Les plantes envahissantes, la nouvelle « chasse aux sorcières de la science » ?

Arthur Sanguet nous parle aujourd'hui des problématiques liées aux les plantes envahissantes.
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Les pourpiers font des fleurs magnifiques, ils sont pourtant envahissants sur certaines îles où ils remplacent complètement la végétation locale.

« Croisade contre les plantes invasives », « racisme envers les plantes », « plantes invasives et immigrés, même combat » : un article orienté

Rapidement, on se rend compte que l’article décrit le point de vue d’une personne qui rapproche le « sort » des plantes « invasives » à celui des migrants. Attardons-nous rapidement sur ces quelques phrases illustrant cette position.

« Cette nouvelle croisade contre nous autres « plantes invasives » ressemble à s’y méprendre à une chasse aux sorcières, dont bien entendu, modernisme oblige, la science se porte garante. »

« Le tout sur fond de racisme : en quoi aurions-nous moins de droits que les plantes qui se trouvaient ici avant notre arrivée ? Elles non plus n’ont pas toujours été là. Elles ont débarqué au fil des refroidissements et des réchauffements du climat sans qu’un quelconque Le Pen paléolithique ne vienne contester le bien-fondé de leur présence… Plantes « invasives » et immigrés : même combat ! »

Bon je pense qu’il n’y a pas besoin de plus de preuves de l’orientation de l’article qui part du principe que la science adore les chasses aux sorcières, que les scientifiques et naturalistes qui luttent tous les jours pour stopper l’effondrement de la biodiversité sont un peu comparés à des extrémistes racistes en arrachant les plantes envahissantes qui elles-même sont comparées à des immigrés… Et puis le reste de l’article est parsemé d’exemples utilisés dans un mauvais contexte. Par exemple, le fait que l’Homme cherche désespérément à contrôler son environnement et éliminer tout ce qui se met sur son chemin, dont les plantes invasives n’a aucun sens puisque c’est nous-même qui avons introduit ces plantes devenues envahissantes et problématiques !

Alors oui, les plantes « indigènes » n’ont pas toujours été là et à l’échelle des temps géologiques il y a des phénomènes de colonisation/disparition du continent européen aux fils des cycles de glaciations (qui s’étalent sur plusieurs dizaines de millier d’années). Mais les plantes considérées comme « invasives » sont arrivées en grand nombre, très récemment, dans un pas de temps minuscule à l’échelle d’un cycle glaciaire et surtout, elles ont été apportées par nous, les Hommes. Dire que les plantes envahissantes et les indigènes sont finalement toutes des plantes « venant d’ailleurs » revient à dire que le réchauffement climatique, ce n’est pas grave car il a déjà fait plus chaud auparavant… On mélange complètement les phénomènes en jeux, les responsabilités et les échelles de temps.

Bon, l’article est orienté. Mais qu’en est-il de la réalité ? Qu’est ce que l’on appelle une plante « invasive », et quelles sont les conséquences sur la biodiversité locale pour que la « science » souhaite autant leur lente et terrible agonie ?

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Viola cenisa est une espèce indigène, rare et endémique des Alpes, c’est-à-dire qu’on ne la retrouve nulle part ailleurs dans le monde

C’est quoi une plante invasive ?

Il faut bien faire la différence entre plusieurs termes : plantes « invasives » (on dit « envahissantes » d’ailleurs en français), exotiques, et mauvaises herbes.

Commençons par les « mauvaises herbes ». En fait, il n’y a pas de « mauvaises » herbes ou de « mauvaises » plantes d’un point de vue purement biologique. Simplement, le terme fait référence à des espèces généralement communes dont nous ne tirons aucune utilité (même si certaines sont comestibles) et qui ont tendance à pousser à la place de nos plantations, que ce soit dans les champs, dans les pots, ou dans les potagers. Vous avez par exemple le pissenlit, le chiendent, le liseron, le trèfle, etc. Ces noms communs peuvent représenter plusieurs espèces. Ces plantes sont généralement indigènes, c’est à dire qu’elles poussent naturellement dans nos régions et n’ont pas été récemment introduites. Ce sont en revanche souvent des plantes qui aiment les milieux cultivés/perturbés et qui se caractérisent par une croissance rapide, une floraison abondante et une dispersion très efficace. Elles poussent naturellement dans des habitats perturbés, temporaires, et ont donc besoin de rapidement boucler leur cycle de vie (et se reproduire efficacement) si elles veulent survivre dans la nature (chablis, falaise, zone inondable etc.).

Passons aux exotiques (ou exogènes/néophytes), elle n’ont rien à voir avec les tropiques ou les plantes d’intérieur, ce terme regroupe en fait toutes les plantes qui ne sont pas indigènes, c’est à dire qu’elles ont été introduites – quasiment exclusivement par l’Homme – récemment au court de l’histoire. Cela peut faire déjà plusieurs siècles ou seulement quelques décennies. Elles sont souvent originaires d’Amérique du Nord, d’Asie voire d’Australie et arrivent à survivre dans notre climat car elles poussent elles-même dans un climat similaire, sous les mêmes latitudes, mais ailleurs sur la planète. Ces plantes exotiques sont souvent des échappées de jardins privés ou botaniques et ont été traditionnellement cultivées pour leur caractère ornemental. Elles se divisent en deux catégories : les exotiques naturalisées que l’on retrouve dans nos milieux naturels sans pour autant poser de problèmes directes à la biodiversité indigène, et les exotiques envahissantes (= « invasives »)

Les plantes envahissantes sont donc des plantes exotiques, venant d’ailleurs, mais qui ont un développement incontrôlé dans leur nouvelle aire de répartition au point de prendre la place des espèces indigènes. Elles ont été introduites par l’Homme, volontairement ou non. Nous voyons ici que le véritable problème de ces plantes n’est pas tant leur origine comme l’article semble vouloir le faire croire, mais bien leur développement dans les habitats naturels locaux.

Nous nous concentrerons ici sur les plantes envahissantes mais il existe aussi tout un tas d’insectes et d’animaux exotiques envahissants qui posent aussi de nombreux problèmes (économiques) peut être plus visibles (frelon asiatique qui décime les abeilles domestiques, pyrale du buis qui a rasé les buxaies (forêt de buis) françaises etc.).

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La Renouée du Japon ( Reynoutria japonica ) colonise les berges des ruisseaux et les milieux humides au détriment des espèces locales. Ces habitats sont rares et souvent protégés. Source : http://www.ville.rimouski.qc.ca

Pourquoi une plante devient envahissante ?

Tout d’abord, il faut se rendre compte qu’il est extrêmement difficile pour une espèce de s’implanter dans une nouvelle aire géographique. Il faut réunir plusieurs conditions pour cela avec à chaque étape des risques de disparition.

1) Il faut déjà que la plante atteigne la nouvelle aire, sous forme de graine ou de propagule (morceau de racine, bouture etc.). Ce phénomène,  aujourd’hui facilité par les transports globalisés de notre société, était traditionnellement le facteur qui empêchait les espèces poussant dans un climat similaire au notre d’arriver dans nos contrées. Il existe en effet tout un tas de barrières naturelles qui bloquent la dispersion des espèces comme : les déserts, les mers/océans, ou les chaînes de montagne.

2) Il faut ensuite que la propagule pousse/germe et donne naissance à une nouvelle plante capable d’atteindre la maturité sexuelle dans de bonnes conditions sans se faire manger par un herbivore, sans attraper de maladie etc. Le froid de l’hiver en Europe met généralement fin à toutes les plantules tropicales qui arrivent tout de même à pousser durant l’été.

3) Il faut ensuite que la fleur soit fécondée et produise des graines. Il est donc nécessaire qu’il y ait suffisamment d’individus, féconds en même temps, et que les pollinisateurs locaux soient attirés par ces nouvelles fleurs (ou qu’il y ait une pollinisation par le vent). Là encore, les probabilités de réussite sont minimes sauf si l’espèce s’autopollinise et ne dépend donc pas de forces extérieures pour sa reproduction.

4) Finalement, il faut que le fruit arrive à maturité et que les graines soient correctement dispersées pour que le cycle recommence.

