Les Carex du sud de la France

Les Carex (Laîches en français) forment un genre botanique auquel les débutants, et même un certain nombre d'amateurs, répugnent à se frotter.
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Carex - Image fournie par l'auteur

Le nombre important d’espèces (130 en France, 80 dans notre région, c’est-à-dire tout le sud de la France depuis la mer jusqu’aux montagnes pyrénéennes, alpines et du sud du Massif central), le fait que ces plantes ont la réputation de se ressembler beaucoup, constituent au départ des obstacles qui semblent difficilement surmontables.

Pourtant ces espèces discrètes, souvent abondantes, sont de très bons indicateurs écologiques, colonisant tous les milieux et signant de façon souvent précise la nature et le fonctionnement des habitats naturels. Et elles ne sont pas si difficiles à déterminer si on sait quoi observer.

Deux gandes catégories de Carex

Il existe deux grandes catégories de Carex :

● les Vignea, où les fleurs mâles et les fleurs femelles (les Carex sont des plantes monoïques chez lesquelles les fleurs sont soit mâles, soit femelles, mais portées sur le même individu) sont mélangées dans les épis.

 les Eu-carex où les épis sont soit mâles (ne portant que des fleurs mâles) situés en général au sommet des tiges, soit femelles (ne portant que des fleurs femelles) situés en dessous sur les tiges.

Les caractères à observer

Cette première distinction étant faite, il faudra, pour pouvoir utilement se servir d’une clé de détermination, bien observer les caractères suivants :

  • la souche : elle peut être cespiteuse ( en «touradons») ou gazonnante (= stolonifère) : si certaines espèces sont très typiques sur ce critère (Carex paniculata ou C. elata pour les cespiteuses, Carex divisa pour les gazonnantes), beaucoup d’autres ne sont pas si nettes et c’est donc un critère rarement déterminant.
  • la taille : certains Carex sont grands (1,50m chez C. pendula), d’autres minuscules (10cm ou moins chez C. humilis ou le très rare et protégé C. pauciflora).
  • les feuilles : elles peuvent être nombreuses, fines ou larges, longues ou courtes, dépassant ou non les épis supérieurs ; l’aspect très feuillé de C. halleriana par exemple, ou les feuilles très fines de C. lasiocarpa sont discriminants.

La couleur du feuillage est aussi très importante pour de nombreuses espèces : glauque (bleu-vert) chez C. flacca, C. panicea, C. riparia, C. elata, très vert chez C. nigra, C. cuprina, C. humilis, presque vert-jaune chez C. viridula, C. rostrata

Les gaines des feuilles peuvent avoir leur importance : la couleur rouge de ces gaines est caractéristique chez le rare C. olbiensis.

  • les bractées : c’est-à-dire la dernière pièce feuillée placée en dessous des épis: la bractée peut être longue et dépassant la tige (C. distachya, C. remota), très fine (C. muricata), perpendiculaire à la tige (C. tomentosa).
  • la tige : le plus souvent à trois angles (rarement arrondie) ; les faces concaves des tiges de C. cuprina sont très typiques. Les tiges peuvent être lisses ou scabres (= rugueuses).
  • les épis mâles : chez les eu-carex, la forme des épis mâles (fusiforme, linéaire, en massue) et leur couleur (fauve, brune ou noire) sont importantes. Les écailles des fleurs mâles ne sont discriminantes que pour C. riparia (écailles pointues) et pour son cousin C. acutiformis (écailles obtuses).
  • les épis femelles : leur longueur, l’aspect penché à maturité (C. pendula), la présence ou non d’un pédoncule plus ou moins long, l’espacement entre eux, la distance les séparant des épis mâles, la densité des utricules constituent de très bons critères (le petit nombre d’utricules dans les longs épis de C. depauperata par exemple).
fleurs de Carex

Chez les Vignea, où tous les épis sont semblables, regarder si les fleurs mâles sont plutôt au sommet ou plutôt à la base des épis.

  • les stigmates : les Carex ont deux ou trois stigmates. Mais cela se voit à la floraison et souvent les autres critères de détermination exigent une bonne maturation des utricules, quand les stigmates ont disparu !! Mais les utricules aplatis sont à deux stigmates, les utricules arrondis (de loin les plus nombreux) sont à trois stigmates.
  • les utricules : c’est la pièce maîtresse de la détermination des Carex. Les utricules sont des «sacs» enveloppant les fleurs femelles, donc un peu plus tard, les fruits (qui sont des akènes). Ils sont recouverts d’une écaille.

