Le CEN de Nouvelle-Aquitaine lutte contre une espèce invasive : l’herbe de la Pampa

Le Conservatoire d'Espaces Naturels (CEN) de Nouvelle-Aquitaine, via son président M. Philippe Sauvage, a adhéré à la Stratégie transnationale de lutte contre Cortaderia selloana dans l'arc atlantique le 15 octobre 2020. Celle-ci implique la participation active de nos équipes dans la détection, le signalement puis l'éradication des pieds d'Herbe de la Pampa sur les sites que nous gérons, mais également un effort de communication, d'information et de sensibilisation de nos partenaires et de la société en général.
Herbe de la Pampa
Plumeaux de fleurs d'Herbe de la Pampa - Par Florent Beck / CEN-NA

L’Herbe de la Pampa (Cortaderia selloana) est une plante exotique envahissante, originaire d’Amérique du Sud et largement utilisée comme plante d’ornement dans les jardins. De grande taille (jusqu’à 3m de hauteur), vivace, elle produit en été de grandes tiges portant chacune un plumeau de fleurs de couleur blanc, argenté, crème à roussâtre. Chaque pied disperse ainsi de milliers de graines transportées par le vent. Elle colonise principalement les milieux humides ainsi que les friches industrielles et se propage efficacement le long des infrastructures de transport : autoroutes, voies de chemin de fer, etc. Son caractère dominant, sa forte capacité de compétition et l’absence d’herbivores la consommant conduisent à la formation de peuplements monospécifiques réduisant grandement la biodiversité des milieux impactés. C’est d’autant plus problématique dans les zones humides, véritables cœurs de biodiversité, très malmenés par ailleurs du fait de l’urbanisation et de l’intensification des pratiques agricoles.

La stratégie

La dynamique d’invasion est active sur l’ensemble des côtes européennes de l’Atlantique et de la Méditerranée. En Espagne et au Portugal un programme Life Stop Cortaderia a été initié et les porteurs de ce projet ont identifié la nécessité de mettre en place une stratégie à grande échelle intitulée « Stratégie transnationale de lutte contre Cortaderia dans l’arc atlantique ». Dans ce cadre, ils invitent les acteurs français à rejoindre les efforts de coordination de lutte contre cette espèce.

Le projet Life Stop Cortaderia dispose d’un site internet (stopcortaderia.org) détaillant les caractéristiques de l’Herbe de la Pampa, les actions de lutte initiées et les résultats obtenus la stratégie y sera prochainement proposée en français, en attendant le document signé par le CEN-NA est disponible ici.

La stratégie se base sur une action « de l’extérieur vers l’intérieur » c’est-à-dire que la priorité est mise sur la détection et l’éradication des pieds isolés et localisés dans les secteurs les plus périphériques afin de lutter contre l’installation durable de l’espèce et son expansion à de nouveaux territoires (« l’extérieur »), et une fois que l’espèce est combattue dans les marges de son aire de présence, on dirige la lutte sur les grosses populations au cœur de son aire (« l’intérieur »).

Les acteurs du Life Stop Cortaderia mettent à disposition des documents pratiques sur les méthodes de lutte possibles (voir la stratégie) et proposent aux organismes adhérant des conseils et de l’assistance sur les plans et les initiatives menées contre cette espèce.

En Nouvelle-Aquitaine

Concernant le territoire néo-aquitain, bien que les zones les plus envahies soient la côte basque et le sud des Landes, il importe donc que l’ensemble des équipes soient attentif et impliqué afin de mener la lutte dans les secteurs où la présence de l’espèce n’est pas encore trop problématique : il s’agit de tâcher de prévenir plutôt que guérir.

Au Pays Basque et dans les Landes, c’est un tiers des sites gérés par le conservatoire qui sont concernés par ce problème. Nous avons par ailleurs accompagné VINCI-ASF sur des mesures de gestion de l’espèce le long de l’A63.

Conservatoire d'Espaces Naturels de Nouvelle-Aquitaine
Contact : Florent Beck
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14 commentaires

  1. Enfin des actions concrètes de lutte contre l’Herbe de la Pampa !
    Il est probablement encore temps d’agir mais chaque année perdue complique gravement la situation.
    La stratégie « de l’extérieur vers l’intérieur » est à l’évidence la bonne.
    Il faut espérer que l’ensemble des gestionnaires vont enfin se mobiliser.

