Les origines de la pomme
DVD / « Les origines de la pomme ou le jardin d’Eden retrouvé », le film de Catherine Peix diffusé sur ARTE le 10 mai 2010 (voir l’article) est disponible auprès de l’association ALMA des Amis d’Aymak Djangaliev pour la sauvegarde de Malus sieversii.
Plusieurs lecteurs nous avaient demandé s’ils pouvaient acquérir le DVD du fabuleux reportage de Catherine Peix sur l’origine de la pomme que nous consommons. C’est chose possible en allant sur le site le site de l’association ALMA.
Malus sieversii, l’ancêtre vivant de toutes les pommes cultivées
Pour comprendre l’histoire de Malus sieversii il est nécessaire de savoir que jusqu’en 1989 -année de la chute du mur de Berlin- tous les travaux réalisés par des chercheurs soviétiques, étaient inconnus du monde occidental.
On supposait alors que nos pommiers cultivés descendaient de pommiers sauvages disséminés dans la grande forêt de feuillus couvrant l’hémisphère Nord.
Les fruits de ces Pommiers petits et amers faisaient le régal des oiseaux et des petits mammifères, mais pas des humains.
Mais lorsqu’en 1989 le généticien Herb Aldwinckle se rend au Kazakhstan, il découvre d’immenses forêts de pommiers sauvages ne présentant aucuns éléments de comparaison avec les arbres solitaires d’occident.
Leurs fruits d’une étonnante biodiversité, sélectionnés pour leurs qualités par les ours pendant des milliers d’années, sont à la fois plus gros et sucrés.
Fort de cette découverte, il s’aperçoit que deux éminents chercheurs Nicolaï Vavilov et Aymak Djangaliev s’étaient bien avant lui penchés sur ce phénomène unique.
Dès 1929, le russe Vavilov affirme que le Tian Shan est le centre de l’origine de la pomme, et Aymak Djangaliev son disciple consacrera sa vie au recensement et à l’étude des pommiers Malus sieversii.
Le fin mot de cette histoire sera apporté par le généticien Barrie Juniper en 2002. Grâce à des outils moléculaires il démontre que Malus sieversii, la pomme du Kazakhstan, est à l’origine de toutes les pommes cultivées.
Boostée par ces révélations, une équipe européenne dirigée par Velasco fournira la preuve irréfutable de cette origine à l’aide du séquençage du génome complet de la pomme fin 2009.
La route de la pomme
Partie du Kazakhstan, cette pomme voyage depuis plus de 10 000 ans avant notre ère. Portée par les nomades puis par les caravanes de la route de la soie, au gré des guerres et des migrations de populations. Elle traverse les civilisations de l’antiquité, croise les Perses et les Grecs et arrive en Gaule par les Romains. Fruit illustre de la renaissance cette pomme atteindra les rives du nouveau monde à bord des caravelles des grands explorateurs.
Les particularités de Malus sieversii
1-milieu naturel :
Les pommiers Malus sieversii évoluent en bord de steppe et dans les piémonts jusqu’à 2400 m d’altitude. Ils sont soumis aux rigueurs de l’hiver -40°C dans le nord et de l’été chaud et très sec dans le sud +40°C.
2- une sexualité débridée assure sa biodiversité :
Le Malus sieversii a besoin d’un partenaire sexuel pour se reproduire. Comme chez les humains chaque individu arbre est unique. Cette diversité se retrouve dans la forme et la taille des arbres mais aussi dans les fruits. Un arbre aux pommes rouges pousse au voisinage d’un autre aux fruits verts, une petite grappe jaune se trouve à quelques mètres de mastodontes bigarrés. Avec les pommes sauvages du Kazakhstan se déploie une incroyable diversité de couleur, de taille et de goût.
3- une résistance hors-norme aux maladies :
Habituée à vivre à l’état sauvage depuis des millions d’années selon les principes de la sélection naturelle, les Malus sieversii ont su développer des résistances aux maladies notamment celles qui frappent aujourd’hui nos vergers modernes tels la tavelure, l’oïdium et le redoutable feu bactérien. Ces pommiers sauvages sont donc une alternative aux pommes industrielles qui aujourd’hui nécessitent plus de 36 traitements de pesticides par an pour êtres commercialisées.
Un patrimoine mondial en péril
Politique de destruction initiée par l’URSS, ignorance, déforestation sauvage, urbanisation tous azimuts : 70% des forêts de pommiers sauvages ont déjà disparu. La vaste forêt primitive se réduit comme une peau de chagrin, emportant avec elle un patrimoine génétique inestimable. Et la prise de conscience se fait attendre… Les pommiers sauvages disparaissent progressivement dans l’indifférence générale. Avec la mort de Djangaliev, ils ont perdu son plus actif défenseur.
Daniel Mathieu