Définition, menaces et protection de la Biodiversité. Partie 1 : comprendre la biodiversité et son effondrement
Voici le premier volet d’une série de 3 articles sur la biodiversité qui traite des problèmes liés à son effondrement à tous les niveaux afin de bien comprendre les liens entre la diversité génétique, des espèces et des paysages. La seconde partie, qui sera publiée la semaine prochaine, propose un résumé des changements globaux actuels (changement climatique, pollution, fragmentation etc.) et comment ils impactent la biodiversité. Enfin la troisième et dernière partie, publiée dans deux semaines, résume les solutions existantes basées sur les travaux de recherche pour protéger au mieux la biodiversité à tous les niveaux et en prenant en compte les changements globaux.
Nous savons que la biodiversité s’effondre partout sur la Terre, pour diverses raisons : le changement climatique évidemment, la pollution matérielle (plastique), chimique (intrants), lumineuse représentent un autre acteur important, la réduction considérable et alarmante des espaces naturelles (exploitation des ressources et étalement des villes) et enfin leur fragmentation. Avant de revenir plus en détails sur ces points que l’on regroupe sous le terme de « changements globaux » dans la partie 2 publiée la semaine prochaine, qu’est ce que ça signifie que la « biodiversité » diminue ?
La biodiversité représente, comme son nom l’indique, la diversité du vivant. C’est-à-dire la diversité des gênes dans un individu (allèles, résistance génétique etc.), des individus dans une espèce (la diversité des couleurs de peau de l’espèce humaine est un bon exemple), des espèces dans un habitat (nombre d’espèces dans une forêt, une prairie, une rivière etc.), mais aussi des habitats dans un écosystème global, une région, un pays etc. Et bien la biodiversité diminue dans chacun des niveaux présentés car ils sont tous interconnectés et la diminution de l’un provoque irrémédiablement la diminution des autres.
Au niveau génétique, les espèces s’appauvrissent, et nous parlons bien ici des espèces sauvages et non pas des espèces sélectionnées et cultivées qui ont souvent un génome « identique » les unes avec les autres. En effet, les champs de maïs, de blé ou de colza ont généralement une diversité génétique qui tend vers …. 0 ! Toutes les plantes sont des clones issues de la même variété, à peu de choses prêts. Pourquoi cela pose-t-il problème ? Après tout, ces variétés ont été sélectionnées pour leur résistance et leur production. Et bien, si un insecte ravageur venu de contrées lointaines, ou une maladie qui s’attaque aux cultures fait son apparition, l’entièreté de la production sera atteinte. Si la diversité génétique est grande, il y a tout un panel de résistance au sein de la population et certains individus, plus costauds car ils possèdent des allèles de résistance, pourront s’en sortir. Nous n’attrapons pas tous la grippe en hiver, alors que si nous étions des clones avec un patrimoine génétique identique, tout le monde attraperait la grippe en même temps car nous avons exactement les mêmes forces et faiblesses dans notre génome. Cet exemple est très vulgarisé mais ici, c’est le même principe.
Donc nous voyons bien combien il est important de garder une diversité génétique au niveau le plus élevé possible. Mais, les habitats naturels étant toujours plus petits et isolés les uns des autres, cette diversité s’effondre dans la nature. Le problème, c’est que le changement climatique et les grandes voies de transports internationales entraînent un nombre incalculable d’invasions de ravageurs comme par exemple, récemment, la pyrale du buis. Une plus grande diversité génétique signifie plus d’armes pour se défendre des conditions climatiques changeantes et des maladies.
Au niveau des individus, les populations (regroupement d’individus) de quasiment toutes les espèces du monde sont en train de s’effondrer, de disparaître. Nous avons récemment entendu parler de chiffres du WWF estimant que 60% des individus sur la planète sont morts depuis les années 70. Cela signifie que plus de la moitié de tous les animaux de la planète sont morts en moins de 50 ans. De même, pas loin de 80% des insectes ont disparus en 30 ans en Europe et si vous y pensez bien, il y avait beaucoup plus de bestioles quand nous étions enfants qu’aujourd’hui.
