Compte-rendu de la balade en forêt de Grésigne du 9 décembre 2018

La forêt de Grésigne, dans le Tarn, est un espace fragile à protéger, elle présente une riche biodiversité avec une faune remarquable, dû entre autres à un massif peu fragmenté par des infrastructures humaines favorisant les interactions entre les différents écosystèmes et habitats. En 1994, l’ONF a créé une réserve biologique érigée sur le dôme de Montoulieu où se trouvent les plus vieux peuplements et les espèces les plus remarquables de coléoptères saproxyliques.

Le dimanche 9 décembre s’est déroulée la dernière balade naturaliste de l’année, sur le thème des Arbres et de la Forêt.

Le choix du lieu : « La forêt de Grésigne » dans sa partie Nord-ouest, s’étend sur une forêt domaniale de 3500 hectares, à laquelle s’ajoutent des parcelles privées qui doublent son étendue. Le temps de l’après-midi a été frais mais agréable, la pluie nous a épargné ». Une balade en milieu forestier est tout bénéfice pour nos sens et notre santé. Les 26 participants malgré une température un peu frisquette ont trouvé ces 2 heures passées au milieu des arbres dont certains sont centenaires, enrichissantes à tous les niveaux.  Le sujet abordé concernait la diversité biologique, le visible et l’invisible du vivant.

La forêt domaniale de Grésigne (qui tire son nom du mot grès), ancienne forêt royale réputée depuis le 16ème siècle. Lors des dernières décennies, elle a pris une valeur toute particulière auprès des naturalistes depuis que Jean RABIL (1992) en a révélé l’exceptionnelle richesse entomologique, en particulier une colonie importante d’espèces de coléoptères saproxyliques.

Cette valeur entomologique remarquable lui a valu d’être désignée Natura 2000 au titre de la directive européenne Habitats, a suivi la mise en place d’un nouvel aménagement forestier (2004-2021) avec la mise en place d’une gestion de la biodiversité assurant une valorisation et une pérennisation des espèces à très forte valeur patrimoniale comme le Taupin violacé (Limoniscus violaceus), le Grand capricorne (Cerambix cerdo), le Lucane cerf-volant (Lucanus cervus) et également d’autres espèces saproxyliques très rares qui fréquentent les bois cariés.

On doit à Jean RABIL entomologiste autodidacte le premier inventaire de coléoptères de la forêt de Grésigne. Entretenant avec celle-ci une relation quasi passionnelle dans laquelle il prospecte deux fois par semaine pendant plus de trente années. À 86 ans, il publie (1992) sous le titre « Ah cette Grésigne ! », un catalogue dans lequel il liste 2375 espèces de coléoptères. Interpellant régulièrement l’ONF gestionnaire de la forêt, sur le sort réservé aux vieux chênes, il conduit d’autres entomologistes, naturalistes à s’intéresser à la forêt et la préservation de son patrimoine entomologique. C’est dans ce conteste que Claude Torossian professeur d’entomologie à l’université Paul Sabatier de Toulouse, et la Société de Sciences Naturelles de Midi-Pyrénées proposent la création de plusieurs réserves biologiques.

En 1994, l’ONF s’engage alors dans la création d’une réserve biologique érigée sur le dôme de Montoulieu où se trouvent les plus vieux peuplements et où les espèces les plus remarquables de coléoptères saproxyliques avaient été trouvées. La mise en place d’une gestion appropriée, d’études, de suivis scientifiques ont permis de préserver ces arthropodes au titre de directive habitat. Aujourd’hui, le nombre d’espèces connues de Coléoptères s’élève à 2483, l’inventaire continue…

Dans les objectifs Natura 2000 des mesures ont été définies afin de préserver, pérenniser la population entomofaune saproxylique de la forêt avec la conservation de peuplement d’arbres au stade sénescent et de bois mort debout (volis) et bois au sol (chablis); ainsi qu’une gestion forestière orientée « insectes ».

La forêt de Grésigne possède une faune remarquable dont des espèces d’intérêt communautaire chez les mammifères, les insectes ou encore les crustacés. L’inventaire de chaque espèce serait trop long pour un texte d’information, de sensibilisation.

Une vingtaine de chauve-souris ont été recensées, 19 sont d’intérêt communautaire (inscrites en annexe II ou IV de la directive « Habitats »).

La diversité des milieux permet à un cortège d’oiseaux forestiers de trouver habitat et nourriture. Le Busard St Martin, le Circaète Jean le blanc spécialisé dans la chasse aux reptiles, L’Aigle botté chassant dans les milieux ouverts, nichant sur de gros arbres, le rare Pic, le Pic noir, la Bécasse des bois, L’Autour des Palombes est forestier chassant les passereaux et des micro-mammifères, il niche dans les arbres creux. La présence de ces espèces, pour certaines remarquables au titre de la directive européenne « Oiseaux », a valu la désignation d’une « zone de protection spéciale » dont la forêt de Grésigne constitue le cœur forestier.

