L’herboriste andalou

LIVRE / Après "La Botaniste de Damas" également réédité cette année, Simone Lafleuriel-Zakri publie un second ouvrage chez ErickBonnier Éditions : "L'herboriste andalou".

L’auteure partage ici un court extrait d’un article à paraître au sujet de ces deux ouvrages ainsi que quelques extraits des volumes concernés et de la très précise préface de l’auteur qui introduit son Traité des Simples, des aliments et des médicaments des trois règnes végétal, animal et minéral : jami ‘li mufradat ad-adawiya wa-al-agdiya.

« En ces temps d’écologie tout azimut, il ne se passe plus de jours sans un reportage sur les bienfaits des plantes ou par des subtsances dites naturelles y compris végétales minérales et animales, pour une alimentation plus saine, pour les soins du corps ou de l’âme, ou dans la médecine en général. Et pas de jour sans programmes y compris bien médiatisés avec spécialistes accourus sur les plateaux de télévision ou dans les studios d’enregistrement radio, pour faire passer maintes recommandations sur les propriétés de ces espèces, la nécessité d’en faire un fréquent usage. Pas de jour sans documentaires, et sans visites guidées de beaux jardins partagés d’aujourd’hui ou jardins médicinaux d’autrefois, mais de notre Moyen- âge et 12ème siècle occidental, comme si rien n’avait été su avant, sauf en revenant aux seules époques grecque et latine et de Dioscoride et Galien ! Et si peu est raconté de l’apport pourtant incontournable des savants arabes ou écrivant en langue arabe, et par les sommes de connaissances transmises par leurs soins par des médecins, pharmacologues et herboristes émérites d’autrefois- en des temps où le monde méditerranéen et au delà était sous pouvoir, lois et culture musulmans. A ces savants, ce monde était devenu leur champ libre de découverte, d’expérimentation et de travail. Ils y affluaient et très bien reçus dans les capitales orientales le Caire et Damas. Certains de ces savants experts font encore de nos jours autorité ! Mais si peu est évoqué et vulgarisé de leurs savoirs et savoir-faire, rien de leurs pratiques médicinales, mais surtout rien sur les connaissances en botanique, pharmacologie et agronomie accumulées avec grande méthode et rigueur, en leurs temps. ET surtout rien de l’apport dans ces domaines des savants andalous installés et travaillant en Andalousie, ou exilés un temps ou pour toute la vie et bien installés en Orient. Peu de spécialistes s’intéressent à leurs œuvres. Il est certes un peu vrai qu’elles demanderaient à des équipes pluridisciplinaires de s’y consacrer, une fois que l’inventaire déjà existant de ces nombreux travaux, exhumés des rayons souvent discrets des grandes bibliothèques ou des armoires des collectionneurs privés, soit complété, analysé et enrichi. Mes deux ouvrages la Botaniste de Damas et L’Herboriste andalou, parus chez ErickBonnier Éditions, sont pour rendre enfin justice à ces savants, pour esquisser et même raconter leur si riche histoire et surtout faire connaître leur inestimable apport à la connaissance universelle, dans ces domaines qui sont et redeviennent au centre de nos préoccupations modernes ! »

Couverture de l’ouvrage – Fournie par l’auteur

 

A propos Ibn Baytar : Dhya ed-Din Abou Mohammed Abd Allah ben Ahmed surnommé El Nabaty et El –Achchab

