Pourquoi le figuier mâle se parfume en femelle ?

"Chérie, ne fais rien, je m'occupe de tout" est sûrement un des mensonges les plus répandus dans l'espèce humaine. En revanche, c'est une vérité chez le figuier méditerranéen, le seul que l'on retrouve sous nos latitudes tempérées et par conséquent le seul qui doit traverser un hiver. Le figuier mâle ne néglige aucun "effort" pour que les pollinisateurs réussissent leur mission : il les abrite, il les dorlote et... il les trompe. Voilà comment.

« Chérie, ne fais rien, je m’occupe de tout » est sûrement un des mensonges les plus répandus dans l’espèce humaine. En revanche, c’est une vérité chez le figuier méditerranéen, le seul que l’on retrouve sous nos latitudes tempérées et par conséquent le seul qui doit traverser un hiver. Le figuier mâle ne néglige aucun « effort » pour que les pollinisateurs réussissent leur mission : il les abrite, il les dorlote et… il les trompe. Voilà comment.

Comme beaucoup de ses congénères, Ficus carica dépend d’une espèce unique, une mini-guêpe nommée Blastophaga psenes, pour assurer la pollinisation. Il s’agit en fait d’un échange de bons procédés : en « récompense » du transport de pollen, le blastophage a le droit de pondre dans les figues… mais uniquement dans celles que fabriquent les figuiers mâles. Ces derniers jouent en effet le rôle de pouponnières à guêpes avec leur floraison de printemps. Alors que les figuiers femelles ne sont pas encore entrés en action, les mâles donnent leurs premières figues de l’année (celles-ci étant avant tout des sacs à fleurs). Attirés par l’odeur que les figues émettent, les insectes qui sortent de leur dormance hivernale viennent y pondre. La première assistance du figuier mâle à la perpétuation de son espèce est ainsi assurée : multiplier le nombre de pollinisateurs au moment de l’été.

Lorsque, à la saison chaude, les figuiers femelles se mettent à fleurir en produisant des figues, les mâles en font évidemment de même et l’on pourrait se dire qu’il n’y a plus qu’à attendre que les blastophages remplissent leur mission de transporteurs de pollen. Mais ce n’est pas si simple. Sur les centaines de milliers d’espèces de plantes à fleurs qui existent, Ficus carica appartient en effet aux quelque 7 500 espèces qui ne jouent pas franc jeu avec leurs pollinisateurs. Le figuier femelle n’accorde aucune récompense aux guêpes, pourtant porteuses de pollen, qu’il attire par son odeur : il ne les laisse pas pondre à l’intérieur des figues car c’est l’endroit qu’il réserve à ses propres fruits. Les blastophages ne peuvent y pénétrer et meurent sans avoir déposé leurs œufs. Pas besoin d’être grand botaniste pour s’apercevoir qu’il y a là un risque évolutif majeur pour la plante si uniquement les mâles pratiquent le mutualisme avec le pollinisateur. Le danger est que les guêpes visitent seulement les figuiers mâles et délaissent les arbres femelles.

– Lire la suite de l’article de Pierre Barthélémy du 8 août 2012 sur le blog Passeurdesciences.blog.lemonde.fr

– Accéder à l’étude Evidence for intersexual chemical mimicry in a dioecious plant de Soler, C. C. L., Proffit, M., Bessière, J.-M., Hossaert-McKey, M., Schatz, B. (2012) Ecology Letters, 15: 978-985. doi: 10.1111/j.1461-0248.2012.01818.x sur onlinelibrary.wiley.com

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Photo d’illustration Ficus carica L. par Mathieu Menand licence CC (by-sa). Illustration tirée de la galerie du Carnet en ligne.

5 commentaires

    1. Vous faites erreur, Gérard. Le figuier méditerranéen est dioïque et c’est d’ailleurs spécifié dans le titre en anglais de l’étude.
      L’utilisation des mots « mâle » et « femelle » est donc parfaitement justifiée.

    2. Bonjour.
      Je me permets d’ajouter quelques précisions. Le figuier méditerranéen est morphologiquement monoïque. Sa dioécie est fonctionnelle. L’inflorescence du figuier (figue ou sycone), contient aussi bien des fleurs femelles que des fleurs mâles. Chez le caprifiguier,les fleurs femelles sont brévistilées (les blastophages peuvent donc pondre à l’intérieur de l’ovaire) les étamines ne se développent que lorsque les blastophages atteignent le stade adulte. Ce phénomène, qui se nomme protogynie, permet au blastophages adultes de transporter le pollen et de féconder les fleurs femelles (dont les fleurs mâles ou staminodes sont stériles) du figuier femelle. Pour résumer le caprifiguier comporte des fleurs mâles et femelles fonctionnelles, mais dont la maturité est décalée dans le temps, alors que le figuier femelle ne comporte que des fleurs femelles réellement fonctionnelles (de plus, elles sont longistylées, ce qui les empêches d’être parasitées). Je trouve cet exemple de coévolution entre le blastophage et le figuier très beau, original et poétique.

  1. L’article du Monde se termine par le commentaire « Déjà fascinantes, les relations entre plantes et insectes atteignent, avec ce cas original de mimétisme chimique, un incroyable niveau de complexité. »

    Ceci est un jugement de valeur. L’univers ne fait rien de compliqué. Les humains ont juste un petit cerveau.

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