La forêt de Grésigne possède une population isolée d’Écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) qui se maintient dans les petits ruisseaux de la forêt malgré des étiages très sévères certaines années. L’habitat de l’espèce correspond aux cours d’eau bien oxygénés exempts de toute pollution, au sein desquels elle recherche des abris apportés par les sols caillouteux, les blocs ou le bois mort dans l’eau. Inscrit en annexes II et IV de la directive « Habitats », en annexe III de la convention de Berne et protégé nationalement par l’arrêté du 21 juillet 1983, sa préservation constitue un enjeu majeur sur le site d’autant plus qu’elle est généralement en régression dans de nombreuses régions de plaine et dans les larges vallées d’Europe.

Ensuite une population d’invertébrés comme les reptiles et les amphibiens enrichissent la forêt et sa valeur patrimoniale.  Le cycle de vie des amphibiens est composé d’un état larvaire aquatique et d’un état adulte terrestre, favorisé par la diversité des habitats aquatiques.

Il reste à établir plusieurs inventaires concernant la flore de la forêt, les mousses (Bryophytes), des Hépatiques (Marchantiophytes), des fougères (Ptéridophytes). Dans ce domaine, notre association a commencé à prospecter du côté des milieux humides et le long des ruisseaux côté Est l’Audoulou avec des alternances sur le ruisseau de Beudes à l’Ouest.

Concernant les Lichens et les champignons lichénicole un inventaire partiel a été réalisé par M Clother COSTE en 2012, 6 parcelles sur 171 ont été prospectées, ce travail incomplet est donc à poursuivre.

Conclusions

Suite à la balade naturaliste que l’association a organisée le 9 décembre, j’ai tenu à écrire ce texte pour informer les éventuels lecteurs d’ici et d’ailleurs qui s’intéressent à la nature, aux forêts, de l’importance de la forêt de Grésigne. C’est un espace fragile à protéger, elle présente une riche biodiversité avec une faune remarquable, dû entre autres à un massif peu fragmenté par des infrastructures humaines favorisant les interactions entre les différents écosystèmes et habitats.

En nombre total d’espèces, saproxyliques ou non, — pourtant relativement très petite — la forêt de Grésigne se place alors au 3e rang européen derrière le massif de Fontainebleau 3 545 espèces sur environ 29 000 ha (Cantonnet et al., 1997 ; Casset, communication personnelle) et la réserve de Bialowieza en Pologne 2 884 espèces sur environ 150 000 ha (Gutowski et Jaroszewicz, 2001).

Christian Conrad Naturaliste
Association APIFERA, Pour la connaissance et la préservation de la Nature

Bibliographie :

  • Jean-Jacques Ducasse – Hervé Brustel « Ah, cette grésigne ! » : de Rabil à Natura 2000. PDF 2008
  • Inventaire national du patrimoine naturel-ZIENNF 730003036 Forêt de Grésigne. MNHN 2003-2018
  • Christian Conrad- inventaire Bryophytes – Marchantiophytes – BD. AA 2013-2018

3 commentaires

  1. La commune de Turgon (16) présente également un important intérêt au niveau biodiversité, en particulier du point de vue éco-entomologique : présence du grand Capricorne, chiroptères, avifaune. Malheureusement, la société « Compagnie du Vent », devenue ENGIE GREEN, a obtenu les autorisations pour implanter une zone éolienne, avec 5 aérogénérateurs géants. Les houpiers vont donc être rabattus à 10 m et laissés au sol, soi-disant pour permettre aux animaux de s’éloigner. Ce sera donc du plus bel effet à tous points de vue. 82% de la population s’est opposé, mais que pèsent de petits ruraux face à une multinationale bénéficiant du relais politique EELV ?

    1. Il vaut mieux des éoliennes que des pavillons avec piscines,chez moi dans le quercy,le libre arbitre des élus locaux en matière de développement à transformé ma commune de 4400 ha ,paradis naturel,en vaste lotissement où tout le monde y est allé pour proposer du terrain à batir.Bilan,des familles en pleine campagne ayant aucunes relation avec la nature mais obligées de s’y installer car le PLU à désigné ces terrains,le plus souvent ceux des copains…Il ne faut pas s’étonner ensuite d’avoir affaire à des gens aigrit,sùr de s »etre fait avoir lorsqu’ils reçoivent la feuille d’impots et de ne plus observer les espèces d’oiseaux,de mammifères,poissons,papillons…

  2. A l’époque où les populations humaines d’Europe vivaient en équilibre avec leur milieu, la Grésigne abritait de nombreuses verreries. On fabriquait du verre avec le fameux sable gréseux du sol. Ce verre a une particularité: son incomparable couleur vert-bleu. On pense que celle-ci était due à de la cendre de fougères qu’on ajoutait à la pâte de verre, dans une proportion dont la recette s’est perdue…

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