Un grand spécialiste de la flore médicinale africaine nous a quitté : hommage à Jean-Louis POUSSET

C'est avec beaucoup d'émotion que nous avons appris la disparition de Jean-Louis Pousset, une grande figure de la recherche sur les plantes médicinales africaines, décédé le 3 octobre 2011 à Paris à l'âge de 74 ans.

C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris la disparition de Jean-Louis Pousset, une grande figure de la recherche sur les plantes médicinales africaines, décédé le 3 octobre 2011 à Paris à l’âge de 74 ans.

Le professeur Jean-Louis Pousset dirigea à partir de 1979 le département de pharmacognosie et de botanique de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie de Dakar, succédant en cette chaire à un autre scientifique de talent, le Pr. Joseph Kerharo. En 1987, son contrat de coopération au Sénégal prenant fin, il rejoignit son laboratoire de rattachement à l’Université de Poitiers dont il ouvrit alors les portes à un grand nombre de chercheurs africains désireux se perfectionner en sciences de la vie. En 2002, contraint de quitter le Ministère de l’Enseignement pour cause de mise à la retraite, il fut accueilli au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris au sein duquel il continua d’œuvrer pour une meilleure connaissance des pharmacopées africaines. Durant sa brillante carrière, Jean-Louis Pousset a encadré un très grand nombre de doctorants, publié plusieurs dizaines d’articles et de mémoires et 3 ouvrages importants sur les plantes médicinales d’Afrique aux éditions Ellipses-A.C.C.T. (1989-1992) et Edisud (2004).

Plus qu’un simple collègue, Jean-Louis était mon ami. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1983 au Maroc où il venait passer des vacances avec sa petite famille. J’ai tout de suite aimé en lui sa passion du terrain, sa recherche du contact humain, son esprit pratique, sa simplicité, sa bonne humeur.

Nous nous sommes revus ensuite à maintes reprises soit chez moi au Maroc, nos familles ayant sympathisé, soit dans des congrès internationaux ; et quand, quelques années plus tard, j’ai dû m’expatrier en France, c’était souvent chez lui que je descendais lors de mes séjours parisiens.

L’Afrique l’habitait. Il en parlait sans cesse, s’attristait de ses difficultés à sortir du sous-développement, se réjouissait à chaque fois qu’une avancée vers la démocratie s’y faisait. Des idées et des sentiments que toute sa famille partageait. Comme le disait si joliment Monique, son épouse, ils étaient « black de l’intérieur ». Africain, Jean-Louis l’était, indiscutablement, par sa chaleur, par sa gouaille, par son rire communicatif, par sa capacité à fraterniser au quart de tour et jusque par ses cheveux qui étaient noirs frisottants et par son apologie de la lenteur.

Jean-Louis Pousset avait la passion de l’Afrique : il aimait ses savanes et ses forêts, la gentillesse et la débrouillardise de ses populations, la beauté des femmes noires, le port majestueux du boubou, le rythme des tam-tams et la musique des bars populaires sénégalais, le boniment racoleur des vendeurs à la sauvette ; il raffolait du poisson capitaine préparé à la manière casamançaise, du rôti de poulet-bicyclette, comme on appelle au Burkina-Faso la volaille élevée en plein air ; il s’amusait follement de la mauvaise foi du petit escroc pris la main dans le sac au milieu de la foule et expliquant que sa main s’était juste trompée de poche ; et il ne rechignait pas à voyager dans des taxis de brousse, trimbalé pêle-mêle avec de solides matrones, sur les pistes poussiéreuses du Sahel ; bref il aimait vivre à l’africaine tout en ayant conscience de n’être là-bas qu’un toubab !

De sa manière d’être et de ses tribulations en Afrique, nous nous amusions beaucoup tous les deux car c’était aussi un excellent camarade de sortie, un bon vivant et un gars drôle, maniant aussi bien la moquerie que l’autodérision, parfois sans retenue mais jamais avec méchanceté. Quand il en faisait trop avec ses blagues de potache, il m’arrivait de le traiter, m’en prenant à ses origines paysannes, de petit hobereau bouffon ou de moujik poitevin ; il s’empressait alors pour se venger de me rappeler la bataille de Poitiers, cette Beresina des Arabes, – s’amusait-il à dire, en appuyant là où ça fait mal – sans laquelle Notre Dame de Paris serait aujourd’hui une mosquée !

C’est vrai, Jean-Louis, tu as échappé de peu à la circoncision ! Mais quelle importance ? Dieu saura quand même reconnaître les siens !