« Ibn Baytar est né à Malaga à la fin du 12e s. dans une famille de savants médecins, particulièrement éminents dans les domaines des sciences naturelles, la botanique, l’agronomie. Dans l’art vétérinaire, -baytara- son père et son grand père sont des experts réputés. L’Andalousie, elle, est déjà, depuis des années, en plein conflits meurtriers entre petites royautés berbères et musulmanes – les Tayfas- et la Reconquête chrétienne est déjà bien avancée. En ces temps troublés, la famille a déjà quitté Grenade, et s’est installée à Malaga. Le jeune Ibn Baytar étudie à Séville, et s’initie à la botanique, à l’herboristerie à leurs histoires, à leur diffusion dans le temps et dans l’espace, et aux connaissances déjà traduites et bien commentées dès le 10e siècle, d’illustres maîtres en la matière dont les Anciens : Dioscoride et Galien. Ses maîtres ont déjà dans leurs nombreuses et très bibliothèques, leurs traités souvent traduits en langue arabe, mais toujours commentés, critiqués et enrichis de expériences locales, avec, en plus, ceux des savants en ces matières, de toutes les origines, de l’Inde à la Perse, ou de l’irak et de l’Arabie, aux rives de la Méditerranée et bien au-delà. ET à Séville Ibn Baytar suit les enseignements de deux experts en la matière Abu’l Abbas an Nabaty dit Al Roumi :s on professeur auquel il était très attaché et qui le décidera à faire, à partir de 1220, et lui-aussi en Orient, un grand voyage de botaniste. Du botaniste corduan Abu Jafar al Ghafiqi ; le second savant le plus souvent cité- l’œuvre perdue en totalité n’est connue que par les emprunts qu’Ibn Baytar y fait en de constantes. Il copie mot à mot ses descriptions des plantes et ses méthodes rigoureuses de travail. Après ce temps de découverte des vastes régions, et sans doute lors de voyages peut-être à la suite des déplacements des sultans ayyoubides dans leur royaume d’Égypte et de Syrie, Ibn Baytar devenu chef des herboristes des hôpitaux au Caire et à Damas – où il meurt en 1248, est le responsable incontesté des magasins, des réserves et des laboratoires où arrivent de partout, se conservent, s’étudient, se préparent, s’utilisent des centaines de simples. Constitués d’un seul élément des trois règnes, ces simples entrent dans la composition des médicaments mais aussi dans l’alimentation, en préservation et entretien de la santé pour tous, et pour tous soins d’entretien de l’environnement des humains comme des animaux. Ibn Baytar rédige donc une œuvre impressionnante en plusieurs traités magistraux. Seul un de ces Traités dont les manuscrits, ou les diverses copies, retrouvés sont assez complets pour que le texte en soit définitivement bien établi. Au 19e siècle le médecin et chirurgien lorrain, Lucien Leclerc qui a fait ses études de médecine à la faculté de Strasbourg, et y a étudié le grec et le latin, est envoyé en Algérie. Curieux cultivé et passionné, Il s’initie aux langues arabe et berbère, et aux cultures et mœurs locales, dont aux pratiques d’alimentation et de santé. Il trouve chez un libraire de Constantine un très beau manuscrit très bien calligraphié en langue arabe: une copie de ce qui révèle être le dictionnaire pharmacologique en quatre tomes, et cité aujourd’hui sous le nom abrégé de Traité des Simples Il consacrera le reste de sa vie à établir une très bonne traduction de traité  puis à rédiger une Histoire de la médecine arabe : deux énormes sommes de connaissances qui, jamais égalées, continuent à faire autorité. »

Extraits de la longue préface de Ibn Baytar en huit paragraphes précis et détaillés sur la méthode qu’il a privilégiée et utilisée.

« Conformément à ses ordres (du sultan ayyoubide El Malek al Saleh) j’ai donc écrit ce livre..

  1. Je m’étendrai sur les médicaments simples et les aliments d’un usage courant et auxquels on a recours tant de nuit que de jour, en y ajoutant tout ce qui est avantageux à l’homme tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
  2. J’y ferai entrer textuellement et intégralement les cinq chapitres du livre de l’éminent Dioscoride, et j’agirai de même pour tout ce qui est contenu dans les six livres des Simples de l’illustre Galien.
  3. A leur suite j’ajouterai ce qu’en ont dit les modernes sur les médicaments végétaux, minéraux et animaux… dans ces emprunts, je rattacherai constamment les citations aux noms de leurs auteurs, et je ferai connaître par quelle voie ces renseignements me sont venus.
  4. Pour faciliter l’usage de mes livres, j’ai adopté l’ordre alphabétique , afin que le lecteur trouve ce qu’il cherche sans difficulté.
  5. J’indiquerai spécialement ce que j’ai appris par moi-même, et dont je puis garantir l’exactitude et l’authenticité.
  6. J’indiquerai chaque remède au sujet duquel se sont trompés les anciens et les modernes.
  7. Je donnerai le nom des remèdes dans les diverses langues ainsi….(et par exemple) en langue berbère, en langue latine , , qui est la langue des natifs de l’Andalousie…et en tant que ce sont les noms qui ont cours chez nous.
  8. Je fixe la prononciation de ces noms quand il faut, en indiquant les consonnes, les voyelles extraits et les points diacritiques. »

Quelques courts extraits du texte d’Ibn Baytar traduits par Lucien Leclerc :

Paragraphe 305 : Batra, légumineuse
Abu’l Abbas an-Nabaty  » …c’est la racine d’une plante qui a les feuilles du pois. Elle est bien connue dans les environs de Séville en Andalousie, et quelques personnes de Séville lui donnent le nom de Chalin. Des herboristes l’appellent réglisse du pays…..il est d’expérience qu’elle est avantageuse contre les fistules, quelque que soit le siège. » Note de Lucien Leclerc :  La réglisse du pays, ou réglisse sauvage, plante à feuille du pois chiche, doit être de la même famille que le réglisse (Astragalus glycyphyllos ?).