Il est très difficile de savoir avec précision pourquoi une plante devient envahissante, d’autant plus que certaines espèces ont été introduites il y a fort longtemps et ne sont devenues envahissantes que plusieurs décennies après leur introduction. Cela proviendrait du fait qu’elles ont parfois besoin de temps pour complètement s’acclimater aux nouvelles conditions, ou que la population a besoin d’un certain nombre d’individus avant d’être réellement capable de se reproduire efficacement. Néanmoins, plusieurs critères semblent favoriser le caractère envahissant des espèces : une croissance rapide, une dispersion et une multiplication efficaces, de l’autopollinisation et donc une indépendance aux pollinisateurs, une préférence pour des milieux perturbés etc.

Les plantes envahissantes chez nous ne le sont pas dans leur pays d’origine, pourtant elles ont les mêmes caractéristiques. Comment cela se fait-il ? Il y a plusieurs choses à prendre en considération. Dans leur habitat naturel, ces espèces ont évolué avec une multitude de contraintes et d’interactions avec des animaux, des champignons, d’autres plantes etc. Par exemple, la compétition avec les autres espèces pour la lumière ou les nutriments, l’herbivorie des animaux ou des insectes à laquelle l’espèce doit faire face et se protéger, les maladies cryptogamiques (champignons) qui régulent aussi les populations etc. Sorties de leur habitat, ces contraintes et interactions changent et certaines disparaissent. Lorsqu’elles arrivent dans une nouvelle aire géographique, les herbivores (animaux + insectes) et les maladies n’ont pas évolués pour s’attaquer à ces nouvelles espèces et les laissent donc tranquilles. Cela signifie que les envahissantes sont rarement mangées ou malades et peuvent croître en toute sérénité alors que les espèces locales luttent constamment contre des maladies ou des parasites. Cela leur confère un avantage certain sur leurs concurrentes indigènes et pourrait expliquer pourquoi leur développement pose problème chez nous et non dans leur milieu naturel. Attention, je vous rappelle que toutes les espèces exotiques ne sont pas envahissantes, loin de là ! Les envahissantes représentent finalement une faible proportion problématique d’espèces exotiques. Enfin, il n’y a pas que chez nous que nous souffrons d’espèces envahissantes. En Amérique du Nord par exemple, beaucoup d’espèces européennes et françaises posent des problèmes considérables aux écosystèmes américains alors qu’elles peuvent parfois être rares chez nous !

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Vinca minor L. par Michel Pansiot CC BY-SA Vinca minor est une petite pervenche de sous bois indigène en Europe. Elle est pourtant classée comme envahissante aux États-Unis.

Quels sont les impacts sur la biodiversité ?

Les espèces envahissantes posent de vrais problème pour la biodiversité, c’est même ce qui les définit en fait. Tout d’abord, là où une plante exotique pousse, une plante indigène ne peut pas pousser. Les envahissantes réduisent donc virtuellement la place disponible pour les espèces locales, et nous savons que la biodiversité indigène est déjà extrêmement fragilisée par l’expansion des activités humaines. De plus, les espèces les plus problématiques poussent généralement dans des milieux rares et très sensibles. Par exemple, les zones humides abritent une biodiversité exceptionnelle mais sont envahies par la Renouée de Japon (Reynoutria japonica). Dans ces milieux, elles remplacent parfois totalement les espèces locales qui disparaissent !

Selon le dernier rapport de l’IPBES qui fait office de référence en terme de recherche sur l’état de la biodiversité, les espèces invasives font parti des 5 grandes causes directes de l’extinction des espèces avec le changement climatique, la conversion des espaces naturels, la pollution au sens global et l’exploitation directe des organismes. Je vous invite d’ailleurs vivement à lire ce rapport très bien fait pour vous faire votre propre idée de la situation actuelle (il date de mars 2019).

Voici quelques exemples de plantes envahissantes en France :

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Ambrosia artemisiifolia, qui pose des problèmes d’allergies à la population humaine à cause de sa forte production de pollen Source photo : Wikipedia
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Symphyotrichum lanceolatum Source photo : Wikipedia
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Heracleum mantegazzianum, bien que majestueuse, sa sève est phototoxique : une goutte sur votre peau vous fera des ampoules qui peuvent nécessiter une hospitalisation ! Source photo : Wikipedia
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Cortaderia selloana, une belle plante échappée des jardins privés. Elle est encore régulièrement plantée et vendue en jardinerie. Source photo : Wikipedia
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Impatiens glandulifera Source photo : Wikipedia
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Robinia pseudoacacia Source photo : Wikipedia

Quid des plantes exotiques « pas encore » envahissantes ?

Les plantes envahissantes posent problème, c’est certain. Mais qu’en est-il des exotiques qui se naturalisent ? Finalement, nous avons vu que la biodiversité indigène a déjà de moins en moins de place pour survivre et si de nouvelles espèces arrivent avec les mêmes niches écologiques, cela risque de fragiliser les équilibres des écosystèmes. D’autant plus que les espèces locales entretiennent des interactions fortes avec toute la biodiversité locale (insectes, oiseaux etc.) permettant une certaine résilience des écosystèmes. En revanche les plantes exotiques ont en moyenne moins (voire pas du tout) d’interactions avec la biodiversité locale et entretiennent donc moins la résilience des écosystèmes.

Pour autant, le débat est plus complexe que ça. Les espèces exotiques qui se sont naturalisées semblent finalement se faire réguler par les organismes des écosystèmes locaux et peuvent même s’avérer utiles : certaines d’entre-elles offrent de la nourriture aux pollinisateurs par exemple. C’est ce que l’on appelle un service écosystémique, et certaines espèces exotiques en produisent beaucoup, de services ! Enfin, certains posent la question du changement climatique et de l’inévitable introduction de nouvelles espèces, plus adaptées au climat futur que nous subirons (températures plus chaudes et moins de précipitation). Je vous donne mon avis personnel en fin d’article à ce sujet.

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Le marronnier commun (Aesculus hippocastanum) est une espèce commune en Europe de l’Ouest, pourtant elle y a été introduite au XVIe siècle ! Elle ne pose pas de problème pour la biodiversité locale. Source photo : Wikipedia

Comment lutter et est-ce efficace ?

Comme chez les insectes envahissants, la lutte contre ces plantes est très difficile et coûteuse. Il y a peu de victoires et lorsqu’une espèce semble éliminée, elle revient quelques années plus tard. Il y a pourtant régulièrement des campagnes d’arrachage des espèces problématiques mais il est impossible d’être certain d’avoir enlevé tous les individus. De plus, certaines d’entre-elles se reproduisent très bien végétativement, à partir de morceaux de racine, rhizome, feuille etc. Enfin, certaines graines peuvent rester dormantes sous terre pendant plusieurs années avant de germer, ce qui complique encore plus la situation.

Pourtant, il est important de protéger la biodiversité locale – déjà très impactée par les activités anthropiques – car nous sommes complètement responsables de l’introduction des envahissantes. Les insectes envahissants sont parfois régulés au bout de quelques années par des prédateurs locaux (oiseaux par exemple) qui apprennent à utiliser cette ressource de nourriture. Il est en revanche plus difficile de se débarrasser des plantes de cette manière car les insectes herbivores ou les champignons ont peu, voire pas du tout, de capacité d’apprentissage. Il faut donc aujourd’hui financer des campagnes d’arrachages systématiques.

Nous pourrions lutter à notre niveau en n’encourageant pas la plantation d’espèces exotiques partout et encore moins d’envahissantes. En effet, les haies de nos jardins, les espèces plantées dans les rond-points et autres massifs communaux sont quasiment exclusivement des espèces exotiques au potentiel envahissant non négligeable pour certaines d’entre-elles (je pense notamment au ricin qui en plus d’être envahissant est extrêmement toxique) ! Un bon début dans la lutte contre ces invasives serait de planter des espèces locales et de limiter les exotiques surtout lors de plantation de masse, il existe un paquet de plantes indigènes parfaitement compatibles pour les haies et les massifs. Il faudrait aussi pouvoir reconnaître les espèces problématiques et les arracher dés lors qu’on les rencontre…

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Thelypteris palustris (au premier plan) est une fougère qui pousse dans des zones très humides. Elle est aujourd’hui menacée d’extinction dans la nature, entre autre à cause de la Renouée du Japon qui colonise les milieux humides et fait disparaître ces espèces fragiles.

