Glanes étymologiques : l’énigme d’Aponogeton
Or si Aponogeton L. f. (1782) est un nom de Linné fils, il est déjà mentionné dans Hortus cliffortianus (1738 : 437) à l’entrée Zannichellia. Linné cite : Aponogeton aquaticum graminifolium Pont anth. 117.
Il s’agit de Pontedera, Giulio, 1720. Anthologia. Dans cet ouvrage (p. 118), on lit : « Nascitur plurima in agro Patavino prope Aponenses thermas. Ideo Aponogeton nomen imposui » [Il en pousse beaucoup dans la campagne de Padoue près des thermes d’Abano. J’ai donc créé le nom Aponogeton]. Voilà qui est clair. Les Aquae Aponi (aujourd’hui Bagni d’Abano, à Abano Terme près de Padoue, Italie) sont des sources d’eau thermale.
En résumé, le nom vient de Aquae Aponi pour la première partie, et du grec γείτων – geitôn, « voisin » pour la seconde. Il est en fait formé sur le modèle de Potamogeton, de la même famille que Zannichellia. Potamogeton est un nom de Dioscoride (ποταμογείτων – potamogeitôn, 4.100), et vient de ποταμός – potamos, « fleuve, rivière », et γείτων – geitôn, « voisin ».
Linné fils a transféré librement ce nom à des espèces aquatiques tropicales. Aponogeton distachyos L.f. entre autres est originaire d’Afrique du Sud, et a été diffusé comme plante de bassins. Ses inflorescences en forme de Y sont très originales. Les boutons floraux se consomment comme légume.
5 commentaires
Je ne retiendrais pas tout; mais étude très documentée. Merci.
Superbe analyse ! Est-ce aussi clair pour tous les noms botaniques ? Amicalement.
Non, hélas. Certains botanistes n’ont laissé aucune piste. Mais la plupart du temps, en prenant la peine de consulter le protologue et la biblio donnée par les auteurs, on y arrive. C’est parfois un peu acrobatique, et il m’arrive d’avoir recours à Google, qui va dénicher des mots dans des ouvrages obscurs !
Quand les noms sont formés avec des mots grecs, on trouve facilement les étymons, mais la signification est plus difficile si l’auteur ne dit rien.
Pour les noms très récents, il m’est arrivé d’envoyer un courriel à l’auteur. Mais c’est exceptionnel.
Michel, merci de ces précieux commentaires, qui m’invitent à partager mes difficultés à propos de l’étymologie particulièrement d’un certain nombre d’auteurs, mais également d’étymologies fantaisistes, dont l’un des inventeurs seraient Adanson (ex. Lonas, Calepina ou Fedia), selon « Etimologia dei nomi botanici e micologici » (Acta Plantarum), ma principale source d’information.
Je suis en effet au terme de l’étymologie des 4449 taxa+quelques nouveaux notés pour l’Algérie dans l »Index synonymique d’Afrique du Nord (A. Dobignard & C. Chatelain). Ce travail passe ensuite au crible de notre collègue compétente en la matière, le Professeur S. Benhouhou, dont les conseils sont pertinents pour accéder aux étymologies d’auteur. Mais, peut-être ma démarche est-elle sans utilité…
Votre démarche n’est certainement pas inutile. Où comptez-vous publier ou mettre en ligne ?
Le meilleur dictionnaire étymologique que je connaisse est : Genaust, Helmut, 1996. Etymologisches Wörterbuch der botanischen Pflanzennamen. Dritte, vollständig überarbeitete und erweiterte Auflage. Basel, Birkhäuser. 701 p. Genaust cite de nombreux botanistes pré-linnéens. Mais il n’a pas vu tous les protologues, et en conclut parfois que l’étymologie est inconnue, alors qu’elle est donnée dans le protologue. Il fait souvent de longues digressions. Et de plus, il est en allemand.
Etimologia dei nomi botanici e micologici est assez bon, mais reproduit beaucoup d’imprécisions.
Les noms d’Adanson sont effectivement souvent obscurs. Mais c’était un botaniste très cultivé, qui n’hésitait pas à aller chercher dans des ouvrages mineurs ou très anciens. J’ai ainsi réussi à « craquer » un certain nombre d’énigmes. Rafinesque est aussi souvent un cauchemar.
Pour les trois noms que vous citez, voici mes notices :
*Lonas Adans. (1763), Asteraceae.
*étymologie obscure. nas pourrait venir de Athanasia L., une autre « immortelle » (Genaust).
*Athanasia vient du grec ἀθανασία – athanasia, « immortalité », dérivé de ἀθάνατος – athanatos, « immortel », de θάνατος – thanatos, « mort ».
*Fedia Adans. (1763).
*origine inconnue. Une hypothèse le fait venir du latin fedus ou haedus, « chevreau ». Parmi les noms français locaux de la mâche Valerianella locusta (L.) Laterr., on a laitue des chèvres, laitue de brebis (Rolland). Les animaux comme les humains apprécient ces plantes.
*Calepina Adans. (1763),
*étymologie inconnue.
*Flora of North America cite comme étymologie le grec χαλεπαίνω – khalepainô, « être rude, désagréable », qui serait utilisé par Théophraste.
*Pourquoi pas dédié à Ambrogio Calepino (1435-1511), moine et auteur italien d’un dictionnaire renommé pendant plusieurs siècles, dont le nom survit dans le français calepin?
Ma méthode consiste à consulter le protologue (ce qui est faisable grâce à Internet) et à remonter le plus loin possible dans les sources, que je cite pour permettre au lecteur de vérifier. Je suis agacé par les dictionnaires qui affirment quelque chose sans citer leur source.
J’ai constaté par exemple que certains noms qui viennent de Dioscoride ou Pline ne se comprennent que quand on sait que les auteurs avant le XXe siècle utilisaient des versions anciennes (Ruel 1552 pour Dioscoride ; Daléchamps 1587 et Franzius 1778 pour Pline).
Mon dictionnaire devrait être publié fin 2024.