Taïwan : Les Aphrodites de l’aréquier

La consommation de la chique de bétel à Taïwan était extrêmement populaire. Les vendeurs de cette gourmandise mettaient tout en œuvre pour attirer le chaland sur leurs stands. Les « Aphrodites de l’aréquier » constituaient l’une des stratégies privilégiées.

A Taïwan, l’habitude de la consommation de la « chique de bétel » (檳榔塊 [bīnlángkuài]) est présente dans de nombreuses couches de la société, qu’il s’agissent de cols bleus ou de cols blanc, même si elle est en forte régression depuis plusieurs années. La consommation est essentiellement masculine, mais quelques femmes sont aussi « accros » à cette chique. Cette addiction est plus commune dans le sud de l’île de Formose que dans le nord. On dit que les chiqueurs de bétel forment la « tribus des lèvres rouges » (紅脣族 [hóngchúnzú]), en raison de la couleur rouge vif que la mastication cette chique donne aux lèvres et aux gencives.
La chique de bétel est un excitant, au même titre que le café ; elle est aussi un coupe-faim et un stimulant. Elle est plus particulièrement appréciée des travailleurs qui sont soumis à beaucoup de stress, et qui doivent rester vigilants à tout moment, notamment les chauffeurs routiers.
Pour faciliter l’accès de ces clients à leur friandise, des stands vitrés de vente de bétel sont installés le long des principales voies de communication. Il suffit au chauffeur de s’arrêter à la hauteur de l’un de ces stands et, sans même avoir besoin de sortir de sa cabine, de demander à la vendeuse de lui apporter sa sélection : les parfums et variétés disponibles sont le plus souvent indiqués en gros caractères sur les vitres du stand. On vend aussi sur ces stands des cigarettes et des boissons.


Planche botanique de l’aréquier (Franz Eugen Köhler, Köhler’s Medizinal-Pflanzen, image du domaine public)

Pour attirer l’attention des clients, ces stands sont décorés de néons aux couleurs criardes, assemblés en motifs divers. Mais la seule présence de ces néons ne suffisait manifestement pas pour atteindre les buts commerciaux, si bien que les propriétaires de ces lieux de vente se sont mis à recruter de plus en plus de jeunes filles accortes, courtement, voire très courtement vêtues. Ce sont ces jeunes vendeuses qui ont été surnommées en chinois les « Xi Shi des aréquiers » (檳榔西施 [bīnláng xīshī]) (en anglais « betelnut girls »).
Xi Shi, qui vécut à la fin du VIe et au début du Ve siècle avant notre ère, est l’une des quatre beautés célèbres de la Chine ancienne, et fut certainement aussi belle qu’Aphrodite !

Portrait de Xi Shi par Zhou Wenju (周文矩 [zhōu wénjǔ]), peintre chinois du Xe siècle (Image du domaine public)

Le surnom de « Xi Shi des aréquiers » vient d’une chanson taïwanaise chantée en 1985 par le chanteur Yeh Chi-tien, chanson dans laquelle il expose son amour pour une vendeuse de chiques de bétel et compare sa bien-aimée à la belle Xi Shi.
Ces « Aphrodites des aréquiers », appelées aussi « petites sœurs de l’aréquier » (檳榔妹 [bīnlángmèi]), sont à l’origine de diverses polémiques. Les jeunes vendeuses sont souvent des lycéennes déscolarisées, dont certaines ne sont pas assez éduquées pour trouver un emploi subalterne dans un autre commerce. D’autres aussi sont attirées par la rémunération : en plus d’un salaire fixe, elles touchent une commission sur les ventes. Elles sont parfois la seule source de revenus de familles pauvres.
Des activistes considèrent que ces jeunes filles sont victimes d’exploitation, et craignent pour leur moralité. La société taïwanaise en général, assez conservatrice, voit en outre d’un mauvais œil ces jeunes femmes dont les vêtements voilent à peine les charmes.


Une Aphrodite des aréquiers dans son stand (Photographie : Klingone86, CC BY-SA 3.0)

La consommation de la chique de bétel est en recul à Taïwan, et des municipalités, telles que celles de Taipei ou de Taoyuan, ont pris des mesures visant à faire en sorte que les vendeuses soient vêtues de façon plus décente. Certes, ces stands ont à peu près disparu des centres-villes, ils sont encore nombreux dans les zones périphériques et sur les axes de circulation (hors autoroutes).
Le photographe taiwanais contemporain Chin-Pao Chen a consacré une série de photos à ces jeunes femmes, voir ici la page web dédiée à cette série.

3 commentaires

    1. Suite: stimulant au même titre que le qat dan le Moyen -Orient. Par contre ce dernier est à chiquer et se présente soos forme d’arbrisseaux
      Quelqu’un peut me renseigner si se stimulant-chique de bétel – est prohibé dans certains pays et s’il existe dans les pa

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