Conclusion

J’espère vous avoir fait comprendre tout l’enjeu autour des plantes envahissantes qui représentent une problématique compliquée mais terriblement d’actualité. Ces espèces ont été introduites par l’homme et représentent aujourd’hui un danger pour la biodiversité locale.

Mon avis est qu’il faudrait lutter encore plus efficacement contre les espèces envahissantes et fortement limiter l’introduction d’espèces exotiques si nous pouvons les remplacer par des espèces locales, qui interagissent avec la biodiversité locale. Je trouve aussi dommage de vouloir introduire de nouvelles espèces exotiques dans les forêts, par exemple, afin d’optimiser la production de bois dans un contexte de changement climatique (c’est une question qui se pose vraiment actuellement). En effet, comme la (très grande) majorité des forêts sont gérées et entretenues pour qu’elles soient économiquement rentables, les espèces locales ne sont peut être plus les plus intéressantes pour la production de bois si les températures augmentent. L’idée est donc de les remplacer par des espèces de climat plus chaud. Mais cela reviendrait à changer complètement la base du système trophique de ces écosystèmes alors que la vraie solution serait de ne pas entretenir le changement climatique ! Enfin, pour revenir à l’article qui m’a servi de prétexte pour parler des espèces envahissantes, je pense qu’il faut faire attention à ce que l’on écrit sur Internet pour ne pas que cela soit repris, ou interprété comme une vérité absolue dés lors que l’on donne un point de vue. Faire l’éloge des plantes envahissantes est problématique, surtout si cela incite certains lecteurs à en cultiver ou à les multiplier !

Je voudrais pour terminer ouvrir un peu la discussion concernant les plantes exotiques plantées. Je trouverais cela fort dommage que les arbres plantés dans les rues, les plantes des haies ou des massifs soient exactement les mêmes que l’on se trouve en France, aux États-Unis, au Japon ou en Nouvelle-Zélande. Nous observons une sorte d’uniformisation de la végétation des grandes villes aux climats similaires et cela enlève un peu de l’identité visuelle et du charme des différentes régions de la planète.

J’attends vos avis dans les commentaires =)

Arthur Sanguet
Crédit photos : Phagophytos si la source n’est pas mentionnée
Source de l’article : https://phagophytos.com
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Cet Aster acheté en jardinerie et qui est planté dans mon jardin est magnifique et fleurit abondamment en Automne, ce qui fait le bonheur des insectes pollinisateurs. En revanche, il ne faut pas oublier que cette plante sélectionnée est exotique et qu’il faut donc faire très attention à ne pas la propager en dehors de votre massif !

46 commentaires

  1. Heureux de lire cet article qui apporte des contradictions à « l’éloge » des exotiques envahissantes que nous avions pu lire ici même il y a quelques temps, que j’avais commenté en ce sens.
    Tous les avis sont dignes d’être entendus, mais asséner des contre-vérités sur fond de conspirationnisme anti-végétal-naturalisé tout en brodant sur le rôle toxique des ces méchants scientifiques (Bouh!), comme le fait l’article originel, c’est très contre productif en cette période d’érosion de la biodiversité.
    Il est des sujets sérieux sur lesquels on ne peut pas se permettre de dire n’importe quoi en se faisant passer pour une autorité en la matière auprès de lecteurs n’ayant pas forcement le recul nécessaire pour dénicher la supercherie immédiatement. Le temps presse. Personne ne conteste le futur (présent?) impact du dérèglement climatique ou de l’agriculture intensive sur nos écosystèmes ; les espèces exotiques envahissantes (et pas uniquement naturalisées!) apparaissent jouer dans la même cour que les deux premiers, il serait temps d’arrêter de le nier pour se distinguer du commun des mortels… .

    1. Bonjour,
      Les plantes invasives constituent un vrai sujet, à enjeu de santé publique et agronomique comme Artemisa ambrosifolia ou à enjeu principalement agronomique comme Datura stramonium ou Xanthium spinosum et Phytolacca americana.
      ll est utile de rappeler que les agriculteurs ne sont pas responsables de leur introduction mais qu’ils sont cependant en première ligne pour gérer les conséquences de leur présence et assurer la mise en marché de récoltes exemptes de leurs graines hautement toxiques ou problématiques…. Ils ont donc besoins des outils adaptés, au sens large pour remplir la mission première qui est la leur, à savoir nourrir les populations.
      A M Simon Constat en particulier, je rappellerai que l’intensification de l’agriculture européenne, et française en particulier, a permis de sortir des pénuries d’après guerre et d’assurer l’autonomie alimentaire dans une longue liste de produits essentiels.
      Sylvie Brunet, Géographe, a publié un excellent éditorial dans Sud Ouest le 26 octobre dernier sur ce sujet.
      Quant à envisager la lutte contre les plantes envahissantes sans avoir recours aux herbicides (interdits d’usage aux collectivités), cela relève de la pure fantaisie ou de l’utopie, au choix : qui peut imaginer des escouades d’intervenants ratissant les campagnes pour éliminer les plantes indésirables ?
      Je vous invite à y procéder dans la vallée de mon Ouvèze (celle de Vaison la Romaine 22/09/1992) Un peu de rigueur scientifique devrait nous ramener sur terre !
      Comme pour les espèces d’insectes ou d’agents pathogènes invasives, je crains malheureusement la lutte perdue : chancre coloré du platane, caméraria sur marronnier d’inde, chrysoméle du mais, cynips du châtaignier, pyrale du buis, frelon asiatique, mouche du brou, pour ne citer que quelques emblématiques récents. Il faudrait aussi ajouter à cette liste incomplète toutes les maladies de la vigne introduites au 19ème siècle !
      C’est en amont qu’il faut agir pour se prémunir de nouvelles introductions : police sanitaire aux frontières, contrôles chez les importateurs potentiellement concernés.. en un mot mettre fin au libéralisme effréné qui prétend abolir les obstacles administratifs qui constitueraient autant d’obstacles à « l’intérêt général » !!!

    2. Bonjour,
      Merci pour cet article très intéressant et qui nous amène à réfléchir sur l’action de l’homme par rapport à la nature. Ne jouons nous pas aux apprentis sorciers en produisant à grande échelle certaines plantes qui sorties de leur contexte cultural à des fins alimentaires ou décoratives peuvent engendrer des catastrophes écologiques. Pour illustrer mon propos j’ai remarqué dans votre liste de plantes indésirables la berce du Caucase, que je n’ai jamais remarquée en France. Par contre, en mai dernier j’ai voyagé en Russie dans la région de Pskov et Novgorod, (au sud-ouest de St Pétersbourg) jusqu’à la frontière avec l’Estonie, j’y ai été frappé par la présence de la fameuse Heracleum mantegazzianum. Cette plante a été cultivée à l’origine comme plante fourragère, mais abandonnée par la suite à cause de sa toxicité avec des conséquences sur la santé du bétail et son action photosensibilisante. Elle colonise de grands espaces non cultivés, on la retrouve sur les bords des routes, sur les terrains délaissés, dans les jardins… et empêche toute forme de végétation, d’après les habitants de ces régions il est pratiquement impossible de l’éradiquer.
      Parmi les plantes envahissantes je citerai le sorgho d’Alep (Sorghum halepense) qui envahit les cultures mais aussi les espaces incultes dans le Sud-Ouest, ainsi que l’arbre aux papillons (Buddleja davidii) qui colonise les bords de rivière jusqu’à très haute altitude dans les Pyrénées.
      Cela fait poser la question de la multiplication de plantes qui était à l’origine des plantes fourragères ou ornementales ?
      Ne devrait-on pas interdire la culture et la vente des plantes dont la propagation en dehors de l’utilisation fourragère, alimentaire ou décorative posent (ou pourraient poser) des problèmes connus lorsqu’elles se propagent dans la nature ?
      Cela nous amène tout naturellement à reconsidérer les cultures de plantes génétiquement modifiées dont on a du mal à imaginer les conséquences de leur propagation en dehors des champs cultivés.

    3. Attention tout de même à ne pas dénaturer le propos d’origine de F. Couplan (cf. « rôle toxique de ces méchants scientifiques », « conspirationnisme anti-végétal-naturalisé) et à ne pas tomber dans le procès d’intention sur l’auteur (cf. « contre-vérités », « dire n’importe quoi », « supercherie »). Nous pouvons penser ce que nous voulons, très librement, de tout propos comme de tout article. Mais nous tenus de ne pas en dénaturer la teneur si nous voulons respecter l’esprit de controverse.

