Recherche sur la limite altitudinale du lierre grimpant en montagne

Andréas Guyot présente son étude sur le lierre grimpant en vallée d’Ossau. L'enquête a pour objectif de rechercher la limite altitudinale maximum du lierre grimpant (Hedera helix L.), en montagne, après la lecture de "La Hulotte".

Recherche sur le lierre grimpant 

« Le lierre vouldroit que chascun fut son frère.» – Gaston Phoebus.

Nous savons pour ce dernier, que si la température descend à -25° degrés, toutes ses feuilles mourront, alors qu’il est capable de résister à des périodes de gel de – 20 à – 24° degrés, mais pas au-delà, dans cette étude parue dans « La Hulotte » 107 et 108 de Pierre Déon.

Sachant qu’il ne peut pas vivre à des températures à moins de 25° degrés sous zéro, j’ai donc recherché sa présence dans les bois et sur les sols de la vallée d’Ossau, je l’ai cherché suivant un protocole avec un altimètre et une carte au 25 000e.

Le lierre grimpant (Hedera helix), est capable de s’arrimer sur des supports variés afin de capter le maximum de lumière. Il se nourrit et héberge une multitude d’espèces animales.

S’il est commun en plaine à tel point qu’on ne l’y remarque plus, jusqu’à quelle altitude maximale peut-on rencontrer ce végétal en montagne, j’ai mené mon enquête dans la vallée d’Ossau, parce-que c’est la plus proche de mon domicile.

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Hedera helix L. par Liliane Roubaudi CC BY SA

Les deux vies du lierre grimpant

Avant de nourrir une multitude d’insectes (milésie frelon, mésembrine de midi, éristale tenace, lucilie, collète du lierre, abeille commune ainsi que de nombreuses espèces de papillons) et une grande variété d’oiseaux, le lierre grimpant (Hedera helix) a deux vies.

La première se déroule parfois pendant de nombreuses années, au ras du sol voire sous terre de manière rampante, à chercher un support : arbres, poteaux, vieux mur, même un mur moderne d’une maison habitée, tout lui est bon.

La seconde n’est pas plus facile : une fois le support atteint, la plante doit monter pour trouver la lumière sans laquelle la fructification ne serait pas possible. La floraison n’intervient que 8 à 10 ans après sa naissance.

Pour cette ascension, la plante cherche en effet uniquement un soutien. Contrairement au gui (Viscum album)le lierre ne puise pas sa sève dans l’arbre qui l’accueille, ses racines s’enfonçant directement dans le sol (elles s’enfoncent de la même façon au pied d’un arbre que d’un pylône électrique, d’un mur, ou de tout autre support).

Il s’attache à ses plantes hôtes grâce à des crampons, en fait des racines adventives groupées en brosse, qui n’en font pas pour autant un parasite. Il n’est donc en rien responsable de la mort des vieux arbres. Le lierre a au contraire de nombreuses vertus. Il est par exemple capable d’absorber les gaz toxiques en ville, il faut donc se réjouir de le voir sur les arbres.

Le lierre grimpant en automne et en hiver

Alors que la forêt se teinte au couleur d’automne, le lierre est en pleine maturité, il attend la chute des feuilles pour que les rayons du soleil entrent dans le sous-bois afin que les pollinisateurs et les insectes s’orientent vers ses fleurs et les pollinise.

Le lierre est la dernière fleur de la saison avec son abeille, la collète du lierre (Colletes hederae), qui est une abeille solitaire, la plus tardive de la saison, on peut la voir voler jusqu’au début novembre si le temps le permet. Elle a calé son cycle de vie sur cette plante et ne vie que quelques semaines.

Quasi tous les insectes de la forêt se donne rendez-vous sur le lierre qui n’a plus aucune concurrence pour offrir du nectar, ainsi l’ensemble de ses fleurs sont intégralement pollinisées pour avoir le maximum de fruits et assurer sa descendance.