Finalement, quand je pense à Jean-Louis, ce qui me vient d’abord à l’esprit, ce n’est pas tant le souvenir du scientifique émérite qu’il fut, – et pourtant il incarnait bien cet état, bien plus que d’autres qui n’avaient pas sa modestie – que les grandes qualités humaines qu’il possédait et la sincérité de son engagement. Il le disait d’ailleurs lui-même : nous avons beau conduire de belles recherches et produire quelques petites trouvailles utiles à notre palmarès, la science n’est que vanité, ce qui compte c’est ce qui vient après, c’est-à-dire ce qu’on en fait pour le bonheur des gens. Eh bien, cet humanisme-là, complété par un profond sens du concret, c’était aussi l’une de ses nombreuses vertus !

Bien que nous ayons partagé trente années d’amitié et de collaboration scientifique, je ne prétends pas avoir réussi à percer toute la complexité du personnage attachant que Jean-Louis était. Probablement parce qu’il avait aussi ses blessures et son jardin secret, que seule sa proche famille connaissait. Je n’ai pas réussi, notamment, à déchiffrer quelques-unes de ses analyses de l’actualité internationale. Je n’ai pas non plus été d’accord avec toutes les positions qu’il défendait sur les grands sujets de société. Et aujourd’hui encore, je n’ai toujours pas compris pourquoi, lui qui était plutôt aventurier de tempérament et qui détestait les petites natures, s’était tant investi affectivement dans un vieux yorkshire, poudré et enrubanné, qu’il emmenait partout avec lui, un petit roquet teigneux que j’ai failli écraser plusieurs fois par mégarde dans son appartement parisien et qui me détestait hargneusement. Comment lui, qui avait fait mai 1968 et qui avait crapahuté dans les environnements les plus sauvages de la planète pouvait-il s’amouracher à ce point de cette petite chose, un chien de bourge, un accessoire de starlette ? Mystère et boule de gomme ! Personnellement, tel que je croyais le connaître, je le voyais davantage tenter d’apprivoiser une antilope ou un lionceau qu’une bestiole d’intérieur.

Mais encore une fois, quelle importance ? On a le droit de mettre de la tendresse dans tout ! Et faut-il absolument tout connaître de quelqu’un pour l’avoir en estime ? Est-il absolument nécessaire d’être d’accord sur tout pour être frères ? Certainement que non ! Car c’est sur le respect de la diversité et de la différence de chacun qui se construisent les relations les plus durables !

Jean-Louis, il n’est malheureusement pas en mon pouvoir de donner ton nom à un amphithéâtre de faculté ou à une rue africaine ; mais, je le jure : si un jour, par chance, je découvrais une nouvelle espèce de notre continent, ou même une minuscule sous-espèce que personne n’a encore baptisée, c’est à toi que je la dédierai ! C’est le moins que l’Afrique puisse faire pour toi !

Va donc, mon ami ! Repose en paix dans ton paradis blanc ! Que la terre te soit légère ! Que ton âme soit au nombre des élues ! Dans notre tradition musulmane, Dieu envoie des houris accueillir les plus méritants. Tu verras : elles s’occuperont bien de toi !

Jamal Bellakhdar, chercheur en ethnobotanique

5 commentaires

  1. En effet, bel hommage.

    Passionnée des flores médicinales des pays du Sud, je me suis beaucoup nourrie des ouvrages et articles du Pr Pousset. J’apprends sa disparition avec le sentiment amer d’avoir perdu un maître à penser.

    Qu’il repose en paix.

  2. Yaoundé le 27 Juin 2020.

    Mr Jamal Bellakhdar,

    Avec des années de retard, je viens de voir un hommage fait sur lui.. Merci pour cet hommage à ce grand Monsieur, à ce grand visionnaire scientifique sur le développement des plantes d’Afrique tropicale subsaharienne.

    Jean Louis POUSSET fut mon enseignant, mon maître en Pharmacognosie il y’a près de 38 ans, et plus tard un conseiller. Il regrettait une chose: que ses anciens étudiants d’Afrique ne s’intéressa pas suffisamment aux plantes de leurs pays pour des applications thérapeutiques.
    Il était devenu un ami, et je le voyais soit à son appartement, soit au Muséum d’histoire Naturelle à Paris à la rue Buffon. Il m’a beaucoup encouragé à créer un laboratoire de plantes à Douala au Cameroun pour la mise au point des Phyto-médicaments à base de plantes Africaines et notamment Camerounaises.

    Merci encore Mr BELLAKHDAR pour cette reconnaissance à ce grand PROF.

    Dr Bertrand SANDJON
    Pharmacien-Chercheur-Ethnobotaniste
    Tel (+237)653851902

    1. Bonjour,
      Je cherche le contacte avec quellqu’un de son departement qui s’interesse des planntes medicinales africaines et travaillee avec le Prof Jean Luis Pousset
      car j’ai des recherches sur 500 plantes medicinales de l »Afrique – region Tchopo / Kisangani – / RDC /

      Merci por m’aidesser email
      Salutations

      Tade Jurkiewicz
      jurkiewicztade@hotmail.com

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