  2. Merci pour cet article enrichissant mais je me pose une question: pourquoi continue t on à autoriser la vente de ces plantes envahissantes dans les jardinerie? N’y aurait il pas aussi une action à mener de ce côté là?

    1. D’accord avec vous Fabienne, vous donnez envie d’agir, mais comment le faire ?

      Un courrier aux maires (36 000) leur demandant d’émettre un arrêté alors qu’ils n’ont pas été nombreux sur les pesticides ?

      En lançant une pétition via « change » ou « mes opinions » ?

      D’accord avec vous Fabienne, vous donnez envie d’agir, mais comment le faire ?

      Un courrier aux maires (36 000) leur demandant d’émettre un arrêté alors qu’ils n’ont pas été nombreux sur les pesticides ?

      En lançant une pétition via « change » ou « mes opinions » ?

      Un sujet passionnant, encore faut t’il trouver, et une énergie locale, et une structure nationale qui puisse porter le projet.

      En exemple, que ce soit la renouée du japon ou la Cortaderia selloana, très connues comme invasives au moins ici en Bretagne,

      Un sujet passionnant, encore faut t’il trouver, et une énergie locale, et une structure nationale qui puisse porter le projet.

      En exemple, que ce soit la renouée du japon ou la Cortaderia selloana (qui est dénoncée, très connues comme invasives au moins ici en Bretagne et ne posant pas des problèmes uniquement potentiels), les assos en parlent mais faire bouger est autre chose, les grandes problématiques (à juste titre) n’occupent déjà pas assez le « terrain ».

  3. Eh bien merci d’avoir réagi à mon article en présentant les choses dans une perspective plus large : vous avez le mérite d’expliquer la situation, ce qui permet de mieux comprendre le sujet et ensuite de se positionner de façon probablement plus juste. Car il faut se rendre compte que nous n’évoluons pas ici dans un domaine purement rationnel – contrairement à ce que certains aimeraient croire…
    Au moins, cet article que j’ai écrit – vous l’avez relevé – pour faire bouger un peu les mentalités aura servi à quelque chose : il est toujours ennuyeux d’être bien-pensant et de camper sur ses croyances. Qu’il ait été pris par certains en noir et blanc risque, effectivement, de faire réagir à l’excès en interprétant mes mots, mais ce n’est pas grave. Au moins il y a débat – peut-être même communication – et c’est certainement le plus important.
    Vous l’avez dit, la réalité est extrêmement complexe et l’on peut y réagir de façon différente. Puis-je en donner un exemple ? Je connais des endroits, en région lyonnaise, où vient la renouée du Japon sans que j’en voie évoluer les stations d’une année sur l’autre. Son envahissement semble autocontrôlé. Et je suis heureux d’en cueillir les pousses chaque printemps. En revanche, dans mon jardin japonais près de Kyoto, cette même plante prolifère d’une façon que je n’apprécie pas – malgré son aspect éminemment ornemental. Eh bien je passe des après-midis entiers à en extirper les rhizomes, ce qui ne semble guère l’affecter car je sais que quelques mois plus tard, je vais la retrouver en pleine forme. Bon, je ne la déteste pas pour autant.
    Voilà. J’espère que nous aurons l’occasion de discuter plus avant de ce passionnant sujet : tant que ni les uns ni les autres ne prétendent détenir la vérité, et que chacun parvient à accepter ce qui est, je crois qu’il est possible de s’entendre. C’est déjà bien.

    1. Bonjour François et merci pour votre commentaire bienveillant.

      Comme je l’ai dis dans l’introduction, votre article a surtout été un prétexte pour moi pour parler des envahissantes. Même si l’effet de ces dernières sur la biodiversité fait relativement peu débat dans la communauté scientifique, c’est bien différent en ce qui concerne les actions à mener pour les éliminer (et cela se reflète très bien dans les commentaires ici). De même, la plantation d’exotiques est finalement plutôt bien vue dans un contexte de changement climatique et de production de services écosystémiques. Faisant une thèse de doctorat sur la conservation de la biodiversité je pense qu’il faudrait favoriser la biodiversité locale avant les services écosystémiques, mais ce n’est que mon avis et je défends ma paroisse, je ne pense pas qu’il y ait une vérité scientifique derrière ce débat.
      En parlant de débat, je suis totalement pour confronter des idées différentes avec des personnes bienveillantes, mais il faut rester vigilant dans nos manières d’aborder des sujets tendancieux en séparant bien les faits des opinions pour que les lecteurs non avertis ne prennent pas les écrits comme des vérités absolues.
      En tous cas, je serai ravi de continuer cette discussion avec vous 🙂

      Au plaisir,
      Arthur

    2. Merci François pour ce commentaire ! Ça fait plaisir de te lire.
      J’ajouterais que finalement, ces plantes sont envahissantes par rapport à notre échelle humaine et notre temporalité, mais à l’échelle des plantes elles-mêmes et des écosystèmes… difficile à dire.
      Pour moi, l’important, c’est le vivant qu’elles portent toutes.
      Amicalement

  4. Bonjour,
    merci pour cette remise au point. Comme dans d’autres domaines, nous voyons en effet de plus en plus de « vérités alternatives » circuler. Elles deviennent invasives et dangereuses !
    L’article que vous mentionnez n’est apparemment pas accessible (ou est-ce ma configuration antivirus qui ne le permet pas ?). Il est sur un site web qualifié de « dangereux » par les antivirus, et l’adresse ne débouche sur aucune page. Pouvez-vous nous donner les références complètes de l’article pour tenter de le retrouver ailleurs ?

  5. Bah, pour ma part, je pense que l’article de M COUPLAN est à prendre comme une petite provocation qui vient nous titiller dans nos convictions mais qui ne porte pas vraiment à conséquence… Je crois que M COUPLAN sait ce qu’il fait : il s’amuse. Bon, ça ne nous fait pas forcément plaisir !
    Regardez l’article de France Culture sur la timidité des arbres, sans guillemets s’il vous plait. Si il y a des plantes timides, alors il y en a qui ne le sont pas ; nous dirons donc que les envahissantes sont des plantes sans-gêne, outrecuidantes, mal élevées ! Pendant qu’on y est, poursuivons avec l’intelligence des plantes, toujours sans guillemets. Chez les plantes, c’est comme à l’école, il y a des créatures intelligentes, et donc d’autres qui ne le sont pas. Alors, nous dirons que les envahissantes cultivent une intelligence sournoise !
    Bon, j’arrête là, je sors !

  6. Merci pour cet article intéressant qui m’a permis en même temps de lire celui de François Couplan que je trouve tout aussi intéressant.

    Pour ma part, l’article de F. Couplan n’est pas forcément orienté. Il s’agit d’une métaphore qui, avec un peu d’humour, essaye d’interpeller sur la nécessité de prendre un peu de recul et de repenser la « gestion » ou le « pilotage » des plantes invasives.

    Certes, les espèces invasives ont des conséquences sur les écosystèmes et sur la biodiversité. Mais, ces conséquences sont beaucoup plus prouvées sur les îles et dans le règne animal.
    Aussi, faut-il rappeler qu’il n’y a pas que les plantes exotiques qui peuvent devenir envahissantes. Il existe aussi des plantes locales ou indigènes qui deviennent envahissantes suite à des perturbations de leur milieux. Du coup, c’est un peu dommage que malgré les définitions en début d’article, l’auteur mette par endroits « envahissantes » tout en parlant des « exotiques envahissantes ».

    Comme l’ont montré plusieurs travaux et aussi ma thèse de doctorat (https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02288187), la prolifération des plantes envahissantes est surtout favorisée par les activités humaines. Ainsi, ces plantes sont des indicateurs qui nous renseignent sur nos utilisations actuelles et passées des sols. Elles nous interpellent donc sur nos activités. Les arracher, permet de diminuer leur population et donc leur impacts sur la densité des espèces indigènes, mais ne résout pas le problème vu que nous ne pouvons pas éliminer toutes les propagules. Ce qui justifie d’ailleurs les nombreux échecs d’éradication des plantes invasives.

