Plantes et animaux venus d’ailleurs : une brève histoire des invasions biologiques

LIVRE / Ce tout nouvel ouvrage de Jacques Tassin aux éditions Orphie fournit une synthèse réactualisée de la question des invasions biologiques, thème pour lequel le regard change en faveur d'attitudes moins dogmatiques que par le passé.

LIVRE / Ce tout nouvel ouvrage de Jacques Tassin aux éditions Orphie fournit une synthèse réactualisée de la question des invasions biologiques, thème pour lequel le regard change en faveur d’attitudes moins dogmatiques que par le passé.

On sait qu’à la faveur d’un contexte prédisposant, une espèce introduite peut tirer parti d’avantages physiologiques pour utiliser les ressources locales (ex : eau, lumière, nutriments, proies), mieux que ne le font les autres espèces. Une invasion biologique peut apparaître, l’espèce concernée devenant dominante et s’étendant dans l’espace.

Mais quelle menace cela représente-t-il ? Quand il s’agit de l’invasion d’espèces prédatrices ou pathogènes, les invasions biologiques constituent une menace réelle à l’égard de la biodiversité. Aussi ont-elles été indifféremment hissées au rang des changements globaux, sous l’impulsion de quelques états anglo-saxons insulaires (Australie, Nouvelle-Zélande, Hawaii), mais aussi grâce à l’appui précieux et efficace de vulgarisateurs aussi talentueux que Charles Elton.

Ce changement d’échelle du local au global induit cependant des représentations du monde vivant laissant une large place à la peur « de l’autrui et de l’ailleurs », qui vient elle-même entacher le désir de maintenir un « ordre éternel du vivant ». La radicalisation du discours normatif prévalant sur les invasions biologiques entretient dès lors des mythes sur la Nature (ex : harmonie naturelle, pureté, équilibre et intégrité de l’écosystème vu comme un organisme), en faveur d’une conception divine du vivant. La recherche en écologie nous montre pourtant que la Nature ne cesse de se modifier et de se recomposer…

Ce discours, qu’entretiennent un terme connoté issu du vocabulaire militaire, mais aussi un jeu d’exemples spectaculaires (ex : serpent de Guam, caulerpe du bassin Méditerranéen, perche du Nil), nourrit les amalgames. Les invasions biologiques sont vues comme mauvaises et intolérables, alors qu’elles sont depuis toujours un moteur efficace de la propagation des espèces vivantes. De manière abusive, elles sont implicitement accusées d’appauvrir les milieux naturels, alors qu’elles ne sont souvent que les révélatrices de dégradations liées à l’Homme.

Un recadrage majeur s’impose : il s’agit aujourd’hui de chasser les amalgames sur les invasions biologiques, en représentant désormais ces dernières de manière contextualisée, sans en minimiser les impacts, mais en leur accordant à nouveau une place dans notre représentation de la Nature. Tel est l’objet même de cet ouvrage destiné à tous publics.

Jacques Tassin

Plantes et animaux venus d’ailleurs : une brève histoire des invasions biologiques
Jacques Tassin (CIRAD)
Éditions Orphie, avril 2010
125 p.
ISBN 978-2-87763-550-9
Prix indicatif : 19 €

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2 commentaires

  1. Ca fait du bien d’entendre un discours réellement écologue avant d’être écologiste, par rapport à la pensée unique ambiante qui a une vision sclérosée d’une nature-musée qui pérpétuerait un équilibre fragile et unique, la moindre perturbation faisant tout écrouler. Si on a une vision vraiment globale de toutes les manifestations naturelles, dans l’espace et dans le temps, on sait qu’il y a un homéostasie (capacité à maintenir son équilibre malgré les perturbations)des écosystèmes, plus qu’une fragilté et que la nature a déjà vu bien bien pire (idem pour le climat). On passe simplement d’un équilibre à un autre. A nous, toutefois, d’éviter que ce nouvel équilibre n’ait pas d’inconvénient majeur pour nous ou qu’il risque d’être moins homéostasique s’il y a perte de biodiversté. Soyons prudents et vigilants sans sectarisme.Ce sectarisme, cet extrémisme, a pour origine, je pense, des idées généreuses de gens qui n’ont malheureusement pas de vision synthétique des problèmes écologiques. Mais cela suppose de savoir faire des nuances et d’entrevoir la complexité des interactions, message difficile à faire passer dans une société où les visions simplistes voire manichéennes sont plus satisfaisantes pour l’esprit.
    Il faut donc continuer à dire que tout n’est pas aussi simple et rappeler ce qu’est l’écologie: la science qui étudie les rapports des êtres vivants avec leur environnement (milieu physique et autres êtres vivants).

  2. bonjour Jacques

    Grâce à la « magie » d’internet , j’ai la chance de faire partie des lecteurs de cette  » breve histoire des invasions biologiques  » qui , une fois le vertige face à cet impressionnant  » aperçu de l’ensemble de la question  » passé , apporte un sacré souffle d’énergie sur notre pauvre planète qui mérite , plus que jamais , ces regards vraiment brillants ( dans tous les sens du terme ) et tellement vivifiants !
    ce livre est pour moi un véritable hymne à l’Evolution qui aurait surement beaucoup plu à ce cher Théodore Monod .

    Bravo et merci . et surtout , bonne continuation
    Catherine

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