    1. C’est certes difficile mais l’inaction du gouvernement (à interdire la commercialisation de ces espèces envahissantes) ne doit pas être une excuse à notre propre inaction. Il faut à minima sensibiliser notre entourage, les pouvoirs publics locaux, nos concitoyens, aux problématiques que posent les espèces envahissantes et lutter contre elles partout où c’est possible. Baisser les bras ne règlera pas le problème.

    1. Je vous invite à vous rendre sur les barthes de Rivière-Saas-et-Gourby (et tant d’autres barthes également envahies aux bords de l’Adour et de ses affluents) pour voir si les Jussies laissent de la place aux espèces indigènes des prairies humides qui y étaient auparavant présentes (spoiler : non !), ces espèces ont définitivement condamnées la biodiversité de nombreuses zones humides du Sud-Ouest.

      Elles menacent particulièrement les espèces à faible pouvoir de compétition qui s’épanouissent dans nos zones humides, et notamment : la Marsilée à quatre feuilles, la Macre aquatique, l’Herbe aux grenouilles, la Grande Douve, le Nénuphar frangé, la Lindernie rampante, deux espèces d’Élatines, l’Étoile d’eau, le Scirpe étoilé, la Queue-de-souris naine, la Scutellaire hastée, etc, toutes ces espèces sont classées en danger d’extinction voire en danger critique d’extinction sur le territoire aquitain (Liste Rouge de la flore Vasculaire d’Aquitaine – CBN-SA 2018) : faut-il attendre qu’elles soient effectivement éteintes pour tirer la sonnette d’alarme et entreprendre des mesures de lutte ?

      L’Herbe de la Pampa menace des milieux similaires (zones humides) mais également d’autres zones fragiles que sont les pelouses sèches, les ourlets et les lisières, également des milieux particulièrement riches. Certes pour l’instant aucune disparition n’est officiellement attribuable aux espèces exotiques envahissantes. Mais faut-il attendre que la situation soit dramatique pour se réveiller et agir ?

      L’Herbe de la Pampa n’a pas encore atteint les niveaux d’invasions des Jussies, mais montre une dynamique particulièrement préoccupante qui justifie largement de s’en inquiété et de prendre des mesures.

      Certes toutes les espèces exotiques ne sont pas problématiques (mais on n’a jamais dit ça !), et il ne faut pas faire de généralisations ou tomber dans une hystérie, ni faire de parallèle absurde entre invasion écologique et phénomènes migratoires humains (ça n’a pas grand chose à voir) : ce n’est pas la position de la stratégie de lutte ni celle du CEN.

      Néanmoins force est de constater l’impact d’un petit nombre d’espèces aux caractères très compétitifs et exclusifs dans certains milieux, en tirer les conséquences et prendre des mesures pour éviter que la situation n’empire.

    2. Bonjour, Quoique ne pratiquant plus beaucoup, j’ai beaucoup fréquenté les zones humides comme botaniste et phytosociologue. Je suis étonné de voir mentionnées par F. Beck comme directement menacées par Cortaderia, certaines plantes raréfiées qui n’ont pas, me semble-t-il, des fourchettes de préférences auto- et synécologiques entrant en concurrence avec (ce que je sais de) celles de Cortaderia. D’où ma question : les gestionnaires de ces espaces naturels disposent-ils d’études ayant observé précisément (à l’échelle métrique ou décimétrique, par exemple par des relevés diachroniques de quadrats) des remplacements de végétation indigène (ou de tel ou tel de leurs éléments) par ces plantes pionnières ? Ou même « seulement » d’aptitude plus forte à occuper une niche donnée, potentiellement favorable à une espèce indigène ? Il est d’observation courante en effet que ces végétaux conquérants par voie de semis adorent souvent les terrains « nus » ou « vierges », délaissés par les autres pour des raisons possiblement antérieures à leur arrivée puis à leur développement. (Je ne parle pas ici es super-vivaces parmi des super-vivaces, comme les asters nord-américains en roselière.) Le vœu de voir interdire la vente engendre à mes yeux une question comparable : que sait-on scientifiquement de la part éventuelle prise par de nouvelles plantations en jardins (au regard de la dissémination à partir d’individus ou populations déjà naturalisées de plus ou moins longue date) dans le gain d’extension territoriale de l’indésirable ?

    3. En réponse à Marc RUMELHART :

      Les espèces en danger d’extinction que j’ai cité sont des espèces menacées par les jussies pas par l’Herbe de la Pampa. J’ai donné ces éléments en réponse à l’article diffusé par Pierre Muller qui souhaite relativiser l’impact des plantes invasives. J’ai cité des espèces menacées par les jussies car ces problématiques sont bien identifiées du fait du caractère déjà très grave de l’invasion par ces plantes.