Paragraphe 1749 : Cerise
« Les Siciliens disent Tchirâcid. c’est la graine des rois, Habb el moulouk, dans le Maghreb et l’Espagne. On la connaît à Damas sous le nom de qarâcia ba’lbeky ou cerise de Baalbek. C’est un arbre connu, à rameaux étendus et tachés de rouge, à feuilles pareilles à celles de l’abricot. il porte un fruit semblable à une graine de raisin, arrondi et pendant à quelque chose qui ressemble à un fil vert, et deux à deux, sa couleur est verte, puis musquée, et quelques fois elle passe au noir .il y en a des douces et d’amères .Quelques uns de nos savants en distinguent plusieurs espèce, acides et acerbes. Les douces sont chaudes et humides au premier degré…».

Paragraphe 509 et 2005 : Perséa ( trois pages d’explications d’Ibn Baytar très fâché et pour rétablir une erreur des auteurs antérieurs et contemporains)
«  ….J’ai transcrit ici les paroles de Galien sur le perséa, quoique ce ne soit pas le lieu, mais bien sous la lettre lam, où il en sera question. Et cela, par la raison que des auteurs célèbres se sont gravement trompés à propos du Sycomore en faisant dire à Galien ce qu’il n’a dit aucunement. J’ai rapporté textuellement les paroles de Galien que j’ai transcrites et avec la fidélité que j’apporte dans ce livre et dans les autres… Voici ce que dit Ishak ibn Soleïman al Israïli dans son livre consacré aux aliments…..Comme on le voit, Ishak s’est trompé au sujet de Galien…Voici suivant moi, la cause de cette erreur. Il aurait transcrit le paragraphe relatif au sycomore dans le traité des Aliments de Galien sur une copie où manquait le titre du perséa, que Galien fait suivre du paragraphe relatif au sycomore…Une erreur encore que celle d’Israïly plus étonnante est celle de Teminy dans son livre intitulé Le Morched et qui traite des propriétés des aliments et des médicaments… »

L'auteur

Simone Lafleuriel-Zakri est licenciée en Lettres et titulaire d’un DEA d’histoire. Passionnée d’histoire et de géopolitique, elle consacre son travail à une meilleure connaissance du monde arabe : ses sociétés, sa culture comme ses paysages. L’histoire des sciences arabes l’intéresse particulièrement dans les domaines des sciences naturelles et de l’agronomie. Elle est l’auteur également de Syrie, berceau des civilisations paru chez ACR .

Informations pratiques

Titre de l'ouvrage : L'herboriste andalou
Auteur : Simone Lafleuriel-Zakri
ErickBonnier Éditions - 21 mars 2019
Format : 145X190 - 276 pages
EAN 9782367601670
Prix indicatif : 20 €

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5 commentaires

  1. Confusion récurrente entre  » arabe » et « musulman » En Andalousie, les savants utilisent la langue arabe mais la plupart de ces savants n étaient pas arabes: Perses, Berbères Juifs…la civilisation musulmane est souvent réduite à « civilisation arabe  » et cette confusion est maintenue par les panarabistes et échappe à quelques chercheurs occidentaux …de bonne foi !

    1. Pas du tout je ne fais pas cette confusion et je suis parfaitement au courant de cette distinction à faire. ET pouvez-vous me signaler, s’il vous plait,où vous avez noté cette « confusion » Et on ne traite pas de tels sujets sans que la distinction y soit partout, et la précision est partout de d’où venaient ces savants, qui ils étaient et etc…C’est d’ailleurs une évidence…ET c’est aussi très clair dans le texte du Traité puisque ibn Baytar se donne la peine de préciser d’où vient la substance et comment elle est traitée dans les différents pays d’où elle provient, où où on l’emploie..Elle est constante dans ce que j’écris et même appuyée donc désolée mais que je n’avais peut- être pas insisté ce n’est pas à moi que l’on peut faire ce reproche… car non seulement c’est évident dans toutes mes interventions mais en plus une confusion que je reprends sans cesse. Vous vous ne rendrez compte très vite si vous lisez ces deux ouvrages, et plus si à mon nom ou dans les divers publications à mon vous lisez ce que je publie. Par contre la confusion entre musulman et arabe, elle est constante mais surtout insupportable quand elle est dans les médias et partout.

