Glanes étymologiques : palétuvier, mangle, mangrove

Le mot de palétuvier fait rêver, surtout s'il est rose : Ah ! Je te veux sous les pas, je te veux sous les lé, Les palétuviers roses...

En dépit de cette chanson de Pauline Carton en 1934, les botanistes ne connaissent hélas pas de palétuvier rose. Et pourtant, il y en a de blancs, noirs, gris, jaunes, rouges, et même violets si l’on suit la proposition de l’association Gwada Botanica pour Avicennia schaueriana en Guadeloupe.

Par ailleurs, les amateurs d’ébats sous les palétuviers doivent savoir que ces derniers poussent dans la boue. Les bains de boue sont certes appréciés en Guadeloupe et ailleurs, mais cela correspond peu à l’effet recherché.

Trève de digressions.

Pour commencer, palétuvier ne désigne pas une espèce, mais un ensemble d’espèces d’arbres de diverses familles (Acanthaceae, Combretaceae, Rhizophoraceae) adaptés aux mangroves, et munis de pneumatophores ou de racines aériennes courbes qui les ancrent dans la boue. Le plus spectaculaire est Rhizophora mangle, dont les fruits germent sur l’arbre, l’hypocotyle pendant atteignant 35 cm de long, ce qui lui permet de se ficher dans la boue.

En français, on a d’abord dit apariturier (1615), paretuvier (1643), parétuvier (1655), puis paletuvier (1722). Le mot a d’abord été utilisé par les colons français des Amériques. La forme avec l pourrait être due à l’influence de palu, « marais », par rapprochement avec le milieu où vivent les palétuviers. Le nom viendrait du tupi aparahiwa ou apareiba, composé de apara, « courbe » et iba ou hiva, « arbre ». C’est donc « l’arbre aux racines courbes ».

Par extension, palétuvier désigne des espèces qui ne poussent pas dans des mangroves, mais ressemblent aux palétuviers parce qu’ils ont des racines-échasses

Par contre, l’espagnol utilise mangle, attesté en 1519 (mangue) et surtout en 1526 (Oviedo). En effet, c’est le nom d’Oviedo qui est passé dans le latin de Daléchamps (1586), puis Jean Bauhin (1650), et enfin Linné qui en a fait l’épithète de Rhizophora mangle (1753). En espagnol, mangle désigne toujours l’arbre, et manglar la mangrove.

Mangle et son dérivé manglier continuent à être utilisés dans le français d’Amérique et les créoles. En anglais, il a donné mangrove, emprunté à l’espagnol avec l’influence de grove « bocage ». Il a gardé les deux sens de palétuvier et de mangrove, ce qui fait que l’anglais doit recourir à mangrove tree et mangrove forest pour lever l’ambiguïté, ce qui pose régulièrement des problèmes aux traducteurs.

En français, mangrove a disparu au sens de palétuvier, et désigne aujourd’hui uniquement la mangrove, cette forêt littorale régulièrement baignée par l’eau de mer, au contraire des forêts marécageuses situées juste derrière, et qui sont baignées par l’eau douce des rivières.

Le nom de mangle vient d’une langue américaine, peut-être le taïno. Rumphius a bien décrit un Mangium candelarium (Rhizophora mangle), et certains ont avancé que le nom viendrait du malais . Mais en malais, on dit bakau, et s’il existe un mangi, il vient du portugais.

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