De la plante au médicament
Comment le protocole de Nagoya prétend changer le rapport de force entre les pays du sud, riches en biodiversité, et les pays du nord, dont l’industrie pharmaceutique tire profit.
De l’aspirine aux anticancéreux, le monde végétal a apporté à l’industrie pharmaceutique la matière première à la fabrication d’une grande partie de ses médicaments. Derrière ce juteux marché se dessine pourtant un déséquilibre géographique : d’un côté, la biodiversité à la source des substances actives se concentre dans les pays du Sud ; de l’autre, les centres de recherches et laboratoires pharmaceutiques se situent plutôt dans ceux du Nord. Gardiens de la biodiversité contre gardiens des technologies : c’est du moins avec cette représentation du monde qu’a été adopté, en 2010, le protocole de Nagoya.
Cet accord international, qui encadre l’accès aux ressources naturelles et le partage de ses bénéfices, entre en vigueur, dimanche 12 octobre, après avoir été ratifié par plus de cinquante Etats et par l’Union européenne – en l’absence notable des Etats-Unis. La France attend pour l’entériner l’adoption de son projet de loi sur la biodiversité, qui doit poser les bases du dispositif national, après les débats parlementaires prévus cet automne.
Que dit le protocole de Nagoya ? Il s’applique aux « ressources génétiques » – de la plante à l’extrait ou à la molécule qui en sont directement issus -, mais aussi aux savoirs locaux qui leur sont associés – en l’occurrence ceux de la médecine traditionnelle. L’accès à ces ressources doit désormais faire l’objet d’un contrat garantissant le consentement éclairé du fournisseur, et d’un accord internationalement reconnu, qui prévoit le partage « juste et équitable » des avantages si elles aboutissent à un produit mis sur le marché.
Ce cadre commercial est l’un des trois grands objectifs, aux côtés de la conservation et de l’usage durable de la biodiversité, posés par la Convention sur la diversité biologique lors de son adoption en 1992, au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro. A cette époque, le marché de la biodiversité fait miroiter aux pays du Sud de formidables retombées grâce à l’essor des biotechnologies, notamment dans le domaine pharmaceutique – à condition de se prémunir de la biopiraterie. « En parallèle, les mouvements autochtones se développent et trouvent dans ces négociations une rare occasion de faire entendre leur voix », explique Catherine Aubertin, chercheuse à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Vingt ans plus tard, le protocole de Nagoya peut-il encore tenir ses promesses ? Pour le savoir, passage en revue de l’industrie des médicaments à base de plantes.
Un dossier Le Monde Planète, 11/10/2014, Texte : Angela Bolis,
Photos et vidéos : Antonin Sabot, à lire sur lemonde.fr
——–
Photo d’illustration : Chamaemelum nobile 002, par H. Zell – Travail personnel, Fleurs de camomille romaine. Chamaemelum nobile, Asteraceae, Roman Camomile, Chamomile, Garden Camomile, Ground Apple, Low Chamomile, English Chamomile, inflorescence; Botanical Garden KIT, Karlsruhe, Germany. The fresh aerial parts of the blooming plant are used in homeopathy as remedy: Chamomilla romana (Cham-r.), licence CC BY-SA 3.0 via wikimediacommons