Des nouvelles des tortillards de France
De : Annie GRAS, Rémy LAFONT, Stéphane ERARD, Bernard THIEBAUT, Robert FOURNIER, Jean-Pierre GUILLET.
En novembre 2007 avait été annoncée la présence hautement probable de hêtres tortillards dans le sud du Massif Central. J’avais alors, par erreur, écrit qu’ils se trouvaient sur l’Aigoual. En fait ils sont sur le Mont Lozère. Toute incertitude a été levée fin mars lors d’une visite sur le site de l’association Hêtres Tortillards d’Auvergne. Le botaniste Bernard Thiébaut en faisait partie. Nous avons été guidés sur place par l’inventrice, Me Annie Gras.
– Voir l’article paru en Novembre 2007 sur Tela Botanica :
https://www.tela-botanica.org/actu/article1950.html
La population inventoriée comporte une vingtaine d’individus jeunes et adultes regroupés – pour ne pas dire tassés ! – sur une surface confinant au mouchoir de poche : de l’ordre de 2 ares… Ils sont morphologiquement parlant très signifiants, offrant une profusion de réitérations, de marcottes et de houppiers en parasol. Les plus âgés doivent compter quelques dizaines d’années. Par contre tous les individus sont surcimés. Ils sont en effet entourés d’autres hêtres et feuillus divers bien plus hauts qu’eux (voir le panoramique 1). Il est possible que deux individus prostrés morts trouvés au milieu des autres aient souffert du manque de lumière qui en résulte. Il serait assez urgent de procéder à une mise en lumière progressive.
Un retour sur place est envisagé afin d’effectuer un véritable inventaire avec mesures, dessins, etc. L’ONF et le Parc des Cévennes étaient représentés et comptent bien s’impliquer dans l’étude et la protection du site.
Dans les mêmes temps, deux gardes du Parc des Volcans d’Auvergne nous ont signalé, dans le sud de la Chaîne des Puys, trois hêtres qu’ils soupçonnaient fortement d’être des tortillards. Les photos 3 et 4 présentent respectivement la serpentiforme base de l’un d’entre eux et les houppiers en parasol d’un autre.
Ces trois ensembles ont la particularité d’être sis dans une prairie sylvatique où ils n’ont apparemment jamais souffert de manque de lumière. Ils ont donc crû en hauteur au moins sur six à huit mètres, sont très vigoureux et leurs houppiers, superlativement en parasol, sont abondamment pourvus en feuilles.
Caractéristique curieuse :ils sont tous en cépées et l’un d’entre eux est encore plus intrigant car il est composé de sept bouquets ayant chacun plusieurs troncs. On peut hasarder deux hypothèses sur l’origine de ces cépées : soit elles se sont formées après une coupe du tronc initial, la souche ayant été préservée, soit elles se sont constituées après réitérations naturelles des tortillards et dans le dernier cas le tortillard aurait produit 7 marcottes, la réitération et les marcottes étant leur mode de développement habituel. Pour confirmer ces hypothèses, sans trancher entre les deux, des analyses génétiques permettraient, comme à Verzy, de vérifier si dans chaque cépée ou bouquet il y a un ou plusieurs génotypes.
– En effet, elles pourraient étayer l’une des hypothèses concernant l’origine du Tortillard, à savoir celle dite « monostationnelle ». Elle suggère que toutes les populations de tortillards proviendraient d’une population unique mêlée à celle des hêtres ordinaires qui ont peu à peu recolonisé une partie de l’Europe après la dernière glaciation. Par la suite, le Hêtre et le Tortillard se seraient différenciésgénétiquement de la même manière en colonisant divers milieux,au point que dans les quatre stations actuellement connues, les tortillards sont génétiquement plus proches des hêtres ordinaires qui les entourent que des tortillards des autres stations.
– L’hypothèse antagoniste, dite « pluristationnelle », suppose que la ou les mutations conduisant au Tortillard ont pu apparaître indépendamment dans plusieurs sites européens. En termes de probabilité, elle est plus difficile à défendre et elle l’est de plus en plus au fur et à mesure que de nouveaux sites sont signalés
Une autre conséquence importante de ces découvertes est la démonstration que des populations de tortillards peuvent encore exister dans des forêts diverses sans avoir jamais été signalées. Rappelons-nous que la station d’Orcines, forte quand même d’une centaine d’individus, se tient à une dizaine de kilomètres de Clermont-Ferrand dans une zone très fréquentée, y compris par les naturalistes, et que sa découverte scientifique date de 1999… Il est donc hautement probable que d’autres sites européens recèlent des groupes plus ou moins importants. Sensibiliser professionnels et amateurs intéressés va sans doute conduire à de nouveaux signalements puis de nouvelles authentifications qui nous apporteront beaucoup de connaissances sur ces arbres hors du commun.