    Plutôt que chercher à les éliminer à tout prix avec parfois même des herbicides, il serait plus utiles de chercher à comprendre comment elles sont favorisées par nos activités afin de repenser nos activités surtout dans les milieux non encore envahis. Pour les milieux déjà envahis, il serait judicieux de penser à valoriser ces plantes, puisque certaines plantes invasives ont des usages bien connus. Leur utilisation permettra de réduire leur population tout en profitant de leurs services pour le bien être de la population humaine.

    Pour finir, pour ce qui sont intéressé par le sujet, je vous recommande de lire:
    « La grande invasion: qui a peur des espèces invasives? » de Jacques TASSIN qui s’inscrit dans le même courant de pensée que celui de F. Couplan.

    1. Bonjour Amah et merci pour votre commentaire très intéressant.

      J’ai lu le résumé de votre thèse, c’est passionnant ! J’attaque moi-même ma troisième année de doctorat en conservation de la biodiversité autour de Genève ;).

      Je voudrais juste répondre à quelques points de votre commentaire. J’ai volontairement omis les plantes indigènes dans la définition « d’envahissantes » car il s’agit plutôt, pour moi, de plantes pionnières locales adaptées aux milieux perturbés naturels. La définition des locales envahissantes se rapproche finalement plus de celle des « mauvaises herbes ». Avant notre impact sur l’environnement, ces espèces devaient être relativement rares et pousser lors de chablis, de feux, d’inondation, de sécheresse, bref, de perturbations qui supprime temporairement la végétation dominante (forêt) pour laisser la place aux pionnières. Comme vous le dîtes, si elles peuvent former de grandes populations par endroit, c’est surtout le symptôme de la perturbation du milieu par nos activités. Mais si les perturbations cessent, les espèces plus compétitives et dominantes reprendront leur place naturellement. C’est assez différent avec les envahissantes qui peuvent prendre la place des espèces indigènes alors même que le milieu n’est peu ou pas perturbé (ex : réserves de zones humides). Pour cela, elles sont problématiques. Mais c’est vrai qu’il faudrait faire du cas par cas comme cela a été dit dans un commentaire car toutes ont une écologie différente.

      L’éradication de ces plantes est extrêmement difficile, je me demande même si c’est vraiment possible… Mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut rien faire. Comme vous l’avez dit, si nous perturbions moins l’environnement, il y aurait moins d’envahissantes. De même, si nous laissions la nature indigène prospérer partout, il y aurait moins de place pour les envahissantes etc. Enfin, je suis totalement d’accord avec le fait d’étudier et de partager les usages liés à ces espèces car si l’Homme y trouve une ressource, leur développement va considérablement réduire (par ex. le poisson lion envahissant aux Antilles est comestible et commence à être pêché).

      Au plaisir,
      Arthur

    2. Cet article me semble très intéressant tout autant que ce débat. Par contre je voudrais réagir à la solution suggérée dans ce passage de votre commentaire:
      « Pour les milieux déjà envahis, il serait judicieux de penser à valoriser ces plantes, puisque certaines plantes invasives ont des usages bien connus. Leur utilisation permettra de réduire leur population tout en profitant de leurs services pour le bien être de la population humaine. »
      Je ne crois pas qu’aucune étude ne puisse être nocive en soi.
      Par contre je crains que le développement d’une pratique qui s’avère intéressante au niveau économique ou répondre efficacement à un besoin, puisse entraîner le glissement des objectifs ce cette activité, qui est au départ de réduire les populations de plantes envahissante, vers l’obtention de profits de par cette activité et devenir, au contraire, un facteur multiplicateur des points de dissémination.

    3. Amah, vous faites la synthèse entre les 2 articles que j’aurais souhaité faire. Il n’y a pas contradiction mais complémentarité. Contrairement à ce que dit M.Dulout plus haut, gérer avec des herbicides, c’est souvent continuer à chercher à contrôler sans prendre de recul. Les plantes locales souffriront aussi des herbicides et l’équilibre ne sera pas retrouvé. En fait, aucune règle ne s’applique de manière universelle et seul le cas par cas et la propagation de l’information permet de lutter. Combien de personnes, même parmi les gestionnaires d’espaces verts, savent d’une part que la Renouée du Japon est comestible, d’autres part qu’il faut absolument éviter de la broyer et poursuivre plus loin avec le même broyeur non nettoyé?

    4. Dans le chapitre intitulé « la tentation xénophobe » du livre de J. Tassin que vous citez, il ne s’agit pas de métaphore ! Et Tassin ne plaisante pas!

      Je cite J. Tassin :  » Les exemples issus d’exacerbation racistes fournissent un argumentaire plutôt fallacieux pour dénoncer dans la biologie des invasions un relent de (bio)xénophobie. Pour autant, s’y référer peut fournir un éclairage complémentaire sur certaines valeurs dont ces exemples, si détestables soient-ils, montrent qu’elles sont toujours présentes » (p. 70) En somme ces références sont fallacieuses sans l’être! Et d’ailleurs les exemples qu’il prend et les leçons qu’il en tire sont édifiants (voir pp. 70 et suivantes)

      Le point Godwin est atteint avec la référence à Himmler et ses paysagistes. Et il est peut-être dépassé lorsque J. Tassin écrit : « Lorsqu’en Australie, on suggère de renvoyer les dingos (chiens sauvages) chez eux, c’est-à-dire en Indonésie, la teneur du discours ne laisse pas d’ambiguïté sur la proximité entre xénophobie et bioxénophobie » (un concept qu’il invente, si je ne m’abuse). Une dernière citation mais c’est le chapitre tout entier rempli d’insinuations malveillantes qu’il faudrait citer pour monter la rhétorique qui y est mise en œuvre : « La meilleure parade [pour lutter contre les invasives] apparaît être dès lors de contrôler les introductions, d’intervenir aux frontières, et de réduire le plus tôt possible les foyers d’invasion en repérant les nouveaux arrivants. Comment ne pas voir là le registre propre au contrôle de l’immigration?  » (p.71).

      Voilà un texte inattendu de la part d’un chercheur qui a travaillé sur les manières d’améliorer les possibilités de prédire le caractère invasif d’une exotique introduite artificiellement, volontairement ou accidentellement, dans un nouveau milieu et qui conclut un article dont il est le premier signataire en ces termes : « Il faut observer qu’à défaut d’avoir été disponibles quelques décennies plus tôt, ces systèmes permettent déjà actuellement, en toute région du monde, d’identifier une proportion significative des espèces à risques parmi celles qui y ont déjà été introduites dans un passé assez récent. C’est là l’un des prochains champs d’application de tels systèmes, qui pourront déboucher sur l’abandon de l’utilisation d’espèces à haut risque, voire leur éradication à un stade où cela est encore possible. » Tassin et al. 2007, « Essences forestières et invasions : des systèmes de prédiction toujours plus fiables » Bois et forêts des tropiques, N° 292 (2) 71 – 79. Comment en effet ne pas voir là « le registre propre au contrôle de l’immigration », c’est-à-dire ce qu’il dénonce aujourd’hui !

      C’était, certes, au nom d’une idéologie « détestable » qu’Himmler souhaitait promouvoir des modes d’aménagement des paysages excluant les espèces non indigènes mais ce n’est pas pour autant que des fleurissements ou des aménagements paysagers avec des espèces indigènes à l’exclusion d’espèces exotiques ne sont pas à rechercher dans une pratique de gestion durable des parcs et espaces verts comme le recommandent pour des raisons écologiques les guides d’aménagement durable à l’usage des collectivités! Or, c’est bel et bien ce que rejette Tassin de façon particulièrement odieuse d’ailleurs en opposant à cette pratique un texte, je cite Tassin, d’ « écrivain juif persécuté par les nazis » favorable à l’acclimatation d’exotiques.

      Que Couplan, Tassin et tous ceux qui racontent de pareilles calembredaines aillent faire un tour sur la Côte Basque qui, pour son malheur, a été au XIXe la première, en France, à attirer en nombre les riches touristes, les têtes couronnées et autres peoples. Ils pourront observer les ravages qui ont été causés par les aménagements exotiques des jardins et parcs voulus par ces propriétaires fortunés après qu’ils eurent privatisé des portions conséquentes du littoral avec leurs villas. Le constat de Bournerias et al. dans le tome 6 des Guides naturalistes des côtes de France étant plus que jamais d’actualité, les invasives n’ayant pas cessé d’envahir depuis 1988, date de parution de l’ouvrage! « Certains représentants de la flore subtropicale asiatique et américaine ainsi largement cultivée se sont échappés dans les milieux naturels qu’ils ont envahis, éliminant souvent, appauvrissant toujours la flore indigène » (p.238). Ces pestes végétales ont formé de fourrés denses et permanents sous lesquels rien ne pousse et ont littéralement tué les pelouses et la lande originelle dont on peut juger la diversité floristique sur les lambeaux qui subsistent encore en quelques endroits. Personnellement, j’ai pu le constater en cette fin d’été 2019 lorsque refleurissent les bruyères.

