L’IFEN disparaît, et avec lui sa mission d’évaluation

Article issu du blog www.enjeux.org

Un décret publié le 29 novembre dissout l’Institut français de
l’environnement (Ifen) et le remplace par un service statistique au
sein du ministère de l’environnement. Le nouveau service perd au
passage la mission d’évaluation des politiques environnementales. Ce dont s’émeuvent plusieurs observateurs.

En dissolvant l’Institut français de l’environnement (Ifen), la France
vient de perdre sa capacité d’évaluer de manière objective ses
politiques environnementales. Tel est le constat fait par plusieurs
observateurs ou acteurs de l’Ifen après la publication, le 29
novembre, du décret entraînant sa dissolution.

Créé en 1991 dans le cadre du Plan national de l’environnement,
célèbre notamment pour son rapport quadriennal sur l’état de
l’environnement en France, l’Ifen est remplacé par un Service de
l’observation et des statistiques (SOeS), au sein du Commissariat
général au développement durable (CGDD), qui dépend du Meeddat. Au
passage, la mission d’évaluation a été supprimée. C’est elle qui
faisait la renommée internationale de l’Ifen, et de la France un
précurseur européen en la matière.

La dissolution était en germe depuis que l’Ifen avait perdu, en 2004,
son statut d’établissement public pour devenir un service à compétence
nationale, moins autonome. Une nouvelle qui n’a donc rien de
surprenant, selon un représentant du Syndicat national de
l’environnement (SNE-FSU) à l’ex-Ifen. Super-ministère oblige, «le
SOeS est fait de `bric et de broc’: il a ramassé tous les services
statistiques des ministères réunis au sein du Meeddat: ceux de
l’environnement, de l’équipement, une partie de l’industrie
»
L’environnement n’est plus qu’une «composante» de ce nouveau service.
«Il risque d’y avoir une confusion entre l’information et la
communication politique du ministre.»

Directeur général de l’institut de 2000 à 2003, Vincent
Jacques-le-Seigneur regrette l’autonomie perdue. «Le ministère de
l’environnement était le seul ministère dont le service statistique
était indépendant, ce qui énervait les gens de l’Insee [Institut
national de la statistique et des études économiques] et les
autorités. Mais une telle structure ne peut pas être dépendante, car
l’évaluation est une mission pour laquelle des statisticiens ne sont
pas faits.»

Exemple de l’autonomie dont jouissait l’Ifen: en 2001-2002, la France
recevait une lettre de mise en demeure de la Commission européenne sur
la qualité des eaux de baignade, sur la base de données fournies par
l’institut. Le directeur général de la santé s’en émeut auprès du
directeur général de l’Ifen. Les données provenaient pourtant des
directions départementales des affaires sanitaires et sociales
(Ddass), qui dépendent du ministère de la santé.

«Il est `normal’ que des agences gardant une certaine objectivité et
une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir public aient des
ennuis, constate Domingo Jiménez-Beltrán, premier directeur exécutif
de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), de 1994 à 2002.
Toutes celles qui ont les mêmes capacités que l’Ifen -Danemark,
Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède- connaissent les mêmes
pressions». Domingo Jiménez-Beltrán insiste sur le rôle qu’a joué
l’Ifen dans la création de l’AEE.

Reste que le rôle de ces agences est d’autant plus important que la
Commission européenne ne dispose, en matière d’inspection
environnementale, que des données qu’elles veulent bien lui donner. En
sera-t-il désormais de même pour la France?

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