La Guyane au péril de l’or

Novethic, le 19 12 06

Paris n’a pas permis au Canadien Cambior de creuser une mine d’or
dans la montagne de Kaw, au nord de la Guyane, zone d’intérêt
exceptionnel pour la faune et la flore. Mais l’entreprise qui possède
une concession, pourrait revenir avec un nouveau dossier. Un autre
projet minier, celui de la Rexma, voudrait s’implanter dans le sud,
en bordure du futur Parc National. Le plus grand pan de forêt
primaire de l’Amazonie déchaîne les convoitises. Ce petit morceau
d’Europe à l’équateur pourra-t-il choisir son destin ?

La campagne a fait le tour du monde. Des milliers d’internautes ont
signé un message à « dear mister Jacques Chirac », pour lui signaler
cet « atrocious development » avec lequel il « ne pouvait être d’accord »
et envoyé copie à trois ministres et au préfet de Guyane. La
coalition d’ONG World Forest Movement appelait à l’aide. Les
défenseurs des Amérindiens se sont mobilisés. L’organisation
scientifique UICN (Union mondiale pour la nature) et le WWF, ainsi
que les Amis de la Terre ont fourni la documentation. La pétition
francophone sur Internet a reçu 17 000 signatures en deux mois. Sur
place, la FOAG (Fédération des Organisations Autochtones de Guyane)
les Verts, le Parti Socialiste, puis le Conseil Régional se sont
prononcés contre le projet que certains d’entre eux avaient approuvé
un an plus tôt. La situation devenait inextricable. Nelly Olin,
ministre de l’écologie, a confié une mission à deux inspecteurs
généraux des mines et de l’environnement. C’est sur la foi de leur
rapport qu’elle a refusé, le 11 octobre 2006, le projet Cambior.

La Guyane suscite les passions. Les autorités regardent en principe
d’un bon oeil tout exploitant industriel d’autant plus que la France
a dépensé il ya quelques années 270 millions de francs (41 millions
d’euros), pour établir l’inventaire minier de la Guyane. A consulter
ce document, le site de Kaw semble idéal : situé à 20 km de l’océan
et à 50 km de Cayenne à peine, ce petit gisement est capable de
produire 4 tonnes d’or par an pendant sept ans, en créant quatre cent
emplois.

Mais d’un point de vue développement durable, c’est une catastrophe.
Les cartes de tourisme qualifient Kaw « de lieu mystique ». Des
habitants de Cayenne vont se ressourcer dans cette forêt atlantique
dont 30 hectares, selon Le Monde, ont déjà été déboisés pour le
projet. En aval de la mine, entre montagne et océan, s’étendent les
marais de Kaw, dernier habitat en Guyane du caïman noir, espèce
prioritaire, très menacée dans toutes les Amériques, pour sa peau
somptueuse. Sept ans auront vite passé, resteront les cratères,
évidés par une flotte de pelleteuses et de camions de plus de 100
tonnes qui auront brûlé 500 litres de fuel à l’heure, selon le calcul
des inspecteurs du ministère. Cambior, selon le même rapport, ne
compte dépenser en soins pour l’environnement qu’un «millième du
produit escompté de la mine», ce qu’ils estiment insuffisant «Le parc
à résidus prendra la place d’un marais d’une grande richesse
écologique», et « l’emprise globale du projet concerne 800 hectares.»
Ainsi y trouve-t-on une zone de droits d’usage collectif (ZDU). Ces
ZDU de chasse, pêche et autres activité traditionnelles constituent
la réponse de la République à la vieille revendication de propriété
collective des Amérindiens et des noirs-marrons (descendants de
fugitifs du Surinam). En l’occurrence il s’agit de Palikurs, de
langue arawak, qui vendent « le produit de leur travail à des prix
ridiculement bas » a écrit l’ethnobotaniste Anne Gely dans un rapport
sur les pratiques agricoles. Une fois de plus ces derniers ont cédé
et accepté, pour un euro par jour et par personne, que la route de la
mine, fréquentée par des camions lourds, parfois chargés de toxiques
traverse leur village pendant sept ans. La FOAG a dénoncé cet accord
au tribunal.

