L’ensorceleuse : la morelle noire

Connaissez-vous l'ensorcelante morelle noire ? Dans le cadre de notre appel à rédaction sur les usages des plantes, Christian Grenouillet, biochimiste et conteur, vous propose de la découvrir !

Alors que j’écrivais un conte où je décrivais une potion de sorcière, composée de plantes plus ou moins maléfiques, il m’est arrivé quelque chose d’étrange… C’était la fin d’un jour humide et chaud à Malte et le soleil disparaissait dans un rouge flamboyant. Derrière moi, sur la terrasse, trônaient deux magnifiques Cycas et comme je lâchais le stylo pour les arroser, je vis dans l’un des deux pots à fleur de lys qu’une plante s’était invitée… Pas n’importe laquelle de surcroît. Une de celle dont je parlais dans mon conte : la morelle noire. Elle ne savait pas ou plutôt elle savait très bien qu’elle était ma plante préférée.

Solanum nigrum L. (bdtfx) par Emilie Bernard
Solanum nigrum par Emilie Bernard, CC BY SA Tela Botanica

Solanum nigrum, ou morelle noire ou encore tue-chien, herbe maure, tomate du diable, herbe des magiciens… appartient à la famille des solanacées qui compte dans ses rangs des plantes nourricières comme la tomate, l’aubergine et la pomme de terre mais aussi des toxiques : datura, jusquiame, belladonne…

C’est une herbacée thérophyte (annuelle), entomogame (son pollen est dispersé par les insectes) et endozoochore (les oiseaux consomment ses fruits et rejettent ses graines).
Tantôt considérée comme adventice (mauvaise herbe contaminant les récoltes) ou consommée pour ses feuilles ou ses fruits en Afrique ou en Grèce, elle est comme beaucoup de plantes à la fois poison et remède.

Sa mauvaise réputation tient au fait qu’elle sécrète de la solanine, un glycoalcaloïde qui provoque diarrhée, fièvre et vomissements mais aussi des hallucinations… D’ailleurs, les sorcières du Moyen-age en prenaient pour se rendre au sabbat sans bouger de chez elles !

La morelle fut cependant utilisée comme analgésique au XIIIème puis comme sédatif au XVIIeme (baume du père tranquille), antiseptique, antispasmodique,… Pendant que j’écris ces lignes, une première fleur apparaît. Le conte peut continuer…

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Illustration de l'auteur

« Malgré les volets clos, on entendait quelquefois la sorcière chanter…

Datura morelle mandragore
Aconit ricin hellébore
Que le diable me pardonne
j’ai oublié la belladone !

Mesdames si vous avez trop d’un mari
et voulez vous débarrasser de lui
ou si Messieurs la jolie bergère
se métamorphose en mégère

Racines, feuilles et pétales
je connais toutes les fleurs du mal
et une goutte de mes tendres poisons
fait veuves et veufs à foison

J’ai aussi des filtres d’amour
pour les impossibles retours…
Voyez combien d’âmes esseulés
mes potions ont ensorcelé

Datura morelle mandragore
Aconit ricin hellébore

Que le diable me pardonne
j’ai oublié la belladone ! »

Quelques mots sur l'article et l'auteur

Cet article a été rédigé par Christian Grenouillet qui est biochimiste et conteur. Il propose des ateliers et des promenades entre botanique et légendes… Découvrez son site internet !

Si vous souhaitez en savoir plus sur la morelle noire (Solanum nigrum), n’hésitez pas à consulter la fiche eflore de cette espèce !

L’article fait suite à l’appel à bénévole pour écrire des articles sur l’usage des plantes. Si le thème vous intéresse, nous vous invitons à consulter les conditions de participation en cliquant sur le lien ci-dessous et à nous transmettre vos articles à l’adresse suivante : appel_article@tela-botanica.org ! Au plaisir de vous lire !

Image à la une : Solanum nigrum subsp. nigrum par Gabriel CHAPUIS CC BY SA

11 commentaires

    1. Merci de votre commentaire. Je découvre chaque jour grâce à la botanique des trésors de vertus médicinales et de légendes…

  1. Moi aussi je suis conteuse et je me suis intéressée il y a déjà 20 ans aux plantes magiques parce qu’une petite fée voulait concocter un philtre d’amour pour rendre un énorme et furieux dragon amoureux d’elle… Cela a failli marcher, je suis tombée amoureuse des plantes!

  2. Qui connaîtrait la (ou le) grogeleine ? le(ou la) lamberge , la vœillée ?

    Ce seraient des adventices de la berrerave.

    Ces noms vernaculaires sont cités dans les mémoires de Louis Labourdais, né en 1923.

    Merci infiniment.

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