Les couleurs du monde végétal en 1385 nuances #Art et Botanique
Les Éditions du Chêne ont réédité dernièrement un petit bijou pour tous les amateurs de plantes et de couleurs : le « Répertoire de Couleurs pour aider à la détermination des couleurs des Fleurs, des Feuillages et des Fruits », ouvrage initialement publié par la Société Française des Chrysanthémistes en 1905 (les Chrysanthèmes étaient alors très en vogue). C’est même plus qu’une simple réédition, on pourrait parler de « résurrection » dans la mesure où des encres spéciales ont été utilisées « pour restituer l’éclat et la subtilité des teintes d’origine ». Qu’on en juge avec cet exemple qui nous emmène dans les rouges de la Fritillaire, de la Jacinthe de Hollande L’espérance, de la Corydale solide, du Topinambour, de la Rose de Noël :
Il y a dans les descriptions des gammes colorées une précision vertigineuse. On imagine, comme le dit dans sa préface Patrice SALSA, « les membres de la Société française des Chrysanthémistes en sévères habits noirs consacrant une énergie patiente et méticuleuse à la réalisation d’un répertoire de couleurs ». Ce répertoire peut paraître bien futile, mais pour les amateurs de plantes et de couleurs, c’est un vrai régal !
Voilà donc un livre à conserver à portée de main sur la table de chevet, car il fait rêver, et à emporter lors des excursions botaniques, car il permet une autre approche des plantes, une approche attentive à la recherche des plus infimes détails de leur coloris.
Ce souci de la juste couleur semble s’être quelque peu perdu de nos jours. Paul-François BARBAULT-ROYER était employé au ministère des Relations Extérieurs sous le Directoire et fut envoyé en mission dans le Nord de la France. Il rédigea un compte-rendu, le « Voyage dans les départements du Nord, de la Lys, de l’Escaut pendant les années VII et VIII » (publié en 1800). Arrivé à Lille, il remarque que « les amateurs de Lille donnent un soin étudié à la culture des fleurs ; l’on compte près de vingt-deux sortes d’œillets, dont ils ont su varier la parure ; les plus curieux sont :
Le beau-cramoisi, dont le blanc dont il est lavé le pourrait disputer au blanc de neige.
Le beau-trésor, d’un rouge brillant, qu’on nomme aussi la belle Écossaise.
L’œillet royal, très-gros, d’un blanc très-fin et régulièrement tranché.
Les Lillois ont une rose d’un rouge extrêmement foncé, et leur lys jaune est de toute beauté ».
Qui sait encore, de nos jours, parler du blanc des pétales des fleurs ou du vert des feuilles de Pissenlit ?
Le Répertoire de Couleurs comporte 244 nuances de vert !
Le Répertoire de Couleurs est paru aux Éditions du Chêne en 2021. Il compte 365 pages ; les 1385 nuances colorées sont réparties en 365 planches s’adressant « par-delà les frontières à tous les amateurs de couleurs ».
Jean-Patrice MATYSIAK
L’appel à articles « Art et Botanique » vit ses derniers jours, si vous n’avez pas encore contribué, il est encore temps jusqu’au 10 novembre 2022.
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4 commentaires
Est-ce comme le nez des créateurs de parfums ? Seuls certains individus bien pourvus peuvent augmenter leur capacité à distinguer les couleurs en s’exerçant avec le livre. Les autres remarquent d’emblée qu’ils n’arrivent pas à percevoir les différences, par exemple sur la double page des verts je ne vois aucune différence entre les 1 et 2 du Vert If et du Vert houx.
Oui, tout est question de pratique et d’infimes nuances. Il y a dans le Vert If une petite pointe de jaune qui le différencie du Vert Houx. Mais bien sûr, pas de n’importe quel jaune : il y a une soixantaine de nuances de jaunes. C’est comme votre gilet : gilet Jaune Soleil, Jaune Citron ou Jaune Soufre !?
J’essaie de faire découvrir à mon petit-fils ces finesses colorées : on prend une nuance et on essaie de la reproduire à partir des trois couleurs primaires. C’est un voyage dans la couleur pure.
Je crois qu’il est important et pas du tout futile pour les botanistes de s’exercer à différencier les couleurs, à commencer par les nuances de vert.
J’ai ainsi observé pour la première fois deux petites populations d’Echinochloa colona parmi un océan d’Echinochloa crus-galli en remarquant d’abord la différence de teinte.
Effectivement, et ça montre l’importance de l’observation sur le terrain, sur le vif. Il y a des nuances qu’un appareil photo ne peut pas saisir, et qui disparaissent dans les herbiers.