Mise à part le côté éthique du problème, car disons le clairement, tout ceci est de notre faute, ce « génocide écologique » ou « anéantissement biologique » ne présage rien de bon. Cela entraîne une baisse de la diversité génétique comme expliqué précédemment pour une raison simple. Prenez deux aquariums de même taille et mettez dans le premier 3 couples de poissons et dans le second 15 couples de la même espèce. Vous verrez qu’au bout de quelques générations, les descendants des poissons du premier aquarium seront totalement déformés à cause de la consanguinité. Dans la nature c’est à peu près la même chose qui se produit ! Si les individus ne sont pas assez nombreux ET différents d’un point de vue génétique, peu importe la protection que l’on mettra en place, l’espèce est déjà éteinte d’avance. Même s’il reste encore plusieurs individus, ça ne fonctionnera pas sur le long terme, c’est certain. Certaines espèces qui peuplent encore notre planète sont ainsi déjà considérées comme « éteintes » car il n’y a aucune chance que les générations futures puissent survivre avec une diversité génétique et un nombre d’individus aussi faible.
Nous avons malheureusement eu l’expérience médiatique de la mort du dernier mâle rhinocéros blanc (Ceratotherium simum B.) en Mars dernier emportant avec lui toutes chances de survie de son espèce (de sa sous espèce en fait). En réalité, les scientifiques savaient déjà que l’espèce était condamnée puisqu’il ne restait pas assez d’individus pour sa survie sur le long terme, le combat était donc perdu d’avance. Des dizaines voire des centaines d’autres espèces seraient elles aussi déjà condamnées à l’extinction.
Pour aller plus loin sur cette thématique :
La diversité des espèces est peut être l’aspect le plus documenté et le plus vulgarisé : nous savons tous que les espèces disparaissent. Lorsqu’une espèce a disparu, il faut bien se rendre compte qu’elle n’existe plus, nulle part. Toutes les espèces ne sont pas sensibles de la même manière aux changements globaux et, alors que certaines d’entre-elles vont prospérer dans leurs nouvelles conditions, d’autres, au contraire risquent gros. Nous pouvons lister les caractéristiques qui augmentent naturellement la vulnérabilité de certains groupes aux changements globaux
Tout d’abord, il faut savoir que le nombre d’individu et la rareté naturelle d’une espèce sont des caractéristiques intrinsèques. Par exemple, les fourmis sont globalement très abondantes alors que les éléphants sont rares, cela a toujours été le cas. Certains félins paraissent même invisibles tellement ils sont rares et peu observés : les chats forestiers ou les lynx chez nous, le puma en Amérique etc. Ainsi, les espèces dont les individus sont peu nombreux de manière naturelle sont de fait beaucoup plus vulnérables aux changements globaux.
En simplifiant au maximum, nous pourrions dire qu’il existe deux stratégies de vie. Les espèces généralistes qui peuvent survivre un peu partout dans un panel de conditions très variables (les mammifères en général dont nous, humains, mais aussi les pissenlits par exemple) et des espèces très spécialisées et très dépendantes de leur milieu dont elles sont adaptées à l’extrême. Par exemple, les plantes qui ne vivent que dans les tourbières (les plantes carnivores) sont incapables de pousser ailleurs, et de manière générale, toutes les espèces inféodées aux zones humides, marais et tourbières, sont parmi les plus menacées par un réchauffement climatique et une réduction des précipitations.
Les top-prédateurs sont aussi extrêmement vulnérables car ils dépendent, pour leur survie, de la survie de dizaines, voire centaines d’espèces. Le plus connu des top-prédateur est le loup, et mise à part le fait qu’il est régulièrement chassé pour des raisons totalement obscures et insensées, il a besoin de la survie de ses proies pour sa propre survie, mais prenons plutôt l’exemple du renard. Imaginons que le renard chasse un serpent, il a donc besoin de cette espèce pour sa survie. Mais le serpent se nourrit d’espèces de rongeurs, qui eux-mêmes se nourrissent de graines, qui elles-mêmes sont produites par des plantes qui ont besoin d’insectes pollinisateurs etc. Si un des maillons de la chaîne disparaît, tout ce qui suit disparaît aussi. Par conséquent, les top-prédateurs, ceux en haut de la chaîne alimentaire (ou chaîne trophique) , sont les plus vulnérables.