      Personnellement, je conseille de laisser le livre de J. Tassin sur les rayons des librairies et de choisir plutôt d’acheter le Guide des plantes invasives de Guillaume Fried (Belin éditeur). En quelques paragraphes, il fait justice de tout ce délire sur les plantes « invasives » et explique pourquoi il faut effectivement évaluer chaque espèce et agir au cas par cas. Ce qu’il rend possible en permettant à chacun d’identifier assez facilement la quasi-totalité de ces plantes qui sont présentes sur le territoire français et en explicitant les risques éventuels dans chaque cas. Je ne sais pas s’il existe des ouvrages comparables pour les animaux mais cette approche me semble bien plus positive et formatrice. Il reste que pour chaque plante, il y aura une grande part de subjectivité dans son acceptation ou son rejet et que cela est encore plus vrai en ce qui concerne les animaux dont la mise à mort nous touche plus que l’arrachage d’une plante, à tort peut-être.

    5. Le message de JF Dumas soulève une problématique intéressante. Il demeure toutefois questionnable dans l’argumentaire qu’il déroule.

      Tout d’abord, il recourt au procédé de la citation tronquée. Je suis allé voir la page 70 de l’ouvrage de Tassin qui, en début de paragraphe, précise bien que « les exemples extrêmes, choisis dans les pires heures de notre histoire, n’ont que bien peu de valeur démonstrative ». L’auteur considère comme irrecevables de telles mises en vis-à-vis. Sa position est donc très claire quant à un tel type d’amalgame.

      Ensuite, il extrait une citation d’un article de 2007 pour commenter un livre paru ultérieurement (en 2014). Ce procédé rhétorique n’est pas non plus très convaincant.

      Enfin, l’invitation à la censure, dans le paragraphe final, interpelle. Dois-je vraiment reposer les livres qui ne sont pas conformes à sa propre vision ? Je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’écrit J. Tassin, mais le procédé de filtrage d’information qui est ainsi recommandé me semble plutôt dangereux.

  7. Bon tout a été dit clairement dans cet article d’Arthur Sanguet, je n’ai pas grand-chose à ajouter. J’avais moi-même réagi à l’article de François Camplan en référence cf https://blog.defi-ecologique.com/plantes-invasives/ en commençant comme ça :
    « Je trouve ce plaidoyer assez objectif lorsque l’argumentation est précise, mais il flirte avec la mauvaise foi dans ses généralités. C’est peut-être un défaut de la renouée quand elle s’exprime ? mais la généralisation est aussi un piège séculaire de la pensée humaine.
    Afin de ne pas se fourvoyer en s’éloignant des faits, l’étude des plantes envahissantes doit pratiquement relever du cas par cas. »
    Arthur Sanguet a parfaitement recadré la situation en éliminant la pollution idéologique erronée qui trainait dans l’article de François Camplan, afin que personne ne prenne les invasions trop à la légère ni ne fasse d’amalgame douteux avec les migrations humaines, qui je le rappelle concernent une seule espèce animale : Homo sapiens.

  8. In medio stat virtus.
    Entre liste rouge et liste noire.
    Entre utopie et totalitarisme
    Entre le pôle du froid et le pôle du chaud
    François Couplan pousse un peu le bouchon mais pas si loin que ça.
    Les migrations du vivant ont suivi et suivent encore les axes de réchauffement-refroidissement ou d’humidité -sécheresse.
    Effectivement, la vitesse actuelle de réchauffement ou autrement dit le fort tropisme de fraîcheur (recherche d’eau + fuite des pics de chaleur) semble extraordinairement rapide .
    Ces migrations de végétaux sont pour partie le résultat de nos propres migrations: sud-nord, Est-Ouest, colonies ou pays ressources- pays riches et consommateurs, campagne dépeuplée- métropole gouvernante et même minorité affligée- majorité bien pensante ou tendance.
    Entre les stratégies d’hyper compétitivité ( concurrence – combat) du monde végétal et celle de la forêt géré d’une façon bienveillante par des ancêtre dryades et mycorhizes, de multiples cas fluctuants existent et nous interpellent.
    Un livre sur nos belles indigènes et les jardins que nous devrions faire avec, sortira en mai prochain aux éditions de Terran. Espérons qu’il apporte réflexion et solutions aux uns et aux autres.

  9. Je partage ce qui a été dit dans la conclusion et dans la réponse de Amah. Les plantes exotiques envahissantes sont davantage préoccupantes dans les écosystèmes aquatiques, tropicaux et insulaires. Chez nous je me soucie plus de la jussie qui peut modifier les caractéristiques abiotiques de l’eau que des espèces des berges de rivières qui forment in fine un écosystème à l’équilibre lorsque ce dernier n’est pas complètement remanié par l’homme comme dans le cas d’anciennes gravières.

  10. le point de vue d’un botaniste -apiculteur est peut -étre intéressant: le frelon asiatique ne « décime »pas les abeilles domestiques, il exerce une prédation supplémentaire, dont elles n’avaient pas « besoin » ; une simple muselière à la porte de la ruche tranquilise les abeilles et diminue la prédation; dans les zones nouvellement colonisées, certains apiculteurs ont enfourché la lutte contre cet « asiatique « en piégeant ad libitum pensant encore pouvoir l’exterminer; le « must » attraper un FA , le narcoser au co2, lui attacher une petite plume avec un fil fin , le relacher et avec une triangulation , localiser le nid pour le détruire : je vous certifie que je connais de ces apprentis « james Bond ». Quand vous leur démontrez qu’ils déruisent la biodiversité des insectes attirés par leurs pièges non sélectif, ils sortent l’autocollant abscon: »l’abeille partenaire de la biodiversité.
    qui a introduit la berce du caucase, l’impatience indienne, ..pour produire plus de miel? la biodiversité est une notion trop complexe pour étre mise dans la tête des praticiens; utiliser le terme envahissantes dépassionne bien le débat

  11. Très bel article, certes.
    Cependant, ces invasives ne sont elles pas là du fait du réchauffement ? Ne faudrait-il pas regarder plus loin dans le temps ? Nos espèces actuelles sont elles capables de répondre aux changements climatiques? … à suivre
    Merci
    Belle continuation

  12. Je suis assez atterré de voir à quel point la science académique cultive sa bonne conscience.
    Modeste jardinier je partage le point de vue de Tassin . J’ai assisté à une de ses conférences à Paris , assez éblouissante : voilà un homme qui sait de quoi il parle (parce les « invasions » végétales c’est précisément sa profession).
    Et comme j’ai le malheur (ou le bonheur ?) de jardiner sur du gypse , je bénis la balflourii qui me fournit une floraison magnifique de Juin à Octobre (et maintenant Novembre) là où rien d’autre ne veut pousser, encore moins se ressemer spontanément, et surtout pas les autochtones.
    Il n’y pas de science absolue et éternelle : tout scientifique baigne dans les préjugés de son temps. Einstein lui -même a dû réfléchir sur les a priori de son temps et dont il dépendait : Dieu joue -t-il ou joue-t-il pas aux dés ?
    Les comparaisons historiques vagues et extrêmes , bien que la germanisation de la flore ait bien été au programme du 3eme Reich, ne sont évidemment pas pertinentes. C’est aux sociologues d’essayer de comprendre ce qui sous-tend le discours de nos demi savants. Et à eux, en scientifiques, d’en tenir compte.

    1. Bonjour Jean-Paul et merci pour votre commentaire. Il faut bien faire la distinction entre plantes exotiques et plantes envahissantes. Si les premières ne sont nommées que de part leurs origines, les secondes le sont de part leurs impacts sur la biodiversité. L’idée n’est pas de bannir les exotiques, j’en cultive moi même énormément dans mon jardin, mais de ne pas largement planter les envahissantes et les exotiques potentiellement problématiques.

