait à la plante de garder trace de son environnement extérieur, ce qui est une forme de mémoire !
De plus en plus de travaux démontrent la transmission de la capacité à répondre aux pressions de l’environnement ou à l’attaque d’un pathogène. Dans ce dernier cas, il semble qu’il puisse avoir une possibilité accrue transmise de résistance au pathogène.

Alors, possibilités d’utilisation à fin agronomique intéressantes ou manipulations douteuses et sans étude d’impact de techno-scientistes aux aguets ?

Hervé LOT

3 commentaires

  1. Bonjour,

    Je me demandais si ça avait aussi un rapport avec les orchidées Ophrys ou est-ce que c’est seulement dû à leur évolution ?
    Et pour les acacias qui « communiquent » entre eux, (voir l’Acacia et le Koudou) est-ce qu’il y a aussi un lien ?

    Voilà, cet article est très intéressant, j’y ai est appris des choses, mais je reste curieuse.

    Merci !

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