Pour terminer le volet « espèce » de la biodiversité, nous pouvons aussi signaler que les espèces très dépendantes d’autres espèces sont aussi plus vulnérables car la disparition de l’une entraîne irrémédiablement la disparition de l’autre. Certaines orchidées par exemple dépendent d’une seule et unique espèce d’abeille sauvage pour la pollinisation et de certains champignons pour la germination des graines. Si l’une ou l’autre venait à disparaître, l’orchidée disparaîtrait aussi. Cela n’est pas qu’une théorie et il existe aujourd’hui des vestiges d’espèces vouées à l’extinction. Pour faire écho à ce qui était dit plus haut, certains arbres, notamment tropicaux, peuvent être considérés comme « éteints » même s’il reste encore quelques très vieux individus qui ne peuvent plus se reproduire car leur disperseur a disparu. En effet, ils ont évolué pour fabriquer de gros fruits dont les graines doivent absolument passer par le tube digestif d’un animal massif aujourd’hui disparu. Et bien ces arbres continuent leur croissance sans pour autant renouveler leur descendance. Ils sont donc vivants, mais l’espèce, elle, est déjà éteinte.
Une courte vidéo pour vous montrer des exemples d’espèces disparues récemment à cause de l’Homme.
La diversité des milieux naturels diminue aussi à une vitesse vertigineuse. On estime qu’en Suisse, 90% des marais ont disparu depuis la fin du XIXe siècle (OFEV), et les chiffres sont similaires dans de nombreuses régions du monde. De même, il n’existe quasiment plus de forêts naturels en Europe. En effet, l’idée générale que nous avons des forêts est un espace très naturel ou la vie prolifère, mais il n’en est rien ! La majorité des forêts sont entretenues pour produire du bois et ne sont en aucun cas un espace ou la nature s’exprime. Elles ressemblent plus à un champ cultivé qu’à un espace naturel finalement. Une forêt « naturelle » doit être désordonnée, avec tout un tas de bois morts, plusieurs strates de végétation, de très vieux arbre-habitats aux troncs gigantesques, et surtout beaucoup d’animaux, de bruits d’oiseaux et de traces de bestioles en tout genre. Vous conviendrez qu’il n’en est rien aujourd’hui, les forêts sont en fait des plantations d’arbres.
Le film français « LE TEMPS DES FORÊTS » actuellement au cinéma résume justement ce constat, voici une bande annonce.
Un autre paysage qui nous semble naturel mais qui ne l’est, pour le coup, vraiment pas, sont les zones agricoles. En France, nous sommes parmi les pays qui produisons le plus de denrées alimentaires et si vous regardez un peu le paysage en dehors des villes… On ne voit que des champs, des champs cultivés. Si vous prenez l’avion ou le train entre Lyon et Paris, vous ne verrez que des champs à perte de vue sur des centaines de kilomètres. L’agriculture n’a aujourd’hui absolument rien de naturelle, comme dit précédemment, les variétés plantées ont une diversité génétique quasiment inexistante, elles sont entretenues, les « mauvaises herbes » – qui sont en fait les espèces « naturelles » – sont éliminées à coup d’herbicides, les insectes – encore une fois des espèces naturelles – sont éliminés à coup d’insecticides, les sols sont gavés aux engrais si bien que plus rien n’arrive à pousser naturellement après quelques décennies… Inutile donc de préciser que le modèle agricole actuel est un désastre environnemental et participe directement à la disparition des habitats (pour les convertir en culture, au même titre que la déforestation pour cultiver de l’huile de palme), mais aussi la disparition des espèces qui n’ont plus d’espaces naturelles pour vivre et des individus qui meurent à cause de la pollution chimique.
Les aires vraiment naturelles restantes sont généralement de petites tailles et isolées, un peu partout sur le territoire, ne permettant pas la circulation des individus et ne pouvant pas supporter de grandes populations d’espèces.
Et si vous voulez voir à quoi ressemble les espèces menacées (et pas seulement l’ours blanc et le guépard…) c’est par ici : Photographer Spends Years Capturing Endangered Animals; The Extraordinary Photos Broke Our Hearts.