Si la floraison du lierre ferme le cycle des fleurs forestières de la saison, à l’hiver qui arrive, ses feuilles persistantes et ses nombreux fruits, des baies noires, vont offrir le gite et le couvert à de très nombreux oiseaux pour atteindre le printemps en vie, vers une nouvelle saison de reproduction.

Dans la vallée pyrénéenne d’Ossau, l’hiver c’est éternisé, les baies des lierres ont été la seule source de nourriture pour les oiseaux, si tout semble figé dans la forêt au sortir de l’hiver et que dormance semble inhiber toute croissance en attente d’un renouveau, lui le lierre va se mettre en sommeil et laisser la place à un cortège de plantes à fleurs vernales.

L’épais lierre sur les vieux arbres accueille aussi le seul papillon hivernant d’Europe, le Citron (Gonepterix rhamni) ce papillon a le plus long cycle de vie, plus d’un an, et il ne pond qu’au printemps suivant après avoir passé l’hiver les ailes repliées dans les nombreux lierres. Il est aussi l’un des premiers à égayer la venue du printemps. Ses feuilles vivent 3 ans, leur brillance est due à une couche de cutine, comme une sorte de cire imperméable, cette imperméabilité accueille aussi la chouette hulotte (Strix aluco). 

Les fruits du lierre grimpant

Si ses fruits sont toxiques pour l’humain, ils sont un régal pour les oiseaux, qui dès le début de l’automne nourrissent merles, grives, fauvettes qui ne trouve plus leur nourriture sur les arbres fruitiers. Les oiseaux pendant l’hiver auront disséminé ces graines de trois façons :

1 ° La semence pourra être transportée extérieurement au corps de l’oiseau, se fixant à son plumage.

2° La semence sera transportée par l’oiseau qui s’en nourrit, mais la laisse tomber par mégarde.

3° La semence sera transportée à l’intérieur du corps de l’oiseau qui l’a avalée et sera rejetée avec les excréments. (La zoochorie, l’ornithochorie.)

C’est ainsi le cycle de la vie du lierre, en nourrissant les oiseaux en hiver, il assure sa propagation dans la forêt pyrénéenne de la vallée.

Hedera helix L. par Yoann VERDAN
Hedera helix L. par Yoann Verdan CC BY SA

La répartition du lierre grimpant

Si l’on sait sa limite de répartition en Europe du Nord et de l’Est en fonction de sa limite de vie, à moins 25° degrés. La logique veut qu’à partir de ce constat, il pouvait être opportun de connaître son évolution sur un plan purement altitudinal en zone de montagne des Pyrénées, puisse qu’il y a une relation météorologique entre la latitude et l’altitude.

Un élément dans la recherche bibliographique le donne jusqu’à 1 200 m, étage collinéen et montagnard, dans Flore Forestière Française, Montagne 2.

Sa répartition couvre une grande partie de l’Europe, allant du Portugal à la Vistule, un fleuve de la Pologne, sa limite vers l’est est à la frontière de la Russie, du Bélarus, de l’Ukraine. S’il est présent autour de la mer noire, en Arménie, Géorgie. Crimée, il est absent en Moldavie.

Au nord de l’Europe sa présence ce limite dans l’extrême sud de la Norvège et de la Suède. Il est absent en Finlande et dans l’ensemble des pays Baltes.

Au sud de l’Europe il couvre toute la Turquie, le Liban et une partie de la Syrie et d’Israël.

En Afrique sa présence n’est avérée que de la Tunisie au Maroc mais uniquement sur le proche pourtour de la méditerranée sur une frange de 100 km de large.

Haute vallée d’Ossau au dessus de Laruns

  • Des Eaux-Chaudes de 656 mètres en parcourant la piste qui monte à la cabane de Cambeilh à 1568 m.
  • En parcourant la Vallée d’Ossau dans toute sa longueur, vers les cols du Pourtalet, d’Aubisque, vers le lac de Bious-Artigues jusqu’à la limite de la végétation.

