La momordique ou l’amertume des Khmers
Le concombre amer, connu aussi, entre autres, sous les noms de margose, momordique ou encore melon amer (Momordica charantia) est très probablement d’origine africaine. Domestiqué depuis une époque assez lointaine en Asie orientale (les premières mentions du concombre amer dans la littérature chinoise datent de l’époque des Tang, VIIe-Xe siècles de notre ère), il est aujourd’hui cultivé dans toutes les régions tropicales du monde. Les principaux pays producteurs de cette espèce sont l’Inde (31 % de la production mondiale), la Chine (22 %) et le Pakistan (9 %). Au Cambodge, où elle est connue sous le nom de « mréah » (ម្រះ), la momordique fait partie des végétaux fréquemment utilisés en cuisine et dans la pharmacopée locale.
Au pays des Khmers, on connaît surtout trois variétés de momordique, qui se distinguent par leurs fruits : la momordique « chinoise » (ម្រះចិន [mréah chen]), dont le fruit est assez grand, de forme allongée et dont la surface possède des protubérances arrondies et relativement grosses ; la momordique « nervure de crocodile » (ម្រះទ្រនង់ក្រពើ [mréah tro-nung krâ-peu]), avec un fruit dont la surface est ornée de « nervures » sur lesquelles se dressent des piquants, évoquant la peau du crocodile ; la momordique « crotte d’animal » (ម្រះអាចន៍សត្វ [mréah ach-sat]), appelée aussi momordique sauvage (ម្រះព្រៃ [mréah prei]), dont le fruit est nettement plus petit que celui des autres variétés.
Momordiques chinoises et crotte d’animal (Photographie : Pascal Médeville)
Les fruits sont utilisés verts. Mûrs, ils prennent une belle teinte orangée et deviennent impropres à la consommation. La préparation initiale exigée par les trois variétés cambodgiennes est la même : il faut débarrasser le fruit de sa portion centrale, cotonneuse, qui contient les graines. Cela se fait habituellement à l’aide d’une cuiller utilisée pour gratter l’intérieur de la courge de façon à ne conserver que l’enveloppe extérieure.
Les usages culinaires de ces trois sous-espèces peuvent aussi différer : la momordique « chinoise » est le plus souvent coupée en deux dans le sens de la largeur et agrémentée d’une farce au porc, aux vermicelles et aux champignons noirs, puis cuite dans un bouillon ; la momordique « crocodile » est plutôt utilisée dans les plats sautés, notamment en omelette ou façon « œufs brouillés » ; la momordique « crotte », enfin, débitée en fines tranches, entre plutôt dans la composition de salades.
Salade de momordique, crevettes et herbes (Photographie : Pascal Médeville)
Les feuilles, dont la saveur est également amère, sont aussi consommées, en particulier dans une soupe épaisse bien connue, contenant de nombreux légumes, appelée « sâm-lâ kâ-ko » (សម្លកកូរ).
Feuilles de momordique (Photographie : Pascal Médeville)
La pharmacopée cambodgienne traditionnelle attribue de nombreuses vertus à ce fruit. Dans son Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge (p.444), Pauline Dy Phon explique que, « en pharmacopée cambodgienne, le suc extrait des feuilles est administré en période de crise aux malades atteints de paludisme ». D’après l’ouvrage Plantes médicinales du Cambodge publié par le ministère cambodgien de la Santé, toutes les parties de la plante peuvent être utilisées en pharmacopée : fruit (sec ou frais), graines, feuilles, fleurs, racines et tige.
Une boisson théiforme peut être préparée à partir du fruit (et non des feuilles) de la courge amère : le fruit est d’abord débité en très fines tranches qui sont séchées, puis broyées. L’emballage d’un thé de courge amère en sachets explique que cette boisson peut aider à : gérer le diabète, résoudre les problèmes digestifs, soulager les problèmes cardiaques, perdre du poids, réguler la circulation sanguine et enfin prévenir certains cancers. J’ignore si ces effets sont réels, mais on attribue effectivement de nombreuses vertus médicinales à la courge amère, comme l’explique notamment l’article que Wikipedia consacre à cette espèce (ici).
Boîte de thé de momordique (Photographie : Pascal Médeville)
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