  2. Et à propos de l’histoire des sciences arabes de langue arabe et du monde musulman cet extrait d’une de mes communications mais que date déjà de….très longtemps….et publiée aussi dans une revue libanaise…

    Tout d’abord et avant d’être plus précis, faisons le point sur tout ce que les spécialistes de la question, ceux qui depuis des années:professeurs, universitaires, chercheurs ou dilettantes éclairés de ce domaine aussi dense que très complexe mais passionnant, mettent à la disposition du public.
    De nombreux ouvrages et publications savantes ou de vulgarisation sont consacrés à l’histoire des sciences arabes qu’il convient aussitôt de cadrer dans son aire d’extension : le monde arabo-musulman, le Dâr al Islam. Dans ce vaste espace s’impose à partir du 7e siècle, une langue dominante : l’arabe liée au livre sacré : le Coran et à la diffusion de l’islam jusqu’aux frontières de la Chine à l’est et à l’ouest aux côtes les plus méridionales de l’Europe dont l’Italie et l’Espagne en passant, par la Perse, le monde turcophone, l’Afrique avec les grands centres d’échanges d’Egypte, du Soudan ou d’Afrique du nord.
    L’Islam va jouer son rôle d’autre vecteur privilégié de la connaissance, associé aux pouvoirs politiques et institutionnels qui s’en réclament et provoquent dans son espace et bien au-delà, les échanges denses en tout genre qu’ils soient guerriers trop souvent mais toujours commerciaux, sociaux et culturels. L’arabe reste donc comme put l’être la langue grecque dans l’empire du même nom – le vecteur essentiel de la connaissance scientifique et de sa diffusion. Son aire d’application est de presque libre circulation. Des êtres humains de toutes races, de toutes conditions: maîtres ou esclaves et gens de religions diverses: chrétiens, musulmans, juifs et autres s’y côtoient et partagent, au quotidien, savoirs et savoir- faire.
    Cet espace musulman de langue arabe est aussi celui qui vit se développer, par le passé, des civilisations brillantes, réceptacles depuis des millénaires de cultures qui plongent leurs racines dans la plus haute Antiquité. La connaissance scientifique se nourrit donc d’abord de ce terreau aux mille facettes fertiles. Avec avidité, passion même, elle s’en imprègne, s’en repaît, le fait sien. Elle le transcrit dans cette langue unique, providentielle, l’arabe, abandonnant progressivement les langues d’origine: le sanscrit comme le pehlevi ou le grec et en Andalousie, le romance espagnol ou le latin. Dans le même temps est lancé, en langue arabe toujours, et dès le 9e siècle, le programme des grandes traductions littéraires et scientifiques. Il débute surtout à partir du 9è siècle date à laquelle l’arabisation est effective et où la technologie met à la disposition de la science un support extraordinaire car bon marché, résistant et pratique : le papier. Précisons ici que le mot science : ‘ilm plus cité dans le Coran, est entendue largement c’est à dire : ensemble des connaissances qui vont de la philosophie aux sciences géographiques ou l’histoire, la géologie en passant par la physique, l’optique, l’alchimie ésotérique, les sciences naturelles, la zoologie, l’agronomie, la science nautique, la musique, etc
    Dans le même temps, les auteurs de dictionnaires et les biographes se mettent au travail : ces derniers garantissant l’authenticité de la transmission des textes en rapportant aussi fidèlement que possible ce que les savants de l’ époque antérieure avaient acquis. Ainsi les médecins arabes reprennent le savoir et les pratiques des Grecs :Dioscoride ou Galien et les astronomes s’inspirent de la Mésopotamie de la Grèce ou de l’Egypte.
    De cette immense somme de connaissances héritée de l’Antiquité qu’elle soit donc mésopotamienne, grecque, égyptienne, perse, asiatique,la connaissance scientifique arabe au départ, et au début seulement, va donc s’emparer, la compiler largement puis l’assimiler et se l’approprier. Ce caractère syncrétique s’accompagnera et presque aussitôt, d’un exercice permanent de critique textuelle. Le médecin pharmacologue et botaniste Ibn Baytar au 13e s., ne procède pas autrement quand il compile les oeuvres des auteurs grecs, latins et ses prédécesseurs arabes. Mais il y ajoute aussitôt et ses critiques souvent acerbes et ce qu’il a appris de l’usage des drogues dans son Andalousie natale puis lors de ses voyages en Orient et enfin dans sa pratique dans les grands hôpitaux^ -bimaristan – du Caire ou de Damas. De même la science agronomique parce qu’elle s’exerce dans une même ère climatique et géographique va reprendre les travaux des agronomes mésopotamiens d’ Irak dont la Somme agronomique nabatéenne et de ceux de Syrie tout en les comparant aux pratiques culturales andalouse maghrébine, orientales et de son temps.

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