Forêt méditerranéenne et changement climatique

Ce mois-ci, l'[Observatoire Des Saisons->http://www.obs-saisons.fr] donne la parole aux chercheurs qui étudient la phénologie et l'impact du changement climatique sur les forêts et sur certaines espèces d'arbres en particulier.[[[« Un nouvel automne atypique : le regard des chercheurs ». ODS, 04.11.2016->http://www.obs-saisons.fr/node/4340].]]

Ce mois-ci, l’Observatoire Des Saisons donne la parole aux chercheurs qui étudient la phénologie et l’impact du changement climatique sur les forêts et sur certaines espèces d’arbres en particulier.[[« Un nouvel automne atypique : le regard des chercheurs ». ODS, 04.11.2016

Nous avons interviewé Thierry Gauquelin, et vous partageons une récente interview de Wolfgang Cramer, deux spécialistes des écosystèmes méditerranéens de l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE).

Professeur à Aix Marseille Université, Thierry Gauquelin étudie le fonctionnement des écosystèmes forestiers méditerranéens et l’impact du changement climatique sur ce fonctionnement et sur la dynamique de ces forêts. [[Il travaille au sein de l’équipe « Diversité fonctionnelle : des molécules aux écosystèmes » de l’IMBE.
Une autre chercheure de ce laboratoire, Sophie Gachet, a co-fondé une déclinaison régionale de l’ODS : l’Observatoire Des Saisons Provence

Cela concerne l’étude à la fois du sol, de la biodiversité, des cycles de carbone, de la croissance des arbres, etc. Une station expérimentale de terrain qui consiste en un observatoire du chêne pubescent, appelé O3HP [[
Quercus pubescens (Chêne pubescent, ou Chêne blanc) (Photos: Isabelle Chuine)

Suivez le chêne en participant à l'ODS !
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ODS : En quoi les indicateurs biologiques sont-ils essentiels dans la compréhension du changement climatique ?

T.Gauquelin : Les indicateurs biologiques sont fondamentaux car ils intègrent différents aspects (paramètres) du climat et donc réagissent à différents aspects du changement climatique et non seulement, par exemple, à l’augmentation de température et à ce titre, ils peuvent renseigner sur la nature de ce changement.

Mais surtout, il est évidemment fondamental de comprendre de quelle manière le changement climatique va modifier la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. Face aux changements climatiques ou globaux, les organismes vivants n’ont que trois choix possibles : s’accommoder ou s’acclimater individuellement en modifiant leur morphologie ou leur comportement individuel (s’ils sont suffisamment plastiques), s’adapter génétiquement (mais c’est plus long), fuir, c’est à dire migrer pour trouver des contrées plus propices à leur écologie… C’est cela qu’il est important d’étudier.

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La station d’observation des chênes pubescents (Photo: OH3P)

ODS : En quoi consiste votre dispositif de suivi des chênes ?

T.G. : Il s’agit d’un dispositif expérimental in natura (c’est-à-dire sur le terrain, en prenant en compte l’ensemble de l’écosystème) qui permet d’étudier la réponse d’une forêt de Chênes pubescents au changement climatique, et plus précisément, à une augmentation de la période de sécheresse estivale annoncée par les modèles climatiques pour le siècle à venir.
Le dispositif O3HP, mis en place à partir de 2009, est organisé autour de trois éléments :

(i) un système de passerelles instrumentées,
(ii) un système original d’exclusion de pluie couvrant environ la moitié de la parcelle (300 m2),
(iii) et un réseau de capteurs (température, humidité à différents niveaux du sol et de la canopée, flux de sève, etc).

ODS : Avez-vous déjà obtenu des résultats à partir de cet observatoire ?

T.G. : Des modifications ont été mises en évidence concernant un processus-clé du fonctionnement des écosystèmes, à savoir la décomposition des litières qui permet une remise à disposition des éléments minéraux au sol. L’allongement provoqué de la période de sécheresse estivale caractéristique du climat méditerranéen (reconstituée grâce au dispositif expérimental) a conduit à une forte diminution de la décomposition des litières mais aussi à une modification importante de la faune du sol, acteur majeur de cette décomposition. D’autres aspects du fonctionnement, tel que la croissance des arbres ou la phénologie sont en cours d’étude.