      Dans le cas de Cortaderia je n’ai autant d’exemples à citer car l’invasion est à son début en France et son écologie dans les milieux humides français est encore mal connue. Mais faut-il attendre de constater les dommages pour réagir ? Ne peut-on pas, sur le constat de sa dynamique très préoccupante, anticiper les risques qu’elle fait courir à nos écosystèmes et intervenir en amont ?

      Il est déjà certain que l’herbe de la pampa :
      -> forme des pieds de grande taille, très compétitifs, et à même de dominer les milieux colonisés.
      -> en conséquence diminue grandement la biodiversité des milieux colonisés
      -> en conséquence est une menace pour les espèces indigènes occupant ces milieux.
      -> malheureusement la définition précise des espèces impactées est difficile faute de données sur les espèces présentes avant invasion.

      Le nettoyage des terrains envahis par l’Herbe de la Pampa est coûteux et impacte donc directement l’économie : coût pour les collectivités territoriales et les entreprises gestionnaires des espaces concernés, coût pour les entreprises devant « nettoyer » des terrains envahis avant de pouvoir y implanter leur activité.

  2. Il est évident que notre gouvernement n’a pas pris la mesure de la nécessité de lutter contre les espèces exotiques envahissantes. Les gouvernements précédents non plus, alors que les alertes scientifiques étaient claires (cf travaux d’Alain Dutartre dans les années 80 et suivantes). Pourtant la situation avait été clarifiée avec le RÈGLEMENT (UE) No 1143/2014 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes. Sauf erreur de ma part, cela n’a encore donné lieu qu’à l’Arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain. Comme l’a souligné fort justement Florent Beck, il faudrait un arrêté similaire pour les espèces végétales.

    1. Il existe : il s’agissait de deux arrêtés conjoints (c’est un peu bizarre, mais bon), malheureusement la liste n’inclue pas encore Cortaderia selloana. Des mises à jours devraient venir régulièrement, espérons que son inclusion ne tardera plus. Il y a une autre espèce de Cortaderia listée dans cet arrêté : Cortaderia jubata. Il ne s’agirait a priori pas d’un synonyme, mais bien d’une espèce proche.

      Arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces végétales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain
      https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/2/14/TREL1704132A/jo/texte

    2. Rectification à l’affirmation de M. Georges Cingal : arrêté du 2 mai 2007 interdisant la commercialisation, l’utilisation et l’introduction dans le milieu naturel de Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploïdes – Texte antérieur au règlement européen de 2014

  3. Cher Florent et Marc,
    Avant tout merci pour votre contribution à propos des plantes invasives ainsi que, pour Florent, d’avoir répondu aux arguments développés dans mon article de blog.
    Certes, celui-ci est un peu provocateur, mais une provocation raisonnée contribue à épicer les débats !
    Je dois dire que les concepts de gestion de l’espace naturel qui incluent l’éradication d’une ou plusieurs espèces dans leur modèle m’effraient quelque peu.
    Elu récemment par une collectivité, j’étais vice-président d’un SIVU en charge du bassin supérieur du fleuve Hérault. La renouée du Japon s’y est installée de longue date. Elle dispose de la faculté d’essaimer sur les rives au fil de l’eau et, est à ce titre, considérée comme une espèce invasive.
    En relation avec une entreprise spécialisée, le technicien de la collectivité à présenté un devis de 700 000 € destiné à éradiquer cette espèce en aval de la ville de Ganges. Le protocole à mettre en œuvre consistait à décaisser les berges sur une profondeur d’un mètre, mettre en dépôt la terre sur une longue durée à l’abri de la lumière et finalement la réinstaller sur place !
    De plus le parcours en amont n’était pas concerné, sachant que la dissémination s’effectue de l’amont vers l’aval ce qui rendait dés le départ ces travaux obsolètes. Aberrant !
    Avant de savoir si une espèce va mettre en danger l’équilibre naturel, il est important de comprendre que l’éradication est le plus souvent une chimère, voir dans le cas que j’évoque, une imposture remettant en cause l’équilibre budgétaire fragile de nos collectivités.
    Monsieur Jacques Tassin, chercheur du CIRAD dont j’ai publié la réponse, aborde quant à lui la problématique îlienne où peut-être les invasions, quelles qu’elles soient ont un impact plus important.
    Concluons avec la colonisation par le loup, animal mythique auteur de prédations sur les troupeaux. Devrait-il être éradiqué ? Réponse des scientifiques lors du « Vrai faux procès du loup » à Florac en septembre 2014 : C’est impossible. Il faut s’adapter et vivre avec. (http://blocdepierre.com/ecrire/?exec=article&id_article=305).
    Sans doute serait-il plus opportun de mettre fin aux élevages animaux de type industriel, c’est à dire à grande échelle qui sont une opportunité pour la diffusion et la mutation des virus comme les visons danois par exemple en ce moment, plutôt que de s’impliquer dans des campagnes d’éradication qui, tel le mythe de Sisyphe et de son rocher sont à reprendre en boucle au fil des décennies.
    Mais, je m’égare un peu. Excusez-moi. C’est ce terme d’éradication qui me fait grimper à l’arbre.
    Bien cordialement
    PM

