La nature en ville
Depuis le milieu des années 50, les villes européennes se sont étendues en moyenne de 78 %, alors que la population n’a augmenté que de 33 %. Les territoires français sont affectés par une croissance urbaine rapide et des pertes en sols causées par l’artificialisation. Ce dernier a de nombreux impacts environnementaux ; notamment la destruction directe ou indirecte des habitats et par conséquent, l’érosion de la biodiversité floristique et faunistique.
L’écosystème urbain correspond à « l’ensemble des zones où des constructions humaines ont été réalisées et où la surface de ces infrastructures est supérieure à celle des zones naturelles présentes dans le périmètre ». Cet écosystème prend donc en compte tous les sols construits, imperméabilisés (routiers, ferroviaires, etc), mais aussi non imperméabilisés (espaces verts créés par l’Homme).
La superficie des espaces verts urbains semble diminuer, principalement au profit de nouveaux projets d’aménagement du tissu urbain, tels que les équipements sportifs et de loisirs.
Face à la menace qui pèse sur les écosystèmes locaux et les espèces qu’ils abritent, les communes ont un rôle essentiel à jouer, à l’échelle des territoires, pour préserver la biodiversité, aussi floristique que faunistique. Ces communes possèdent de nombreux espaces verts qui permettent de s’engager pour que la richesse de la biodiversité de leurs territoires soit préservée, restaurée et valorisée.
En plus de sa valeur écologique, la biodiversité locale, dont la flore, et les services écosystémiques ou écologiques rendus par la nature ont une valeur culturelle et sociale essentielle pour les territoires. Les services écologiques correspondent aux bénéfices que l’Homme peut tirer des processus naturels mettant en valeur l’utilité de la nature pour l’Homme et de sa dépendance envers celle-ci.
Comme exemple de services écosystémiques rendus par la nature en ville, on peut citer :
- Le service de supports ou fonctions : les espaces végétalisés permettent la maîtrise du ruissellement des eaux de pluies, leur épuration et l’infiltration dans les sols, et offrent également un habitat pour la biodiversité faunistique permettant de réguler les populations animales en prolifération ;
- Le service d’approvisionnement : par la production de quelques ressources alimentaires (jardins partagés, vergers urbains, etc) ;
- Le service de régulation : les plantes absorbent une partie des gaz polluants, assainissent les sols et améliorent la qualité de l’eau filtrée. Elles peuvent également permettre l’atténuation de la température, et éviter les « îlots de chaleur urbains » dans les quartiers très urbanisés, ou encore diminuer le risque d’inondation dans certaines zones ;
- Le service culturel : les espaces de biodiversité offre un cadre plus agréable pour faire du sport, se reposer, se promener par rapport à des espaces bétonniers. Ils permettent de garder un lien entre les citadins et la nature en utilisant l’éducation à l’environnement (évènements, ateliers, jardins botaniques, sciences participatives, etc) mais aussi un lien social entre citadins eux-mêmes.
Protéger les écosystèmes urbains contribue au maintien des services écosystémiques qu’ils fournissent, mais leur préservation permet également d’éviter une fragilisation des autres écosystèmes dont les zones urbaines dépendent pour la production de ressources alimentaires ou de matières premières.
En plus des services écosystémiques cités précédemment, le développement de la biodiversité en ville présente un meilleur cadre de vie pour les habitants. En effet, la nature réduit le stress, le bruit ambiant mais également divers problèmes de santé tels que les troubles cardio-vasculaire et respiratoires, permettant indirectement une longévité accrue. Plus de biodiversité floristique sur les communes permettra un meilleur confort thermique lors des grosses canicules. Effectivement, les plantes absorbent la chaleur et libèrent de l’eau dans l’atmosphère par évapotranspiration réduisant fortement les îlots de chaleur urbains.
En outre, la végétation absorbe et filtre les particules atmosphériques polluantes et constitue des puits de carbones. Lors des pluies, l’eau peut s’infiltrer seulement dans les zones végétalisées. Dans le cas où la flore se fait trop rare, par une cascade de conséquences, l’eau de ruissellement se chargent en polluants et contamine les cours d’eau, les inondations sont plus fréquentes, et l’infiltration est insuffisante pour recharger les nappes phréatiques.
La meilleure santé physique et mentale collective est renforcée par les opportunités d’interaction, de rencontres, et d’échanges entre les personnes que créent les espaces de nature en ville. De fait, les espaces verts de proximité favorisent l’activité physique seul ou à plusieurs, mais également l’organisation d’évènements divertissants ou pédagogiques offrant lien social et identité collective.
Cette cohérence sociale serait également favorisée dans le cadre d’aménagements dans lesquels le végétal est source de différents types de productions ; potagers urbains, jardins partagés, forêts urbains, verger collectif, etc.
Malgré ces précédents constats, les menaces qui pèsent sur la biodiversité urbaine restent nombreuses. L’utilisation des produits phytosanitaires, les tontes et tailles des végétaux trop régulières, ainsi que la prolifération des espèces exotiques envahissantes contribuent à la diminution de la diversité et de l’abondance des espèces animales et végétales.
Depuis quelques années, une nouvelle perception de l’entretien des espaces verts se développe : la gestion différenciée. La gestion différenciée est une méthode qui consiste à déterminer pour chaque espace les objectifs de gestion par rapport à plusieurs critères :
- L’accueil du public et les usages ;
- L’apparence esthétique et paysagère ;
- L’écologie et la biodiversité.