Basse vallée d’Ossau en dessous de Laruns :

Dans les vallées perpendiculaires :

  • du Bénou au col de Marie-Blanque,
  • de Port de Castet,
  • de la vallée d’Aspiegt,
  • du Port d’Aste,
  • de Listo,
  • de Laruns au col d’Arrioutort.

Sa biologie

En France le genre Hedera n’est représenté que part une seule espèce à l’état sauvage.

En jardinerie il existe des cultivars à fruits orangés, Hedera helix poetarum. Mais encore : EvaIvalax, Dantata, Marango, Hibernica.

Il me semblait assez peu probable que je rencontre un cultivar au-delà des Eaux-Chaudes et pourtant je l’ai rencontré sur un paravalanche à 1 522 mètres.

La partie relativement sauvage de la vallée d’Ossau dans cette zone au-dessus de Laruns correspond au comportement du Lierre et de sa longue adaptation, il est apparu sur terre à la fin de l’ère secondaire (au crétacé).

La vie d’un pied Lierre dépasse largement le siècle, alors que celle d’un arbre dans un espace cultivé par l’ONF est autour de 75 ans maximum.

Le Lierre recherchant les endroits frais et ombragés, la vallée d’Ossau dans cette partie me semble adaptée à sa biologie.

Ces limites altitudinales évolueront-elles avec les changements climatiques ?

Le lierre grimpant montera-t-il en altitude ?

Tout se jouant au degré près, il faudra pour répondre à cette question réaliser une localisation très précise des pieds les plus élevés en altitude et observer dans le temps leur progression.

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Le cultivar à 1522 mètres d'altitude - Image fournie par l'auteur

La collète du lierre

Cette abeille solitaire complètement dépendante du lierre grimpant a calé son ryhme de vie en fonction de ce dernier. Il n’y a pas si longtemps elle était encore inconnue, l’espèce Colletes hederae, n’a été déterminée qu’en 1993 par (Schmidt et Westrich), car elle était auparavant confondue avec une autre.

Pour avoir la chance de la surprendre, il vous faudra attendre une température proche de 15°. La collète du lierre a des poils de couleur d’or sur son abdomen est annelé de noir et de jaune, sans soleil elle semble rousse.

Elle est l’abeille la plus tardive de la saison, si le temps le permet, il est possible de la voir voler jusqu’au mois de novembre, voire plus tard, tant qu’il reste du pollen à déguster sur les fleurs du lierre grimpant.

L’adulte sort de son terrier, creusé dans un sol sableux, vers la fin de l’été, souvent en septembre plus rarement en août, dans le cas où le lierre n’a pas encore commencé sa floraison, elle devient opportuniste et cherche du nectar sur d’autres végétaux, notamment sur les grandes astéracées, ces hautes plantes à fleurs jaunes qui à cette époque sont en pleine épanouissement.

Les femelles vont alors creuser leur terrier où elles accumuleront les réserves de pollen et nectar de lierre pour les larves, puis les adultes mourront. Même si les collètes ne vivent pas en colonie, on peut voir parfois des dizaines de terriers sur un même talus favorable bien exposé au soleil, où chaque abeille viendra inlassablement des allées et venues nécessaires pour former les réserves de nourritures.

Résultats

Route de Gourette : 1267 mètres, sur de la roche

Route de Bious-Artigues : 1170 mètres, sur arbres et muret.

Route du Pourtalet : 1203 mètres, sur de la roche, en aval du barrage.

Bibliographie :

Déon Pierre., Le Lierre, La hulotte N° 106 et 107, (2017-2018). 08240, Boult-aux-bois. 35 pages.

Bertrand Bernard., Au royaume secret du Lierre. Collection Le compagnon végétal. Volume 12. Editions de Terran, (2001), 192 pages.

Rameau J.C., Flore Forestière Française, 2 montagnes. (1993). Institut pour le développement forestier. 2421 pages.

