L’Herbier Guittot, un cas d’école arrive sur le Net !
L’Herbier Guittot, un bel exemple d’un herbier réalisé au début de l’école publique qui a été numérisé, inventorié et entièrement mis en ligne sur Tela Botanica !
Jean-Louis Guittot, instituteur vendéen de la IIIe République, est l’auteur d’un bel herbier réalisé à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Longtemps conservé avec soin par Robert Barbereau (1921-2015), qui comme Jean-Louis Guittot tenait son intérêt pour la botanique de ses années d’étude à l’École Normale d’Instituteurs de La Roche-sur- Yon, cet herbier a été remis au début des années 2000 à Anne-Marie Grimaud, qui l’a fait connaître à l’occasion du programme de recensement des herbiers des Pays de la Loire ; afin de le valoriser et de le protéger, il a été numérisé, mis en ligne et sera très bientôt donné au Museum d’Histoire Naturelle de Nantes.
Jean-Louis Guittot (1863-1942) : Instituteur et botaniste vendéen
Jean-Louis Guittot naît le 12 juillet 1863 au hameau de la Poissonnière, dans la commune du Bourg-sous-La Roche, dans une famille modeste d’origine paysanne.
Admis à l’École normale de La Roche-sur-Yon en octobre 1879 comme boursier, il en sort titulaire du brevet supérieur et du certificat d’aptitude pédagogique en juillet 1882. C’est l’année du vote de la loi qui va rendre obligatoire l’instruction primaire, l’un des textes fondamentaux venant donner corps au projet politique de la IIIe République d’une école publique laïcisée, gratuite et obligatoire pour tous les enfants de six à treize ans.
D’abord employé comme commis à l’Inspection académique, il prend son premier poste d’instituteur public en 1883 aux Sables d’Olonne. Il est ensuite adjoint au Petit-Bourg des Herbiers (1884) puis à St-Mars-la-Réorthe (1886) ; chargé d’école successivement à La Gaubretière (1887), Ardelay (1890) et Belleville-sur-Vie (1891). Il obtient sa première direction d’école à Chauché en 1897. En 1911, il est nommé directeur de l’école de garçons de La Chaume, aux Sables d’Olonne, poste qu’il conservera jusqu’à sa retraite en 1923. Il meurt aux Sables d’Olonne le 9 mai 1942.
Initié à la botanique dès l’École normale, il est en relation avec Nicolas-Charles Pontarlier (1812-1889), l’un des grands botanistes vendéens du XIXe siècle, qui lui donne des spécimens de plantes. Ses supérieurs soulignent ses qualités professionnelles, mais aussi son intelligence et son instruction, son intérêt pour les sciences naturelles, avec de sérieuses connaissances en botanique. Il pratique la confection d’herbiers scolaires, recommandée par les instructions officielles en appui d’une pédagogie active des sciences appliquées à l’agriculture. Son implication dans l’enseignement agricole pour adultes et adolescents et dans les cultures de démonstration lui valent à plusieurs reprises des récompenses officielles. En 1904, deux herbiers scolaires de son fait sont sélectionnés pour être présentés à l’Exposition internationale universelle de Saint-Louis, organisée aux États-Unis pour fêter le bicentenaire de la cession par la France de la Louisiane.
En 1905, son admission comme membre de la Société botanique des Deux-Sèvres lui donne la possibilité d’échanges variés entre adhérents de toutes conditions partageant le même intérêt pour les végétaux. Il tient régulièrement la société informée de ses herborisations et découvertes personnelles, participe aux excursions botaniques organisées en Vendée, prépare lui-même celle de 1912 sur la côte des Sables d’Olonne. Il publie dans le bulletin de 1908-1909 le « Compte-rendu d’une promenade solitaire à l’étang de Boireau » (Les Essarts, Vendée), « paradis des batraciens, des chasseurs et des botanistes ». En juin 1911, il participe à la session organisée en Vendée par la Société botanique de France.
Outre les Phanérogames, Guittot s’intéresse aussi aux Muscinées : Joseph Charrier (1879-1963), dans le catalogue qu’il consacre à cet embranchement,le cite à cinq reprises, notamment pour des localisations en forêt de Grasla et à Chauché. On notera enfin que la curiosité de Guittot s’étend également aux algues, ce dont témoigne l’un de ses envois à la Société régionale de botanique en 1914.
Vous pouvez retrouver la fiche biographie complète de Jean-Louis Guittot dans Collections En Ligne ici.
L’herbier Guittot, un parfait exemple d’herbier à valeur scientifique ET historique
L’Herbier Guittot se compose de plus de 240 planches de plantes cueillies entre 1837 et 1927, fruit des récoltes de Jean-Louis Guittot entre 1880 et 1927 et d’échanges avec une vingtaine de botanistes (Nicolas-Charles Pontarlier, Louis Forestier, Pierre Cornuault pour les principaux) et plusieurs sociétés savantes (Société Rochelaise, Société botanique des Deux-Sèvres…).
Ces plantes ont été principalement récoltées en Vendée, comme nous pouvons le voir sur la carte suivante. Elles donnent donc des informations intéressantes sur la flore de ce département.
Carte des stations de récoltes de l’Herbier Guittot :
Toutes les planches sont en excellent état, elles ont traversé plus d’un siècle précieusement conservées à l’abri des insectes et de la lumière.
Les plantes sont toutes soigneusement attachées avec des bandelettes de papier et des épingles comme c’est souvent le cas dans les herbiers de cette période. Pour chacune les informations indispensables sont parfaitement renseignées : nom et auteur de l’espèce, date et lieu de récolte et nom du récolteur.