ODS : Quelles pourraient être les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes et la biodiversité méditerranéens en particulier ?

T.G.: C’est certainement l’ « aridification » annoncée du climat méditerranéen à l’horizon 2100, couplée à l’augmentation des températures, qui risque d’impacter le plus les écosystèmes forestiers. Même si ces écosystèmes méditerranéens sont déjà adaptés à ce stress estival, ils risquent d’être bouleversés par des modifications concernant leur vitalité. A terme cela pourrait avoir un impact sur les essences présentes, et plus généralement sur leur biodiversité.

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ODS : En quoi la sécheresse de ces derniers mois a été dommageable pour la végétation méditerranéenne pourtant bien adaptée ? En combien d’années les zones brûlées dans la région pourront à nouveau être boisées ?

T.G. : Les sécheresses répétées (dont le lien avec le changement climatique concernant le moyen ou long terme n’est pas complétement établi) provoquent par exemple des arrêts anticipés de croissance des arbres pour l’année en cours mais peuvent aussi avoir des répercutions sur les années suivantes !
Le problème des incendies est un peu différent. En région méditerranéenne, la recolonisation naturelle par les pins d’Alep, une espèce pionnière exceptionnelle, peut être assez rapide, quelques années, à partir du moment où le sol n’a pas été complétement érodé après l’incendie !

Retrouvez aussi une interview de Wolfgang Cramer, écologue à l’IMBE, qui a récemment publié les résultats de travaux réalisés avec le chercheur Joël Guiot, sur l’évaluation de l’impact d’une augmentation de la température moyenne mondiale sur les écosystèmes méditerranéens :

« Climat : « Avec une augmentation de 2ºC, l’impact serait inédit pour le bassin méditerranéen » ». La Provence, 30.10.2016.

Amandine

> Voir cet article sur le site de l’ODS

2 commentaires

  1. Je vis dans les hautes corbières (11)entouré de plusieurs centaines d’hectares de chênes pubescent et vert et j’observe aussi la diversité végétale intercalaire (buis, érables de Montpellier et champêtre, laurier des bois, etc) qui apportent leur humus et absorbent l’eau de pluie. Donc votre dispositif basé essentiellement sur la canopée ne sera t-il pas défaillant en terme de généralisation des résultats?

    1. Bonjour,

      merci pour votre commentaire, que nous avons transmis à Thierry Gauquelin.

      Voici sa réponse :

      « Le dispositif d’exclusion de pluie, il est effectivement positionné au dessus de la canopée mais c’est bien l’ensemble de la végétation avec les strates inférieures qui est concerné sous ce dispositif puisque l’idée est d’aborder l’ensemble de l’écosystème forestier et les interactions. A titre d’exemple, puisque vous évoquez les humus et la biodiversité, un résumé concernant la dernière publication réalisée : SANTONJA M., FERNANDEZ C., PROFFIT M., GERS C., GAUQUELIN T., REITER I., CRAMER W., BALDY V. 2016 Plant litter mixture partly mitigates the negative effects of extended drought on soil biota and litter decomposition in a Mediterranean oak forest. Journal of Ecology, November 2016 DOI: 10.1111/1365-2745.12711

      A l’O3HP, nous avons pu étudier les effets combinés de la sécheresse accrue grâce au système d’exclusion de pluie et de la diversité des espèces végétales (par des mélanges de litières à un ou plusieurs espèces) sur la décomposition des litières et les acteurs de cette décomposition. L’augmentation de la période de sécheresse a entraîné (i) une diminution de l’abondance et de la diversité de la mésofaune – à des degrés divers pour Collemboles et acariens – et des microorganismes du sol (ii) un ralentissement dans la décomposition de la litière, mais la présence de plusieurs espèces végétales dans la litière atténue cet impact négatif. Ce dernier point souligne l’intérêt de conserver une diversité d’espèces dans les forêts méditerranéennes soumises au changement climatique. »

      Bien cordialement,

      Amandine

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