Il s’agit ensuite de ne plus appliquer les mêmes pratiques de gestion aux différents espaces. Par cette méthode, les communes déterminent les différents modes d’entretien : une pelouse fréquentée sans enjeu pour la biodiversité ne sera pas entretenu comme une zone dont sa préservation sera la priorité.
En déterminant précisément les besoins sur chaque zone, ce procédé vise à améliorer la qualité de vie, à diversifier les paysages, mais également à limiter la dégradation de l’environnement (artificialisation, pollution, dérangement des processus naturels, etc).
Plus généralement, la gestion différenciée envisage une modification du regard porté envers les espaces de nature en milieu urbanisé.
De plus, grâce à la loi « LABBÉ » qui règlemente l’emploi des produits phytosanitaires en France, ces derniers sont interdits d’utilisation par l’État, les collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics depuis le 1er janvier 2017. Ainsi, les communes ne peuvent plus utiliser de produits destructeurs de biodiversité dans l’entretien de leurs espaces verts, sauf dans le cas des infrastructures de transport et les terrains de sport.
L’évolution des espaces de nature en ville pourrait se faire selon plusieurs points :
- au niveau des pratiques d’entretien avec une modification de la gestion visant à
préserver la biodiversité floristique et faunistique tout en prenant en compte les usages des espaces (utilisation d’espèces végétales locales, maintien du bois mort, mise en place d’une fauche tardive et de prairies fleuries, etc) ; - une création de nouveaux usages, notamment de production avec un verger par exemple, et d’expérience de nature avec des lieux riches en biodiversité ;
- une valorisation de la nature en ville à l’aide d’activités de vulgarisation scientifique et de sensibilisation, de chantiers nature, d’ateliers pédagogiques, etc.
Pour aller plus loin, vous pouvez :
- apprendre à faire accepter la végétation spontanée en ville avec le KIT Flore Spontanée urbaine, un centre de ressource et de formation en ligne réalisé par Tela Botanica ;
- participer à la connaissance de la flore urbaine en participant au programme de science participative Sauvages de ma rue par Tela Botanica.
Vous pouvez également consulter les articles et les documents scientifiques ou de vulgarisation suivants dont les informations ci-dessus ont été tirées.
Sources
- A. Rouadjia, Le paradoxe de la gestion des espaces verts : entre volonté de maîtrise et laissez- faire, Résistances au changement et logiques de priorités à Marseille. Hors-série 28, avril 2017. Usages du sol : entre exploitation des ressources naturelles et protection de l'environnement.
- K. Nilsson, T. Sick Nielsen, C. Aalbers, S. Bell, B. Boitier, et al.. Strategies for sustainable urban development and urban-rural linkages. European Journal of Spatial Development, 25 p., 2014.
- INRA, IFSTTAR. Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : déterminants, impacts et leviers d’action. Résumé de l’expertise scientifique collective, Décembre 2017.
- UICN France, Panorama des services écologiques fournis par les milieux naturels en France - volume 2.3 : les écosystèmes urbains. Paris, France, 2013.
- LPO. Municipalité et protection de la nature, 2009.
- LPO. Guide pratique de l’élu local, 2020.
- Plante&Cité, les bienfaits du végétal en ville, juillet 2013.
4 commentaires
Bonjour,
Certes les produits phytosanitaires ont disparus depuis 2017 dans les collectivités mais remplacés dans de nombreuses villes par du désherbage thermique au gaz . Une aberration totale quand on lutte soit disant contre le réchauffement climatique. De plus cette méthode est inefficace 7 à 10 passages / an contre 2 avec un désherbant classique avec un rendu discutable. Nous allons vers des communes en friches avec des professionnels désintéressés par des tâches de désherbage sans en voir le bout .
Ne faut-il pas plutôt accepter cette flore spontanée que chercher à l’éradiquer. Les plans de gestion, la vegetalisation des pieds de murs, l’acceptation de cette flore spontanée peuvent etre des pistes afin de lutter contre les désherbage à tout va.
On peut comprendre votre approche habituée à voir un environnement maitrisé, rasé, anéanti par les pesticides pour faire propre.
Mais savez-vous que derrière toute cette végétation il existe une faune qui veut vivre aussi et il y a de nombreux insectes sauvages pollinisateurs qui ont besoin de ces plantes naturelles.
Simplement il faut revoir notre regard et avoir du discernement pour éliminer ce qui est source de danger en particulier, mais la nature se renouvelle en permanence et on ne peut pas couper, raser, en permanence sous prétexte qu’il y a un danger potentiel, il faut savoir mais aussi il faut anticiper tant dans les plantations que dans les comportements
C’ est aux communes qu’il faut envoyer ce texte. Nous on est convaincu. en effet tontes trop intensives, pas de tontes différenciées. progression d’invasives. les espaces verts des communes doivent revoir leur pratiques, de villes fleuries et propres. meme les parcs urbains sont sous fort controle. ex Vannes. il faut aussi que les mairies éduquent leur population, les séniors qui savent tout, et les jeunes , souvent indifférents , la tête dans le smartphone. enfin, pourquoi couler la tête des végétaux sauvages? il est possible de créer des potagers bio , en service direct, sur de nombreuses pelouses urbaines.