    2. Pourquoi la « science académique » devrait elle cultiver sa bonne conscience, au juste ? C’est quoi la science « pas académique » au passage ? Effectivement il n’y a pas de science absolue et éternelle, sinon par définition ce n’est justement pas de la science mais une croyance.
      Les craintes concernant les espèces exotiques envahissantes sont fondées sur des observations de terrain de naturalistes et de scientifiques (qui sont souvent.. les deux). Par des gens dont c’est la profession, même si ils n’ont pas toujours le loisir de donner des conférences, eux. Et que vous trouveriez intéressants aussi, pour peu que vous vouliez les entendre.
      L’exemple de votre potager est louable et n’est pas à éluder. Mais tout comme la réponse de Monsieur Couplan plus haut, les potagers, les friches urbaines ou les trottoirs sont loin d’être l’alpha et l’oméga du monde naturel. Très très loin.. Et encore plus lorsqu’il s’agît d’en faire des conclusions générales.
      Pourtant des écosystèmes fragiles, en régression, et abritant l’essentiel de la diversité de nos territoires sont exposés à ces espèces exotiques envahissantes. Il s’agît majoritairement des zones humides, qui ont déjà payé un tribu bien assez lourd par le passé. Voulez-vous des photos d’hectares de marais recouverts de Jussie à grandes fleurs en lieu et place d’herbiers riches et diversifiés ? Souhaitez-vous des photos de mares comblées par le Myriophylle aquatique (très beau, il est vrai!) alors qu’elles abritaient hier des herbiers d’espèces rares, des larves d’odonates et des amphibiens aujourd’hui disparu ? Peut-être préféreriez-vous des images de l’expansion de la magnifique Crassule de Helms dans l’un des joyaux de notre région menaçant d’extinction locale plusieurs espèces et un écosystème unique ?
      Dans le contexte actuel on ne parle pas d’extinction d’espèces causée par la prolifération d’exotique mais « seulement » d’érosion de la biodiversité. Et cette érosion, elle passe avant tout par l’accumulation d’extinctions locales et par la raréfaction des espèces survivantes.. Exactement comme dans nombre de nos campagnes, dont les populations d’oiseaux et d’insectes ont chuté.
      Et pour finir, comme il a été précisé un milliard de fois, toutes les espèces naturalisées ne sont PAS des exotiques envahissantes. Chez nous, on admet que c’est environ 10% des naturalisées qui pose problème pour les végétaux. Et dans ces 10%, seule une poignée sont vraiment incontrôlables si on ne décide pas de gestion immédiate. Évidemment dans les écosystèmes insulaires c’est une autre histoire, autrement plus grave.
      Bref, je ne sais pas qui essaye de se donner bonne conscience au final. Mais il serait temps d’arrêter d’opposer respect du monde vivant, de la « nature » et le contrôle de ces quelques espèces.

  13. Bonjour,

    Une lecture possible du phénomène des végétaux considérés comme envahissants pourrait s’établir sur deux éléments éventuellement problématiques : d’une part leur toxicité, d’autre part leur localisation.

    Concernant la toxicité, la présence de plantes comme l’ambroisie (dont le pollen allergène fait souffrir apparemment 200’000 personnes dans la vallée du Rhône lors de sa floraison), ou la berce du Caucase (dont la brulure est cruelle), relève d’un problème de santé publique. Consacrer des moyens pour les éliminer (ou le tenter …) me semble légitime. Je n’ai aucune animosité envers ces plantes, mais leur impact sur la santé de certains est vraiment rude …

    A propos de la localisation des plantes considérées comme envahissantes, à ma connaissance, la menace qu’ils peuvent faire peser sur d’autres espèces végétales n’est avérée que dans certains milieux fermés (lac, île, …) et, sur les continents dans des lieux où se trouvent des espèces rares.

    Dans ces milieux particuliers, ces néophytes sont effectivement malvenues. Leur présence peut menacer un patrimoine végétal et génétique rare, des associations végétales particulières. Dans une telle situation, consacrer des efforts (une législation + des moyens) pour empêcher ces disparitions semblent nécessaires.

    Par contre, sur les continents, il me semble qu’aucune extinction d’une espèce végétale par une néophyte n’est documentée ?

    Ces plantes qui s’établissent dans un nouvel espace ne font que se comporter comme tout être vivant, tentant de s’implanter et de se développer. Que sa venue soit causée par l’espèce humaine ou non est, pour moi, un élément secondaire à cette dynamique.

    Par ailleurs, au cours du temps, dans une perspective évolutive, ces végétaux vont inévitablement favoriser la sélection de microorganismes, d’insectes, voire de vertébrés qui vont profiter de ces nouveaux venus et réguler leur population. Toute nouvelle ressource disponible est un banquet pour certains … Ces évolutions sont la manière de faire des populations vivantes : dynamique, fluctuant, changeant. Et surtout pas fixiste, figé.

    Enfin, consacrer des moyens pour éliminer les végétaux néophytes sur les continents est simplement illusoire : leur éradication est impossible. Et n’est sans doute pas la manière optimale de consacrer des fonds pour soutenir la biodiversité.

    Voilà deux ou trois élément de réflexions. Les dynamiques des populations d’êtres vivants sont difficiles à appréhender. Cette xomplexité est telle, mouvante, changeante. Et tellement contraire à notre fringale de comprendre, de simplifier, de fixer les choses …

    Bref. Bonne journée.

    Denis Schneuwly

    Cela-dit, si je n’ai pas de plantes considérées comme invasives dans mon jardin, c’est essentiellement pour des raisons de respect à des conceptions culturelles d’autrui. Si j’en avais, je pense que bien des amis naturalistes déambulant dans mon jardin seraient heurtés, leur plaisir seraient malmené. En fait,

    1. Remarque à la suite du commentaire de Simon Constant

      « (…) même si ils n’ont pas toujours le loisir de donner des conférences, eux » : que cela signifie-t-il donc ? Voilà qui fait un peu froid dans le dos, d’autant plus qu’il est laissé entendre que ces professionnels, eux, détiennent le savoir. Entre ce genre de commentaire qui dénigre les conférences auprès du grand public, et cet autre de JF Dumas qui recommande de ne pas lire certains livres, on frise un peu l’obscurantisme, non ?

    2. Le « loisir de donner des conférences »… Qu’est-ce à dire, à l’encontre de ceux qui acceptent de se jeter dans l’arène pour affronter les points de vue divergents du grand public ?

      Décidément, quand on lit également, dans cet échange, que certains livres ne doivent pas être lus, ne verserait-t-on pas dans une forme d’obscurantisme ?

      Y aurait-il une vérité s’agissant des espèces invasives, et cette vérité n’appartiendrait-elle alors qu’à une frange de la société ? Brrr… Cela fait tout de même froid dans le dos.

  14. Bonjour Monsieur Sanguet,

    Je me permets un bref commentaire sur la mention de votre article aux conclusions de l’IPBES, s’agissant de travaux dont j’ai eu l’honneur de faire partie.

    Je cite un extrait des conclusions de cet organisme : « To increase the policy-relevance of the Report, the assessment’s authors have ranked, for the first time at this scale and based on a thorough analysis of the available evidence, the five direct drivers of change in nature with the largest relative global impacts so far. These culprits are, in descending order: (1) changes in land and sea use; (2) direct exploitation of organisms; (3) climate change; (4) pollution and (5) invasive alien species. »

    Les espèces invasives, prises dans leur globalité, font donc bien partie des cinq menaces principales à l’égard de la biodiversité. Mais il faut alors préciser que précisément, elles se placent au dernier rang de ces menaces. Vous observerez que d’année en année, les espèces invasives dégringolent du podium où l’IUCN les plaçait encore en seconde position, en se référant à l’article de Wilcove et al (1998) portant sur les Etats-Unis, lesquels auteurs reconnaissaient pourtant que leurs conclusions étaient fortement biaisées par la vulnérabilité des îles d’Hawaii.

    Il conviendrait également de rappeler qu’environ 80 % des extinctions d’espèces se manifestent dans les îles, où les espèces invasives concentrent précisément l’essentiel de leur impact. Mais il s’agit très essentiellement d’espèces prédatrices ou herbivores, ou d’organismes pathogènes. Donc, la problématique des espèces invasives reste très liée aux îles, et elle n’est pas liée aux plantes. Ce qui n’empêche qu’elles peuvent aussi poser des problèmes en situation continentale. Mais comme cela est écrit dans les commentaires, il faut alors contextualiser les observations en se dégageant des généralités.