Vous remarquerez qu’à ce moment, le dernier mâle Rhinocéros blanc était encore vivant.
A très vite pour la seconde partie qui traitera des menaces qui pèsent sur la biodiversité et qui expliquent son effondrement actuel.
- Voici le second volet d’une série de 3 articles sur la biodiversité qui traite cette fois-ci des changements globaux (changement climatique, pollution, fragmentation etc.) et de leurs impactes sur la …
Définition, menaces et protection de la Biodiversité. Partie 3 : comment protéger au mieux la biodiversité ?
Voici le troisième et dernier volet d’une série de 3 articles sur la biodiversité qui traite des solutions existantes basées sur les travaux de recherche pour protéger au mieux la …
9 commentaires
Merci pour cette analyse, mais trop de fautes d’orthographe énormes.
Bonjour, n’hésitez pas à signaler précisément les fautes que vous avez repéré pour que des corrections puissent être effectuées. Bonne journée
parmi les pays qui produisXXX le plus de denrées alimentaires et si vous regardez un peu le paysage en dehors des villes… On ne voit que des champs, des champs cultivés. Si vous prenez l’avion ou le train entre Lyon et Paris, vous ne verrez que des champs à perte de vue sur des centaines de kilomètres. L’agriculture n’a aujourd’hui absolument rien de natureXX, comme dit précédemment, les variétés plantées ont une diversité génétique quasiment inexistante, elles sont entretenues, les « mauvaises herbes » – qui sont en fait les espèces « naturelles » – sont éliminées à coup d’herbicides, les insectes – encore une fois des espèces naturelles – sont éliminés à coup d’insecticides, les sols sont gavés aux engrais si bien que plus rien n’arrive à pousser naturellement après quelques décennies… Inutile donc de préciser que le modèle agricole actuel est un désastre environnemental et participe directement à la disparition des habitats (pour les convertir en culture, au même titre que la déforestation pour cultiver de l’huile de palme), mais aussi la disparition des espèces qui n’ont plus d’espaces natureXXX pour vivre et des individus qui meurent à cause de la pollution chimique.
Bonne synthèse. Merci pour cette sensibilisation sur des sujets hélas tellement d’actualité. Seule réserve : les fautes de français distraient l’attention du lecteur.
« le loup, et mise à part le fait qu’il est régulièrement chassé pour des raisons totalement obscures et insensées, » !!!
Les raisons obscures et insensées sont qu’en mangeant des moutons c’est le labeur et le très maigre bénéfice(le salaire) de l’éleveur que le loup dévore.
« Les espèces disparaissent », concernant les grands animaux, certains félins ou les bêtes à l’habitat extrêmement spécialisé, cela parait inéluctable.
La voie choisie semble être les conservatoires-zoos.
Complété par des réserves de gamètes prélevées dès aujourd’hui dans la faune on devrait être capable à l’avenir de reproduire toutes sortes d’espèces.
Il me semble que pour comprendre et intégrer complètement la conservation des espèces, il faut dépasser la vision spécifique pour considérer et percevoir la vie au travers de ses relations. On peut conserver des gènes de nombreuses espèces au congélateur, mais si on ne conserve pas simultanément leurs relations et leurs milieux de vie, on aura grand peine à sauver quoi que ce soit.
Pour être clair, sauver les espèces implique qu’on doive pouvoir conserver la mémoire des écosystèmes. Les espèces n’ont aucune existence individuelle, chacune est un aspect de l’expression de la vie en relation avec tout un univers, peuplé entres autres d’autres espèces…
A mon sens on ne peut qu’aider la nature (y compris nous) à se conserver elle-même. Le secret de la nature se trouve dans les interactions : aucune espèce à part Homo sapiens ne pille son environnement sans rien donner. Même les cadavres et les excréments sont acceptés et recyclés. Nous, nous enfermons la plupart du temps nos fientes et nos morts, et ne redonnons à la nature que nos déchets indigestes et polluants…
Dans la vidéo des 10 animaux disparus (dont parfois il reste quelques individus en captivité), on voit le corbeau hawaïen Corvus hawaiiensis utilisant un outil pour attraper une petite proie. Or ce comportement remarquable n’est pour le moment attribué qu’au corbeau calédonien Corvus moneduloides.