Les vertus insoupçonnées de la gomphréna globuleuse

Une visite dans un jardin situé non loin du temple de Banteay Srei, dans le parc archéologique d’Angkor, a été l’occasion d’observer quelques jolis spécimens d’une fleur bien connue des amateurs d’art floral : la gomphréna globuleuse.

La gomphréna globuleuse est une espèce d’origine néotropicale appréciée des fleuristes : ses capitules, de couleur mauve, d’un diamètre d’un à deux centimètres, se présentent comme des sphères presque parfaites. Ces inflorescences ont la particularité de conserver, une fois séchées, à la fois leur forme et leur couleur, et cela pendant une durée assez longue. Je connaissais cette fleur pour l’avoir souvent vue mise à contribution dans les cours d’art floral dispensés à des fleuristes chinois par M. Peter Hess, maître fleuriste suisse, pour lequel j’ai servi d’interprète pendant plusieurs années. J’ai voulu en savoir un peu plus sur cette espèce, et ai découvert qu’elle n’était pas qu’une belle plante.

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Buisson de gomphrénas globuleuses dans un jardin à Angkor (Photographie : Pascal Médeville)

Gomphrena globosa est originaire d’Amérique centrale, mais elle est aujourd’hui cultivée dans toutes les régions du monde. Il s’agit d’une herbe annuelle ne mesurant guère plus de 60 cm. En Asie orientale, elle a été introduite en Chine dès la fin de l’époque des Ming (1368-1644). Elle est considérée comme envahissante et se répand dans les cultures.

Dans l’Empire du Milieu, elle fait l’objet d’une exploitation dans toutes les provinces du pays. C’est sa longévité après avoir été coupée qui est illustrée dans deux de ses noms chinois : « rouge pendant mille jours » (千日红 [qiānrìhóng]), ou « rouge pendant cent jours » (百日红 [bǎirìhóng]) ; sa forme et sa couleur ont inspiré un troisième nom évocateur : « fleur boule de feu » (火球花 [huǒqiúhuā]). Les fleuristes chinois apprécient également ses cultivars, qui donnent des inflorescences d’autres couleurs : rouges, roses, blanches…

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Cultivar blanc de G. globosa (Photographie : Hsi Liu Environmental Greening Foundation, Taipei, avec l’aimable autorisation de cette fondation)

Au Cambodge, où les variétés blanche et rose sont également présentes, la fleur est connue alternativement sous le nom de « fleur boucle d’oreille » (ផ្កាទុំហូ [phka tum-hu]) ou de « fleur bouton de veste » (ផ្កាឡេវអាវ [phka lév av]). Peut-être est-ce parce que les petites filles cambodgiennes aiment se servir des inflorescences comme boucles d’oreille dans leurs jeux, ainsi que l’explique Pauline Dy Phon dans son Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge, que l’on parle de « fleur boucle d’oreille ». Quant au nom de « bouton de veste », il s’explique probablement par la forme ronde et la texture de la fleur, qui font vaguement penser aux boutons de tissu qui ornent les vestes chinoises.

En art floral, la gomphréna globuleuse (connue aussi en français dans les noms d’amarantine ou d’immortelle violette) s’emploie de moult façons : elle sert à orner des parterres floraux, des couronnes ou des paniers floraux, on l’utilise comme fleur en pot, elle entre dans la composition des guirlandes florales polynésiennes, et elle est aussi employée dans les bouquets et compositions florales les plus diverses.

Ce que ne mentionnent pas les articles que Wikipedia consacre à cette espèce, dans lesquels elle est simplement qualifiée d’ornementale, ce sont ses vertus médicinales. D’après la Flore de la République Populaire de Chine, « l’inflorescence s’utilise pour lutter contre la toux, apaiser le foie, améliorer la vue ; elle soigne l’asthme, les bronchites aiguës et chroniques, la coqueluche, l’hémoptysie tuberculeuse. »

L’un des volumes de la collection Cambodia Medical Plants publiée par le Ministère cambodgien de la Santé, indique que l’ensemble de la plante est utilisé en pharmacopée cambodgienne pour soigner la toux, le foie, les yeux, les douleurs osseuses ou encore les douleurs post-partum.

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Capitules de G. globosa (Photographie : Pascal Médeville)

L’article en anglais de Wikipedia évoqué ci-dessus dit encore que G. globula est une espèce comestible. Cette information est reprise par différentes sites de naturopathie ou de gastronomie exotique. Tout le monde semble cependant s’accorder sur le fait que les qualités gustatives de la plante sont, au mieux, médiocres. Les capitules peuvent néanmoins produire un bel effet décoratif et, préparés en infusion, colorent les liquides.

Sources

  • Hsi Liu Environmental Greening Foundation, Taipei (台北錫瑠環境綠化基金會), voir ici
  • Article Wikipedia en anglais, voir ici
  • Pauline Dy Phon, Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge, p. 231
  • Flore de la République Populaire de Chine, Vol. 25(2), 1979, voir ici l’article chinois en ligne
  • Entrée Gomphrena globosa de Cambodia Medical Plants reproduite sur le site Sokhakrom (en khmer), ici

2 commentaires

  1. Ces articles qui expliquent les usages et vertus des espèces végétales dans différentes sociétés sont vraiment agréables à lire, même je n’irai pas jusqu’à me faire des tisanes de gomphréna…

  2. Amarantine pour Gomphrena globosa vient du nom de famille de cette plante, les Amaranthacées.

    Les Amaranthacées sont bien connues pour leurs variétés ornementales pourpres : Amaranthe queue de renard, Célosies, Epinard fraise.

    Les Amaranthacées sont aussi réputées pour leurs variétés cultivées : il y en a des champs entiers en Beauce et en Picardie (betterave à sucre). Comestibles également, le quinoa, la blette et l’épinard.

    Les vertus médicinales des plantes de cette famille sont moins connues ou pas du tout étudiées sauf en pharmacopée chinoise traditionnelle.

    Cela mérite d’être approfondi de façon scientifique en isolant les principes actifs et en les testant.

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