Rêve prairie

Dans le cadre de notre appel à rédaction d’articles sur le thème des herbes folles, Patrick Canal nous propose un petit texte rédigé en souvenir d'herborisations dans les gorges du Tarn.
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Cyanus segetum : "Tendre bleuet, discrète composée des moissons oubliées." par Patrick Canal CC BY-SA

Je me réveille comme dans un rêve, enveloppé de parfums que la rosée du matin révèle sur le bord du chemin ! Les cheveux d’anges des « stipes pennées » dansent sur les hauts plateaux des Gorges du Tarn, elles sont les herbes folles, la chevelure blonde du causse Méjean.

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Stipa pennata : "Les cheveux d'anges des stipes pénnées" par Patrick Canal CC BY-SA

Ici, le vent colporte des histoires et des légendes mais il sème aussi les fleurs des champs, le « coquelicot », la « marguerite » et le « réséda blanc ». Il vous courbe le dos mais cela vaut la peine, car c’est aux pieds des graminées que se cachent les belles oubliées, « l’adonis » et la « légousie », « miroir de Vénus » où se reflète le tendre « bleuet ». Partout des pierres patiemment empilées protègent du vent ce qui reste de blé… Je songe à ces hommes, qui ont pactisé ici avec la terre depuis des millénaires. Ont-ils vu la « sauge des prés », la « vipérine » et la « jaune linaire » ? Certainement, comme eux, le peuple silencieux des simples était en marche vers une commune destinée… Comme eux il a souffert des rudes hivers, des sécheresses, des maladies et sans le savoir ils se sont entraidés. L’un ouvrant le milieu favorable à la plante, l’autre offrant le grain, la fleur et la feuille qui soignent et se mangent ! L’histoire aurait pu être belle mais le pacte est rompu, l’homme a trahi le peuple silencieux des herbes.

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Adonis flamea : "Adonis, amant discret de la belle Aphrodite." par Patrick Canal CC BY-SA

Mais la plante n’est pas rancunière, les tombants des gorges abritent des princesses sous le couvert des pins, des sorbiers et des hêtres. Tandis que sur le causse danse le petit peuple, troubadours, « amourettes » et filles légères, ici poussent, le « sceau de Salomon » endimanché de pendentifs aux diadèmes immaculés, la « campanule remarquable », clochettes d’améthyste suspendues à la verticalité, les diamants des « grandes astrances » et le joyaux dédié à la belle Vénus, qui là-haut a son miroir, ici a son sabot ! « Cypripédium calceolus », le « sabot de Vénus » dont la beauté faillit causer la perte, résiste ici aux convoitises des hommes ! De retour sur le plateau, le soleil au couchant embrase les « stipes pennées ». Allongé parmi les herbes folles enivré par « l’odeur du soleil dans l’herbe », titre du plaisant « Journal de nature » de l’écrivain naturaliste, »Yves Paccalet », j’observe les curieuses ombelles du « Scandix pecten-veneris », le « peigne de Vénus ». La déesse de la beauté peut remercier les nomenclateurs de tant de largesses !

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Salvia pratensis : Salvia : Sauver : "La beauté sauvera le monde" (Dostoïevski) par Patrick Canal CC BY-SA

Des insectes par milliers sautent et volent au-dessus des graminées comme des bouchons de champagne sur une table de banquet où s’invitent « gaillets », « silènes » et « orchidées ». La nature est en fête et je suis convié à cette « Rêve prairie » clandestine !

Le spectacle est rassurant, la diversité est ici gage de richesse, d’équilibre et la beauté qui en émane en détient les secrets.

Prenons exemple, renouons le pacte avec les herbes folles, avec le sauvage, avec le vivant dans sa globalité pour que les enfants de demain puissent encore s’en émerveiller.

Proposez votre article !

Cet article a été rédigé par Patrick Canal suite à l’appel à articles sur le thème “Les herbes folles du milieu urbain au monde rural”

Si le thème vous intéresse, nous vous invitons à consulter les conditions de participation en cliquant sur le lien ci-dessous et à nous transmettre vos articles à l’adresse suivante : appel_article@tela-botanica.org ! Au plaisir de vous lire !

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