Les femmes dans la Botanique : Agnès Arber, une grande botaniste au début du 20e siècle

Malgré des critiques récurrentes, son œuvre reste remarquable par sa dimension pluridisciplinaire mais aussi au vu des difficultés qu'elle a rencontré au long de sa carrière en tant que femme. À la fois d'une grande rigueur scientifique quant au domaine de la morphologie, mais aussi d'une grande sensibilité à la pluridisciplinarité qui l'a amené à intégrer des aspects historiques et philosophiques voire même une touche artistique par ses dessins et son écriture.

Agnes Robertson Arber (1879-1960) était une botaniste britannique qui a principalement travaillé sur la morphologie des plantes, puis plus tard dans sa carrière sur l’histoire et la philosophie de la biologie. Née à Londres elle a vécu et étudié principalement à Cambridge.

Sa condition de femme desservant sa carrière

En ce début du 20ème siècle, faire des recherches scientifiques et obtenir la reconnaissance de ses pairs était compliqué pour une femme. Tout au long de sa vie, Agnes Arber fut contrainte dans ses travaux par sa condition féminine Dans sa jeunesse,c’est par chance que son intérêt pour la botanique se développe grâce au fait que son lycée était particulièrement attaché à l’instruction scientifique, chose assez rare dans les lycées de filles à cette époque.

Ensuite, elle étudie à l’université de Cambridge qui ne délivre pas de diplôme aux femmes. Elle devra donc retourner à l’université de Londres pour valider ces années et compléter son doctorat en 1905.

Après ses études, elle a put travailler dans le laboratoire privé d’une autre femme botaniste : Ethel Sargant. Elle continuera par la suite ses recherches au laboratoire Balfour, un centre pour femmes chercheurs et étudiantes. Après sa fermeture en 1926, elle se verra refuser l’accès au laboratoire de l’École Botanique et s’installera dans une arrière-salle de sa propre maison pour réaliser ses recherches.

Elle perd son mari alors qu’elle a des enfants en bas âge; elle vivra le reste de sa vie avec des revenus faibles. Elle louera une maison petite et vétuste où elle réalisera ses travaux dans la salle à manger avec ses enfants… Il est marquant de savoir que lors de sa mort, sa maison était l’une des rares à Cambridge à ne pas être équipée de l’électricité.

Agnes Arber entourée de Geologues (Sep. 1910 photo by E. A. Newell Arber)
Agnes Arber entourée de Geologues (Sep. 1910 photo by E. A. Newell Arber)

Une oeuvre critiquée mais remarquable

Malgré ces conditions, Arber apporta de grandes contributions dans le domaine de la botanique.
Ses recherches se sont spécifiquement centrées sur les plantes à fleurs; elle a en particulier beaucoup participé au développement de la recherche en morphologie au 20ème siècle. Puis durant la seconde Guerre Mondiale, les travaux en morphologie devinrent compliqués à mettre en œuvre; ses recherches prirent une orientation plus philosophique et historique.

Au cours de sa vie elle produisit plus de 226 publications dont 93 articles et plusieurs ouvrages dont les principaux sont :

  • Nehemiah Grewand the study of plant anatomy (1906)
  • Herbals: Their Origin and Evolution (1912)
  • Water Plants : A Study of Aquatic Angiosperms (1920)
  • Monocotyledons:A Morphological Study (1925)
  • The gramineae : A study of Cereal, Bamboo and Grass (1934)
  • The Natural Philosophy of Plant Form (1950)
  • The Mind and The Eye : A Study of a Biologist’s Standpoint (1954)

Agnes Arber a toujours cultivé une fascination pour l’oeuvre de Goethe et son idée d’unité fondamentale sous-tendant la diversité des plantes. Ainsi elle publiera en 1945 une traduction doublée d’un commentaire : « Attempt to interprete the Metamorphosis of Plants » .

Elle fut souvent critiquée pour sa tendance à dénigrer les questions d’évolution. Pourtant elle ne remet pas en cause le concept même d’évolution, mais considère la théorie de la sélection naturelle comme insuffisante pour expliquer la diversité du monde végétal.

Beaucoup de ses points de vue étaient controversés à l’époque et sont aujourd’hui considérés comme totalement invalides.

Cependant son oeuvre continue à avoir une grande valeur en morphologie ainsi que ses observations historiques et philosophiques. Mais c’est aussi son style d’écriture qui est remarquable, car elle arrive à la fois à être factuelle et particulièrement intéressante.

Enfin la qualité de ses ouvrages tient aussi à ses talents artistiques qui lui permettent de fournir de très nombreuses illustrations (plus d’une centaine par livre pour certains) de grande qualité, présentant jusqu’à 20 parties de la plante sans que les pages ne soient trop denses ni chaotiques.

Myriophyllum verticillalum et Anatomie de la feuille de Pontederiaceae par Agnes Arber
Myriophyllum verticillalum et Anatomie de la feuille de Pontederiaceae par Agnes Arber

Conclusion

Agnès Arber fut la première femme botaniste à être élue membre de la Royal Society à 67 ans (1946) et la troisième toutes catégories confondues. Elle a aussi été la première femme à recevoir la médaille d’or de la Linnean Society of London à 69 ans (1948) pour ses contributions en Botanique.

Le fait même qu’Agnes Arber obtienne une reconnaissance scientifique en l’absence de poste universitaire est une preuve, s’il en fallait, de la qualité de son oeuvre.

En savoir plus

Illustrations

  • Agnes Robertson Arber (23 February 1879 – 22 March 1960), British plant morphologist and anatomist, historian of botany and philosopher of biology. Photograph taken in 1916 or 1917. par Anonyme. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons
  • Myriophyllum verticillalum par Agnes Arber dans Water Plants : A Study of Aquatic Angiosperms (1920)
  • Anatomie de la feuille de Pontederiaceae par Agnes Arber dans Water Plants : A Study of Aquatic Angiosperms (1920)

2 commentaires

  1. Un aspect de cette auteure qui me semble particulièrement important est la qualité de sa bibliographie, tant historique que via les collaborations avec ses contemporains, et ceci dans diverses langues. Ses démarches et son savoir dans ses publications sont à réhabiliter auprès de nombreuses personnes qui publient en botanique en l’ayant oubliée.

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