    Bien amicalement, et en vous souhaitant une pleine réussite dans la réalisation de votre thèse.

  15. Deux remarques sur l’utilisation de l’adjectif ‘envahissant’ :
    1. La vie, dans son ensemble, est ‘envahissante’, ou autrement dit ‘proliférante’, c’est une de ses caractéristiques fondamentales. Et les êtres humains sont des êtres vivants. L’introduction de plantes par les hommes et les femmes (plutôt que par ‘L’Homme’) est un phénomène ‘naturel’, sauf à exclure les êtres humains de la nature (plutôt que la ‘Nature’), ou à les mettre en surplomb de celle-ci (Deus ex machina ?).
    .Toutes les plantes exotiques ne sont pas envahissantes, mais toutes les plantes envahissantes sont-elles pour autant exotiques ? Par exemple la fougère-aigle et la ronce montrent souvent un comportement que l’on pourrait qualifier d’envahissant en milieu tempéré.
    En conclusion, sans nier les problèmes parfois très aigus que peuvent poser certaines espèces végétales introduites (cf la Jussie), il me semble que cette notion de plante envahissante mérite tout de même une critique aussi bien scientifique que philosophique, en évitant bien sûr les comparaisons douteuses.

    1. Il existe pourtant aussi des espèces de plantes et d’animaux non-proliférantes, quasiment auto régulées. N’avez-vous jamais observé cela dans la nature ? En Nouvelle-Calédonie, archipel où la pression de la prédation ne s’était pas développée outre mesure en l’absence de mammifères indigènes terrestres herbivores ou carnivores (à l’exception des chauves-souris frugivores ou insectivores), on peut rencontrer de très nombreuses espèces à faible taux de reproduction (plantes et animaux) et à croissance lente (plantes). Et comme les écosystèmes néocalédoniens se sont équilibrés ainsi, le comportement de certaines espèces continentales introduites, adaptées à la pression de la prédation et/ou de pathogènes en ayant recours à un développement très dynamique (croissance et reproduction), ressemble fort à de la « concurrence déloyale ».
      Notre intelligence naturelle devrait nous permettre d’observer et donc de comprendre cette nature à laquelle nous appartenons bien sûr, afin de la préserver dans sa diversité en évitant de commettre des erreurs parfois irréparables.
      Je vous rejoins au sujet des parallèles douteux entre « racisme » et « bioracisme » (désolé pour ce néologisme maladroit), car le sentiment commun de rejet peut éventuellement se comparer, mais le débat se situe au niveau des relations inter espèces et à ce niveau point de « racisme » intraspécifique ni xénophobie d’aucune sorte, nous observons seulement différents types et niveaux d’acceptation ou de rejet des humains vis-à-vis de certaines plantes ou animaux, ce sont ces relations interspécifiques uniquement qui nous intéressent et qui font débat. Comme d’autres et moi-même l’ont déjà écrit dans des commentaires précédents, le sujet des espèces envahissantes est si complexe qu’il faut sortir des généralisations pour privilégier le cas par cas.

  16. Juste un commentaire sur le Robinier. J’ai acheté une table de jardin faite avec du Robinier et fabriquée en Italie. Intérêt: ce bois résiste très bien aux attaques des parasites: inutile de déforester l’Amazonie pour importer du bois exotique ou de faire des traitements (chers et polluants et parfois toxiques) au pin qui ne durent que quelques années. On met une pancarte « envahissant » à cet arbre et à bien d’autres: encore une fois on aime bien se marcher sur les pieds dans notre bon pays… et en attendant on plante que du pin dans une forêt Landaise qui aurait bien besoin de biodiversité…

    1. Le fait qu’il soit utile et qu’il produise du bois de qualité ne change absolument rien au fait qu’il pose problème pour la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes, ce sont des choses bien différentes.

  17. C’est bien avec cette logique que nous continuons à planter 100% de pin dans les
    Landes (avec une très faible biodiversité et équilibre biologique) et surtout pas du Robinier… Le jour où il y une tempête ou une attaque parasitaire massive on va voir l’état pour des dédommagements: c’est trop facile…
    Si le robinier pousse bien c’est qu’il se plait… et c’est pour moi la règle N°1 d’une (re-) plantation forestière

    1. Au contraire, avec cette logique, il faudrait planter tout un tas d’espèces indigènes pour limiter les problèmes et augmenter la résilience de tout l’écosystème. Ce serait de fait bien plus intéressant pour la biodiversité, mais ça ne serait probablement pas compatible avec une exploitation des essences forestières. Encore une fois, une espèce « qui se plaît », ou une espèce utile n’est pas forcément une espèce souhaitable pour la biodiversité.

  18. Sur un système très anthropisé comme la forêt des Landes et bien d ‘autres, le problème des plantes envahissante est bien moins présent via la gestion forestière. Ces espèces se plaisent (donc poussent vite), apportent de la biodiversité si on en plante une variété (robinier, chênes rouges, etc.), et ont des propriétés de bois souvent très intéressantes…
    c’est vrai que le problème est complexe et il faut le voir sur le long terme (les plantes envahissante ne le sont souvent que sur le court terme avant qu’un équilibre soit trouvé). Mais donner le terme péjoratif de « envahissant » à certaines espèces très intéressantes et utiles comme le robinier est un raccourci qui généralise et qui ne me parait pas opportun…

    1. Je ne doute pas que nombre d’espèces pourraient être plantées pour faire du bois de qualité mais ça n’est pas la question. Le terme « envahissant » est effectivement péjoratif car les espèces envahissantes posent de vrais problèmes pour la diversité locale indigène, peu importe leurs qualités depuis notre point de vue économique ou pratique. Nous parlons là de choses bien différentes. Je vous invite à lire l’article si vous souhaitez avoir plus d’informations.

  19. Bonjour. J’arrive dans ce débat avec quelques mois de retard et, après avoir lu une bonne partie des commentaires, je m’étonne que personne ne remette en question le vocabulaire utilisé pour décrire ces néophytes qui ont du succès. Est-il bien scientifique de qualifier une espèce d’ « envahissante » ? Tiens, curieux, « Les Envahisseurs » est justement le titre d’une série culte de l’époque où fut développé ce concept d’espèces envahissantes, en pleine guerre froide. Une époque à laquelle les Américains voyaient des envahisseurs partout: jaunes ou rouges, sur la terre, terribles et implacables lorsqu’ils venaient de l’espace (La Guerre des Mondes). Un vocabulaire qui joue sur la peur et que les scientifiques feraient bien d’éviter d’utiliser pour ne pas biaiser le débat, car les espèces envahissantes n’ont pas forcément que des défauts. Mais surtout ne le sont pas pour toujours. Entendez-vous aujourd’hui beaucoup parler de la caulerpe ? Le manque de perspective temporelle, à mon avis, est le pire défaut de ceux qui voient des espèces envahissantes partout…

    1. Bonjour Adrìan et merci pour votre commentaire. Le terme d' »envahissant » est le plus utilisé dans la communauté scientifique et se réfère aux espèces néophytes qui « ont du succès » en dehors de leur aire de distribution initiale. Elles sont qualifiées « d’envahissantes » justement car elles posent des problèmes dans certains territoires/écosystèmes donc le terme ne me semble pas mal employé et je ne vois pas le mal dans le fait qu’il puisse « jouer sur la peur ».
      Je suis plutôt d’accord sur le fait que ces espèces soient problématiques uniquement pendant un certain temps mais cela n’efface en rien les impacts qu’elles ont sur les écosystèmes, déjà largement fragilisés de part nos activités, pendant ce laps de temps. Dire l’inverse serait comme de dire « le changement climatique ce n’est pas très grave, ça ne durera qu’un temps », soit, mais 1) nous ne voyons pas l’avenir donc nous ne pouvons pas en être certain et 2) à quel prix ? L’introduction d’espèces envahissantes dans des habitats rares qui constituent parfois les derniers refuges de bon nombre de populations d’espèces en danger d’extinction fait partie des problématiques contre lesquels il faut lutter si l’on souhaite préserver la biodiversité indigène.

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