La taille des utricules, leur forme, leur pilosité, la taille et la forme du bec qui les prolonge (par exemple pas de bec chez C. flacca), le fait qu’ils soient lisses, bosselés ou nervés, leur couleur (l’aspect brillant des utricules de C. liparocarpos est typique), tout cela doit être observé attentivement.

L’écaille est, elle aussi, à examiner précisément : présence d’une pointe, couleur, nervures (les écailles brunes avec nervures vertes donnant un aspect bicolore aux épis femelles de C. panicea le font reconnaître de loin).

Enfin, il faut se rappeler que chez les Carex, où l’hybridation entre espèces est importante (mais peu stable), l’observation doit porter sur plusieurs exemplaires, les individus non conformes sont nombreux.

Répartition simplifiée des espèces de Carex de notre région

Voici la répartition très simplifiée des différentes espèces de Carex de notre région (ne sont cités que les noms d’espèces) par grands types de milieux.

Ceci est bien sûr assez arbitraire, car de nombreuses espèces peuvent se rencontrer dans différents habitats, mais cela permet cependant de lister de façon assez discriminante les espèces potentielles de chaque milieu.

En gras, les espèces fréquentes :

  • dunes : extensa
  • zones rudérales : divulsa
  • forêts méditerranéennes :depauperata, depressa, grioletii, olbiensis, distachyaoedipostyla
  • prairies de plaine : flacca, praecoxmuricata
  • garrigues : halleriana, humilis
  • landes montagnardes : pilulifera
  • fossés : hirta, cuprina
  • zones humides de plaine : acutiformis, hispida, hordeistichos, distans, punctata, hostiana, flava, tomentosa, divisa
  • sources, marais et tourbières de montagne : lasiocarpa, vesicaria, rostrata, panicea, laevigata, binervis, mairei, pallescens, umbrosa, brachystachys, buxbaumi, bicolor, cespitosa, nigra, acuta, chordorrhiza, disticha, spicata, diandra, paniculata, echinata, canescens, davalliana, pulicaris, pauciflora, microglochin
  • causses : brevicollis, liparocarpos
  • ripisylves et mares : riparia, pendula, elata, pseudocyperus
  • forêts montagnardes : sylvatica, digitata, montana, alba, ferruginea, remota
  • pelouses alpines et subalpines : capillaris, ornithopoda, ericetorum, sempervirens, firma, mucronata, frigida, atrata, parviflora, curvula, foetida, macrostylon, pyrenaica, rupestris
  • prairies montagnardes : ovalis, caryophyllea

Bibliographie : Flore des Carex en France. Gérard DUHAMEL, Editions BOUBÉE. Magnifique et facile d’utilisation.

Jean-Paul Salasse, Écologistes de l’Euzière

Retrouvez l’ensemble des articles de l’Echo des Ecolos par ici.

12 commentaires

  1. L’information sur les stigmates est, malheureusement, faut…. La figure montre des stigmates comme ils font partie de l’utricule, mais ils sortent de l’intérieur de l’urticule. En plus, les carex à 2 stigmates n’ont pas des utricules aplatis, mais des akènes aplatis, qui se trouvent à l’intérieur de l’utricule! Idem, pour lkes carex à 3 stigmates.

    1. Il y a d’autres erreurs, en particulier dans la comparaison des sous-genres. J’ai en ligne un fichier contenant des tableaux comparatifs (faits surtout pour le Massif Armoricain et les régions voisines) compilant une bibliographie ancienne régionale et d’Europe : iCypCarex.pdf

    1. Hélas !
      Pour l’Auvergne mais cela fait déjà une bonne base, précise et richement illustrée, il y a : « Carex d’Auvergne », de Robert Portal et Maryse Tort, édité par l’association Digitalis, 2013.
      Voir ici : https://associationdigitalis.blogspot.com/2012/12/carex-dauvergne-par-robert-portal-et.html
      Attention : distribué uniquement par M. Robert PORTAL – 16 rue Louis Brioude – 43750 Vals près le Puy. Tél. 04 71 09 57 65.

  2. c’est gentil de nous dire que les Carex sont finalement abordables pour peu qu’on se penche dessus, mais à part des exemples pris de-ci de-là, j’espérais trouver une clef de détermination +- simplifiée, afin de pouvoir faire mes premiers pas vers ce genre !
    alors si en plus, selon les commentaires, il y a des erreurs, la référence est épuisée, …
    que faire ?!
    PS : j’espérais aussi ensuite, pê naïvement, que cet article nous informe sur les indices écologiques vantés !