    1. Cher Pierre,

      merci à vous d’engager ce débat passionnant et nécessaire.

      Parler d’éradiquer une espèce d’un espace est effectivement un vocabulaire lourd et l’ensemble de la thématique des espèces exotiques envahissantes fait appel à des termes et à des notions souvent connotées et parfois difficile à manier : difficile dans ce cadre d’avoir un débat clair et dépassionné.

      Mais que dire ? Quel terme employer ? Éliminer, supprimer ? Sur la forme un peu moins fort, mais sur le fond guère mieux ! Lutter contre ? C’est peut-être « moins pire ».

      L’action de lutte contre l’invasion par les espèces exotiques nécessite toujours d’être réfléchie et mise en contexte :

      1. Quel stade dans la dynamique de l’invasion ? Lorsqu’on envisage l’intervention une fois que les milieux sont déjà très impactés et que l’espèce est présente partout, c’est effectivement trop tard, et du coup forcément très coûteux pour un résultat douteux, ou tout du moins limité. C’est pour cette raison qu’il semble nécessaire d’intervenir dès maintenant pour lutter contre l’Herbe de la Pampa alors que sa progression n’est pas encore totale. Mais le temps passe vite, si nous tardons encore 10 ans il sera trop tard.

      2. Où et comment lutter ?

      D’abord il faudrait un engagement politique avec un moratoire sur l’importation et la vente d’espèces exotiques ayant des caractéristiques biologiques rendant potentiel leur caractère envahissant (notamment toutes les espèces présentant un fort taux de reproduction).

      Ensuite concernant la lutte sur le terrain, les espèces exotiques envahissantes semblent proliférer préférentiellement dans les milieux perturbés et donc aux abords des activités humaines : zones péri-urbaines, zones où des travaux ont été réalisés, infrastructures de transport.

      Il faut lutter là où c’est le plus important : d’abord dans les sites naturels à fort enjeux patrimonial et en périphérie de la zone envahie pour limiter l’expansion, on ne s’attaque aux « noyaux » que lorsque les sites périphériques ont été traités.

      Il ne suffit pas d’enlever les espèces exotiques, il faut également assurer la renaturation des sites traités, via un revégétalisation avec des espèces indigènes afin de ne pas laisser la place libre pour une nouvelle colonisation. Et il importe d’assurer un suivi et de venir enlever les rejets et repousses qui pourraient ruiner l’action engagée.

      Ainsi, si la lutte contre l’invasion par des espèces exotiques est nécessaire pour éviter une perte nette de biodiversité et de fonctionnalité des écosystèmes, elle doit avant tout être raisonnée et concertée. Une grosse action ponctuelle contre la Renouée ne sera certainement qu’un gaspillage d’argent public si elle n’est pas réalisée dans un cadre global de lutte. C’est pour cela que la stratégie transnationale de lutte contre l’Herbe de la Pampa met l’accent sur la nécessité de coordonner les actions et d’engager tous les acteurs.

      Mais effectivement, pour certaines espèces, lorsque l’invasion est déjà trop généralisée, il est illusoire de penser pouvoir « revenir en arrière ». Il en est ainsi pour la Jussie, l’Écrevisse de Louisiane et un certain nombre d’autres espèces, dont on ne peut tout au plus que limiter l’impact de manière très ponctuelle dans des milieux à grandes valeur patrimoniale. Pour le reste il faut, en effet, apprendre à vivre avec.

  4. Le principal problème est qu’il est difficile de mobiliser l’action politique et public lorsque les espèces exotiques n’en sont qu’à un stade d’émergence où elles posent peu, voire pas de problème.

    Au contraire, une fois que leur implantation est suffisamment grande pour poser des problèmes écologiques, économiques voire sanitaire, il est bien trop tard pour mener une lutte efficace.

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