Fiche Collections En Ligne de l’herbier Guittot : ici
Cet herbier est donc un parfait exemple de collection qui présente à la fois un intérêt historique et scientifique. Historique d’abord, car il est témoin de la pratique d’une époque, celle où les sciences naturelles étaient très enseignées à l’École et les instituteurs encouragés et récompensés dans cette démarche. Ainsi on retrouve de nombreux herbiers d’instituteurs du début du XXe siècle, parfois récompensés par des médailles ou ayant été exposés lors d’évènements internationaux de promotion de la France.
En plus de cet aspect historique, cet herbier a une grande valeur scientifique. En effet, il est très bien réalisé et les étiquettes renferment toutes les informations nécessaires à son exploitation scientifique. Grâce à lui, nous pouvons savoir précisément à quelle date et à quel endroit précis chaque espèce était présente. Ces données permettent au Conservatoire botanique ou aux associations de protection de la Nature de comparer avec la situation actuelle et d’en tirer des conclusions sur leur conservation. La dimension locale de cet herbier permet par exemple de travailler spécifiquement sur la région des Sables d’Olonne qui a subi de fortes modifications en plus d’un siècle…
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Numérisation et informatisation collaborative, l’herbier Guittot est le premier herbier accessible en libre sur Tela Botanica
Grâce à la volonté des propriétaires de partager cet herbier et aux outils mis à disposition par Tela Botanica, l’herbier Guittot est maintenant accessible à tous en ligne et utilisable en licence libre !
Ce travail collaboratif a débuté par l’inventaire complet réalisé par Anne-Marie et François Grimaud, les propriétaires actuels de l’herbier, qui leur a été donné par Robert Barbereau. Ainsi ils ont déchiffré et noté une à une toutes les informations indiquées sur les étiquettes. Ayant contacté par la suite le projet HerbEnLoire (Recensement des Herbiers des Pays de la Loire) pour faire recenser cet herbier, ils ont pu bénéficier de notre aide pour sa numérisation.
Enfin, la propriétaire utilise les informations floristiques pour rechercher les anciennes stations de plantes et observer les changements avec l’association dont elle est administratrice : l’APNO (Association pour la Protection de la Nature au Pays des Olonnes). Grâce à la numérisation et la mise en ligne de l’herbier, elle peut continuer à utiliser les données d’observations tout en le confiant au Muséum d’histoire naturelle de Nantes qui saura le protéger, le valoriser et le conserver dans les meilleures conditions.
Toutes ces données ont été entrées dans l’outil CarnetEnLigne, car même si elles sont anciennes, elles restent des données d’observations de la flore. Ainsi l’herbier Guittot devient le premier herbier numérisé et entièrement mis en ligne sur Tela Botanica !
Vous pouvez retrouver toutes les planches dans la galerie suivante ou dans pictoflora avec le tag HerbierGuittot (lien ici)
Cet article a été rédigé par Yves Le Quellec, président de Vendée Nature Environnement et Samantha Bazan, chargée de mission HerbEnLoire.
Nous tenons à remercier Anne-Marie et François Grimaud pour nous avoir permis de découvrir l’herbier Guittot ainsi que pour le travail d’inventaire, et pour leur accueil chaleureux et leur passion.
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HerbEnLoire est un projet qui vise à répertorier l’ensemble des collections d’herbiers et apparentées* dans la région Pays de la Loire, qu’elles soient publiques ou privées. L’objectif est d’inventorier, diagnostiquer et expertiser ce patrimoine inestimable et souvent oublié afin de le protéger, le valoriser et le rendre plus accessible.
Ce projet est financé par la région des Pays de la Loire (appel à projet B.E.A.U.T.O.U.R.) et soutenu par la DRAC Pays de la Loire et e-ReColNat. Il est porté par l’Université d’Angers, en collaboration avec le Conservatoire botanique national de Brest, Tela Botanica, les muséums d’histoire naturelle de Nantes, Angers, Le Mans et Laval, le centre régional de la biodiversité de Beautour, Agrocampus Ouest et la Société d’études scientifiques de l’Anjou.|
> Vous pouvez retrouver cet article sur le site d’HerbEnLoire en cliquant ici.
Un article a aussi été publié dans le journal Ouest France, vous pouvez le retrouver ici.
Sources :
– Etat-civil des communes.
– Arch. dép. de la Vendée : 1T255 (fonds de l’inspection académique, dossier d’instituteur) ; 6M71 (recensements de la population, Le Bourg-sous-La Roche).
– Bulletin de l’instruction primaire du département de la Vendée (en ligne : http://recherche-archives.vendee.fr/archives/fonds/FRAD085_4Num290).
– Bulletin de la Société botanique des Deux-Sèvres.
« Session extraordinaire tenue en Vendée en juin 1911 ».
– Bulletin de la Société botanique de France, 1911, T. 58, 206 p.
– Exposition Internationale Universelle de Saint-Louis 1904. – Catalogue général officiel de la section française. Paris, 1904.
– Charrier (J.), « Catalogue des muscinées du département de la Vendée ». Annales de la Soc. des Sc. nat. de la Charente-Maritime, 1958, vol. IV, fasc. 1, 56 p.
4 commentaires
Excellent travail ! Peut on savoir en quelle définition l’herbier a été numérisé et visualisable sur l’écran d’un ordinateur pour observer les détails ?
Bonjour et merci Daniel,
Les planches ont été photographiées en 6000*4000 (soit 300dpi), la meilleure qualité possible avec nos moyens. Donc normalement pas de soucis pour visualiser les détails !
Article très intéressant. Merci à HerbEnLoire pour le travail réalisé.
Merci Pierre,
Plus qu’HerbEnLoire, ce travail a pu être réalisé grâce à Mr et Madame Grimaud et Yves Lequellec. Mais aussi grâce à Tela Botanica qui a développé le réseau et les outils qui nous ont permis de valoriser ce bel herbier !