  3. Bonjour
    Si mes souvenirs sont bons, JP Salasse (Président des Écologistes de l’Euzière) s’intéressait fortement à ce genre et avait mis au point ou au mois tenté de le faire une clef d’identification. Je ne sais ou il en est à ce sujet, mais il pourrait peut-être donner de bonnes infos.

    1. Bonjour,
      Le mieux à ce propos est de se référer aux flores et outils de détermination existants. Nous avons apporté d’autres éléments, plus bas, dans la rubrique commentaire. Pour complément sur l’association, JP Salasse, après avoir été directeur des Ecologistes de l’Euzière pendant de nombreuses années, en est aujourd’hui co-président avec Sylvie Hurtrez et Jean Burger.

  4. Bonjour à tous,

    Après avoir apporté quelques éléments de réponse en mon nom, je suis chargé par l’association Les écologistes de l’euzière, dont je suis membre, de remercier les personnes qui ont apporté ici des commentaires et de répondre plus amplement.

    L’objet de cet article, paru initialement dans la lettre – Echos des Ecolos – destinée aux adhérents et sympathisants de l’association, est de sensibiliser aux carex et de susciter de l’intérêt pour ce genre. De donner quelques bases simples pour, dans un premier temps, inviter à observer les carex, à constater leur diversité puis, dans un second temps, permettre de s’initier à leur détermination à l’aide d’outils adéquats (flores, clefs et ouvrages spécialisés).

    La sensibilisation/vulgarisation et la simplification ne doivent-pas supporter d’erreurs, la difficulté dans ce genre d’exercices étant de définir jusqu’où l’on peut simplifier. Quoi qu’il en soit, l’erreur concernant le dessin (absence de distinction entre le gynécée lui-même et l’utricule) en était bien une. Le schéma d’origine ne comportait pas cette erreur, introduite malencontreusement lors de sa reprise par le graphiste. Le comité de pilotage a ici manqué de vigilance. Nous avons corrigé ce défaut d’illustration en en reprenant une produite par Duhamel. Elle ne correspond pas strictement à la première illustration proposée mais sera plus explicite.

    En ce qui concerne la forme de l’utricule (aplati ou arrondi), c’est ici une approximation volontaire de l’auteur, répondant à une première approche de terrain :
    – rigoureusement, c’est bien la forme de l’akène qui doit être observée : aplati-lenticulaire-biconvexe ou trigone,
    – pragmatiquement, sur le terrain : les akènes trigones sont enveloppés par un utricule généralement arrondi tandis que les akènes lenticulaires sont enveloppés par un utricule lui même plutôt aplati.

    On comprend ainsi que la phrase « les utricules aplatis sont à deux stigmates, les utricules arrondis… sont à trois stigmates » contient une simplification excessive qui aboutit finalement à une erreur.

    Pour ce qui est de l’écologie, il est difficile et hors de propos, dans un tel article, d’aller plus loin que l’indication des grands types de milieux (avec les réserves exprimées dans l’article).

    Enfin, il est clair que cette présentation Carex ne peut être comparée aux travaux destinés à un approfondissement comme c’est le cas, notamment, des remarquables comparaisons effectuées par Daniel Chicouène sur son site.

    Pour aller plus loin et corriger également le problème des ressources bibliographiques, voici quelques références actuellement disponibles (liste non exhaustive) et dont les contenus n’ont pas tous été évalués :
    – « Carex d’Auvergne », de Robert Portal et Maryse Tort, édité par l’association Digitalis, 2013.
    Voir ici : https://associationdigitalis.blogspot.com/2012/12/carex-dauvergne-par-robert-portal-et.html Attention : distribué uniquement par M. Robert PORTAL – 16 rue Louis Brioude – 43750 Vals près le Puy. Tél. 04 71 09 57 65.
    Ce document, non exhaustif pour la France, constitue néanmoins une base remarquable, précise et richement illustrée.
    – Cypéracées du Gers, de la Haute-Garonne et des départements limitrophes, de David Hamon – Association botanique gersoise et Isatis 31, en ligne ici : http://assobotanique32.free.fr/inventairedelafl/cyperaceae-gers-et-hg.pdf
    – Clé de détermination Cypéracées – Centre Val de Loire : http://www.observatoire-biodiversite-centre.fr/sites/default/files/FloreCdVL_Cyperacees%202018_V2_2.pdf
    – le travail de Daniel Chicouène : http://dc.plantouz.chez-alice.fr/iCypCarex.pdf

    Belles herborisations. Bien cordialement, pour l’association.

    Jean-Pierre Vigouroux

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