Pollution au cyanure

Le projet arrêté par la ministre peut toujours ressurgir en ayant été
revu pour tenir compte des critiques des inspecteurs du gouvernement
français. Il ne manque que l’autorisation d’exploiter aux normes
Seveso (installations classées dangereuses). C’est la technique de
séparation de l’or au cyanure qui est employée dans le monde entier
qui est en cause. Si une société comme Newmont se flatte de confiner
ce toxique mortel dans des camions à double-cuve pour le transport et
des bassins-doubles pour le traitement du minerai, en adhésion
volontaire au Code International de la Gestion du Cyanure
(International Cyanide Management Code), pour la protection des
travailleurs, des populations et de l’environnement, ce n’est pas le
cas de Cambior. La société est surtout connue pour avoir déversé, par
accident, 3,4 millions de m3 d’eau cyanurée, à la mine d’or d’Omai au
Guyana (ex Guyane britannique), en 1996, ce qui a donné lieu à un
procès d’un milliard de dollars. Elle a aussi subi une grève dure au
Surinam pour l’obtention d’une convention collective qu’elle a dû
finalement concéder. De toutes façons, Cambior n’existe plus. Le 11
novembre 2006, Iamgold, autre opérateur canadien, l’a absorbée et a
fermé son site Internet. Si le projet revient, ce sera sous un autre
nom.

Au sud de la Guyane, la société Rexma a obtenu un permis de recherche
de mines d’or, près du village de Saül, à 3 km seulement de la « zone
coeur » du futur Parc National Amazonien, où sera interdite toute
activité minière. Selon le Monde, Nelly Olin a écrit à François Loos,
ministre délégué à l’industrie, lui demandant de retirer ce permis et
d’étudier le dédommagement de la compagnie puisque «la création du
parc va l’empêcher d’effectuer ses recherches.» Contactée par
Novethic, le cabinet de Nelly Olin confirme, sans commenter un
courrier « qui aurait dû rester confidentiel ». La France a pris
beaucoup de retard dans la création de ce parc, promis par François
Mitterrand, devant l’ONU à la conférence de Rio de 1992. On estime
que 10 000 personnes dont 4000 clandestins, vivent dans la zone
concernée et toutes n’en attendent pas le même bénéfice. L’orpaillage
ne durera pas décennies. La commune de Saül, qui préfère l’éco
tourisme, rechigne à un processus qui ne la protègerait pas de
l’industrie. 292 Amérindiens, qui se sentent menacés, demandent qu’on
inscrive la région du Haut Maroni dans la zone dont le dessin les a
exclus. Seront-ils entendus ? Selon le cabinet de Nelly Olin, la
ministre signera le décret de création du Parc National Amazonien, en
février 2007.

Par Marie-Paule Nougaret

Pour rappel certains articles précédents:
Mine d’or en Guyane : Cambior revient à la charge
Le retour : Cambior dépose son nouveau dossier pour Camp Caïman
« Revue de presse » sur le projet de Mine de la société Cambior, Mis en ligne lundi 22 mai 2006
Cambior en Guyane : une mine d’or dans un parc naturel ?, Mis en ligne lundi 2 octobre 2006
Cambior, dossier de demande d’exploitation jugé non satisfaisant !, Mis en ligne vendredi 13 octobre 2006

2 commentaires

    1. REXMA n’est plus qu’une bande de pillards incultes. Ses quatre seuls ingénieurs ont démissionné entre décembre 2009 et février 2010! Il ne reste plus que des conducteurs de chantiers et pas un seul employé qualifié en écologie. L’exploitation sera un désastre pour la nature. Visitez leurs locaux (une véritable cour des miracles)à Cayenne pour vous rendre compte de ce qui attend la forêt près de Saül.

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