16 commentaires

    1. J’ai la chance de vivre au pied de la montagne, et lorsque j’ai lu qu’il était rare au delà de 1 200 mètres, je me suis dit: je vais vérifier dans la vallée en face de chez moi, et effectivement c’est exact.
      Non pas que je mettais en doute l’étude de la Hulotte, mais par simple curiosité naturaliste.
      J’ai donc appris sur le lierre grimpant.

    1. Vous avez sans aucun doute raison, mais ce n’est pas de ma part une étude approfondie, j’ai lu sur le sujet, j’ai glané des informations, et j’ai fait une présentation pour étayer mes observations sur le terrain de la présence du lierre en altitude.
      ça serait sympa de mettre les noms des papillons pour les autres personnes, moi je sais que j’ai prévu de prendre en photo l’abeille du Lierre, si je peux

  1. Une question s’il vous plait, quand le lierre entoure un arbre vigoureusement, ne pensez vous pas qu’il est à l’origine de son étranglement et mortalité c’est ce que j’ai remarqué sur certains arbres en Algérie ou l’arbre souffrait tellement par le ceinturage de son tronc qu’il montrait des signes de faiblesse et sans doute mortalité par la suite.

    1. Bonjour, à ce que j’ai lu dans le N° 107 de la hulotte (8 place de l’église, F 08240 Boult aux bois) je vous indique l’adresse parce que vous habitez en Algérie, donc il semble que non, il ne serait en rien responsable de la mort d’un arbre, il est écrit même qui lui assure une protection isolante.
      Maintenant je me doit d’être franc avec vous, mes vagues connaissances sont dû à de nombreuses lectures, mon travail a consisté à chercher sa limite altitudinale dans la vallée d’Ossau, qui est dans le département des Pyrénées-Atlantiques.

    1. Merci, je suppose que cela est pareil voir à peu de chose près, dans les autres vallées de Pyrénées. Lorsque j’irai observer les rapaces en migration au col du Soulor cet été, je vais faire une prospection en montant. Maintenant que je sais qu’il y regarder entre 1 100 et 1 200 mètres.

    1. Bonjour, je vous encourage à faire une prospection vers 1 200 mètres, accepteriez-vous de nous faire part de votre enquête, afin de savoir si c’est la même chose dans une partie de Alpes (en haute-savoie), je vous en remercie à l’avance.

  2. Bonjour,

    Je vous encourage à noter le port du lierre : au sol ou grimpant, comme vous l’indiquez. Mais il est possible d’ajouter un troisième port, qu’on pourrait dire arbustif: en climat propice, le lierre grimpant fait de nombreuses ramifications et se porte presque par lui-même. J’ai vu pour ma part du lierre en Pologne, mais dans un sous-bois et uniquement sous forme herbacée (en tout cas, pour ce que j’en ai vu). Il est permis de penser qu’en climat froid, le lierre se réfugie dans des milieux abrités, et donc plutôt sous forme rampante…
    Il serait donc souhaitable de noter aussi le milieu où il se trouve, ou plus exactement son exposition: exposé sur paroi ou mur; dans un fourré, une haie ; en forêt…

    1. Je l’ai fait, j’ai précisé sur arbres ou murets et roches.

      – Route de Gourette: 1267 mètres, sur de la roche. Voici la dernière présence du Lierre sur un arbre à 1.210 m

      – Sur la route entre Gabas et Bious-Artigues, à 1170 mètres d’altitude, à la fois sur des arbres et un muret.

      – Route du Pourtalet: 1203 mètres, sur de la roche, en aval du barrage, à 1.100 m sur les arbres sous la centrale électrique.

      Dans les trois cas il s’agit de la forêt de montagne, de Conifères et hêtres une
      (hétarie-sapinière)

      plus de précision voir mon blog: https://orchideebearn.blogspot.com/2018/01/le-lierre-grimpant-en-vallee-dossau.html

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