Glanes étymologiques : anacardium
L’étymologie proposée pour anacardium m’a longtemps laissé insatisfait. Dire que le fruit du cajou a « un cœur au-dessus » ne me semblait pas pertinent pour un fruit en forme de virgule ou de rognon.
Il convient d’abord de préciser que, chez l’anacardier, le vrai fruit est appelé « noix de cajou », alors que c’est le pédoncule renflé et charnu qui est perçu comme un fruit, la « pomme cajou ». Effectivement, le fruit apparaît comme un noyau situé en-dehors du fruit.
J’avais vaguement lu que notre anacardier, Anacardium occidentale, s’appelait ainsi parce que les botanistes connaissaient auparavant un Anacardium orientale. Cette espèce est maintenant Semecarpus anacardium, et appartient aussi aux Anacardiacées. Or son fruit séché est un article du commerce de l’Inde au monde musulman. On extrait du fruit une encre noire insoluble à l’eau, et dont les blanchisseurs marquent le linge, d’où son nom de « noix de marquage ».
Les Grecs l’ont appelé anakardion au Moyen-Age, ce qui convient parfaitement, car on commercialise ce fruit avec son pédoncule renflé, et il a bien une forme de cœur, et non de virgule. Ce que j’ignore, c’est pourquoi les Européens n’ont pas simplement adopté le nom d’origine sanscrite, baladur, qu’on trouve en persan, en arabe et en turc. Si ce nom vous paraît familier, rien d’étonnant : on savait l’ancien premier ministre français Edouard Balladur originaire de Smyrne. On peut affirmer que l’un de ses ancêtres était un droguiste levantin qui vendait des noix de marquage, ou un blanchisseur qui en utilisait.
Morale de l’histoire : l’origine d’un nom de plante n’est pas toujours à chercher dans la plante qui porte ce nom aujourd’hui. Il faut souvent remonter dans le temps et regarder du côté de la botanique de l’antiquité, du Moyen-Age et de la Renaissance.
On trouvera les détails techniques et les liens vers les textes anciens sur Pl@ntUse.
5 commentaires
Passionnant, comme toujours ! Merci Michel !
Bonjour,
Merci d’avoir partagé vos réflexions à propos de cette famille.
Je suis praticienne en médecine ayurvédique et je m’intéresse à la variété semecarpus anacardium, que l’on nomme en Ayurveda « Bhallataka ».
Cette plante très intéressante au niveau thérapeutique me laissait désabusée, car je n’en trouvais aucune trace sous forme de gélule, de poudre ou autre préparation.
Alors, j’ai commencé mes recherches et voici le fruit (!) de mes découvertes :
Un médecin allergologue sur doctissimo nomme le semecarpus anacardium, noix de cajou et précise qu’il ne faut pas le confondre avec l’anacardier occidental, alors que j’ai lu également que c’est précisément l’anacardier occidental qui donne la noix de cajou, l’anacardier oriental, donnerait quant à lui, la noix de marquage (encre noire indélébile).
D’appellation en appellation, voici toutes celles que j’ai trouvées : Godambee semecarpus, anacardier, noix de cajou, noix de marquage (noir indélébile); pommier cajou; anacardium oriental, anakardion….
Pourriez vous s’il vous plait, m’aider à démêler le faux du vrai. J’ai besoin de savoir si mes patients doivent plutôt manger des noix de cajou ou consommer le fruit séché nommé Godambee semecarpus 😉 Cette famille recelant des plantes particulièrement toxiques (je comparerait avec les solanacées), j’ai besoin de certitudes.
Merci beaucoup, vraiment !!!!
Botaniquement vôtre,
Bonjour,
Regardez la page de Pl@ntUse :
https://uses.plantnet-project.org/fr/Semecarpus_anacardium
Vous y verrez que bhallataka est l’un des noms sanscrits de Semecarpus anacardium. Je ne suis pas près de ma bibliothèque, et ne peux pas vous en dire plus. Mais il est certain que le fruit ayurvédique est bien cette espèce, et pas la noix de cajou ou la pomme cajou, fruit d’Anacardium occidentale.
Dans ces espèces, le vrai fruit est ce qu’on appelle la « noix », et la partie charnue est le pédoncule renflé. C’est probablement elle que l’on utilise.