Sauvages, journal botanique

Dans le cadre de notre appel à rédaction d’articles sur le thème des herbes folles, Françoise Lesage nous emmène dans son journal botanique de confinement, entre plantes sauvages, aquarelles et teintures...
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Photo par Elodie Timmermans et Françoise Lesage, tous droits réservés.

Sauvages, journal botanique

Herbier journalier, 21 mars - 21 septembre 2020

Mars 2020, nous sommes contraints à l’immobilité.
Et pourtant, elles poussent.

Elles, ce sont les plantes qui n’ont pas besoin d’injonction pour savoir ce qu’elles doivent faire.
A l’équinoxe de printemps, je démarre un voyage immobile en leur compagnie. Je l’arrête à l’équinoxe d’automne.
La pelouse d’une seconde résidence proche est couverte de jonquilles, ce sont les premières plantes à faire partie du protocole de création que je me fixe pour les mois suivants.
J’entreprends de récolter une plante par jour, de la dessiner au crayon noir, d’en faire une décoction, de colorer mes dessins avec ce jus et enfin, de teindre une petite pelote de laine de 8 grammes. Cette laine est utilisée pour tisser une longue étoffe, reflet coloré de cet herbier intime.

Je vis dans un village de l’Ardenne belge, entre prairies et forêt.
Mon jardin est libre d’accès pour la vie sauvage.
Il se révèle bien plus riche que ce que j’imagine.
J’y vis depuis 35 ans, je pense bien le connaître et pourtant en récoltant ma plante quotidienne, j’y rencontre des inconnues.

Certaines plantes marquent leur place pour de longs moments, d’autres ont une présence plus furtive. Elles apparaissent, jettent leurs fleurs à la face du ciel dans l’espérance d’une reproduction rapide et disparaissent tout aussi vite. Le risque est grand de ne pas savoir qu’elles existent si on n’est pas là au bon moment ni attentif à leur présence.
Je ne choisis pas les plantes en fonction de leur beauté ou de leur pouvoir tinctorial, je récolte celle qui est là devant moi au moment où je sors. La plante du jour s’impose d’elle-même. C’est ainsi que certains légumes du jardin se retrouveront aussi au bout du crayon.

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Photo par Elodie Timmermans et Françoise Lesage, tous droits réservés.

Ce travail d’attention au monde végétal est riche d’enseignements.
En commençant, je ne pense pas avoir assez de diversité pour assurer une régularité quotidienne. Pourtant, à certains moments, la profusion est telle que je n’ai pas assez de temps.

Arrivée à l’équinoxe d’automne, la matière première commence soudain à disparaître. Les plantes s’assoupissent en prévision de l’hiver.
L’explosion des végétaux au printemps est d’une rare intensité et l’arrêt de la végétation en automne l’est tout autant.

Ce travail de dessin est le reflet d’un environnement riche mais fragile.
Pour peu que je décide de passer la tondeuse dans mon jardin toute cette variété disparaît.
Nommer cette diversité permet de la faire exister.
C’est un répertoire utile pour noter l’évolution de la diversité floristique de ce lieu. A refaire régulièrement ?
En d’autres lieux ?

Par mon travail d’artisan de la laine, je fais des teintures végétales.
J’utilise un nombre limité de plantes, celles qui ont le meilleur pouvoir tinctorial.
En menant ce travail, je constate que, d’une manière ou d’une autre, toutes les plantes teignent.
Elles contiennent toutes des pigments (jaunes en général) qui les protègent des rayons UV émis par le soleil.
L’alignement de toutes les pelotes teintes met à l’évidence cette couleur et pourtant, chaque nuance de jaune est unique.

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Le long tissu-agenda est tombé du métier. Il est grand comme la maison. Un jour est séparé de l’autre par une fine bande blanche. Entre les semaines, une bande plus large. Photo par Elodie Timmermans et Françoise Lesage, tous droits réservés.

Chaque plante développe son langage formel : attaches, jonctions, relations de proportions sont propres à la plante et à son espèce.

De même, chaque nuance de couleur qui sera reproduite par ses semblables.
L’émerveillement devant tant de diversité se renouvelle au quotidien. J’aimerais continuer encore et encore.
Cette rencontre me laisse toute éblouie.
Les belles emmerdeuses, celles qui ont mauvaise réputation, ne sont pas les moins intéressantes : le gaillet blanc, l’ortie, le rumex sont très « dessin-géniques » et donnent des couleurs intéressantes.
L’inattendu est également de la partie. Les belles fleurs blanches de l’aubépine teignent la laine en un roux joyeux et les pétales de coquelicot donnent un gris profond.

Un aperçu des 29 planches du livre

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Illustrations par Françoise Lesage, photographie par Elodie Timmermans et Françoise Lesage, tous droits réservés.

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Cet article a été rédigé par Françoise Lesage suite à l’appel à articles sur le thème “Les herbes folles du milieu urbain au monde rural”. Vous retrouverez l’intégralité de son travail dans son livre Sauvages, journal botanique aux éditions « C’est tous les jours dimanche ! » et pouvez la contacter via son site internet.

Si le thème vous intéresse, nous vous invitons à consulter les conditions de participation en cliquant sur le lien ci-dessous et à nous transmettre vos articles à l’adresse suivante : appel_article@tela-botanica.org ! Au plaisir de vous lire !

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