Indomptables mal-aimées

Dans le cadre de notre appel à rédaction d’articles sur le thème des herbes folles, Béatrice Fehringer nous propose un texte sur les fleurs sauvages qu'elle a observées en milieu rural tout au long de l'année.

Indomptables mal-aimées

On les appelle adventices, herbes folles, mauvaises herbes et dans le meilleur des cas, fleurs sauvages… je les trouve fascinantes ! Elles font partie de notre quotidien, pourtant, la plupart des gens passent à côté sans voir leur beauté délicate ou flamboyante, leur extraordinaire capacité d’adaptation ou leur utilité. Alors je vais vous les décrire telles que je les vois quand elles m’apparaissent au fil des saisons, dans toute leur singularité.

Commençons par le commencement, l’abondance du printemps !

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Le mois de mars marque le début de la belle saison, le réveil de la nature et l’apparition de la ficaire (Ranunculus ficaria) que les températures encore fraîches et les timides rayons du soleil, ne découragent pas. Avec ses pétales d’un jaune d’or lumineux et ses feuilles lustrées en forme de cœur, comment ne pas remarquer cette étincelante petite fleur à la sortie de l’hiver lorsqu’elle s’installe en colonies serrées dans les prairies, les vergers ou en forêt.

 

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C’est en avril que la dame d’onze heures (Ornithogalum umbellatum) entre en scène, toute en élégance, parée de sa belle corolle de pétales blancs à l’intérieur, verts à l’extérieur, rappelant les robes d’apparat des belles élégantes d’antan. Comme toutes les désirables, elle nous offre une brève floraison d’environ 2 mois.

 

 

 

 

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Les Orphrys sont d’étonnantes petites orchidées sauvages qui fleurissent en mai. Jusque-là, rien d’extraordinaire… Ce sont pourtant de fins stratèges ! Dépourvus de nectar, ils imitent la forme et les couleurs d’un pollinisateur femelle tel qu’un bourdon, une abeille, une mouche afin d’attirer le mâle qui, trompé par le subterfuge, se frotte sur la fleur et se couvre de pollen qu’il ira disséminer sur une autre fleur. C’est digne d’un agent secret sous couvert, à la recherche d’informations capitales !

 

 

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En juin, le célèbre et très apprécié coquelicot (Papaver roheas) symbolise la fleur sauvage dans toute sa poésie. Ses pétales froissés d’un rouge écarlate rappelant le papier crépon de notre enfance, forment une belle mais fragile corolle au sommet d’une tige dont la courbe poilue ondule au gré du vent ! Lorsqu’il colonise un espace, qu’il s’agisse d’une friche, d’une prairie ou d’un jardin, il nous offre un spectacle merveilleusement romantique !

 

 

 

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Une de mes fleurs préférées est la reine des prés (Filipendula ulmaria). Plutôt noble campagnarde que royale châtelaine, elle affectionne particulièrement les terrains humides notamment les berges des cours d’eau. Ses minuscules et nombreuses fleurs crème d’où s’élancent de fines étamines, composent un ensemble vaporeux et subtilement parfumé qui envoûte le promeneur. Comme toutes les sauvageonnes, sa beauté n’est pas son seul atout, elle se fait aussi guérisseuse à ses heures ! Ses propriétés médicinales soulageraient en effet, les maux de tête et soigneraient les refroidissements. Elle contient de l’acide salicylique qui synthétisé, est commercialisé sous le nom d’aspirine. Bref, une grande dame aux grandes vertus !

 

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Août est un mois difficile pour les plantes qui sont souvent en manque d’eau. Une contrainte qui pousse la chicorée sauvage ou chicorée amère (Cichorium intybus) à déployer un système racinaire profond et puissant lui permettant de capter les précieux nutriments nécessaires à sa survie. Pour la petite histoire dans la Grande, la racine grillée et moulue, de cette jolie fleur d’un bleu très lumineux, remplaçait le café pendant la seconde guerre mondiale. Vous vous êtes peut-être déjà régalé avec sa cousine l’endive (Cichorium endivia), consommée crue en salade ou cuite braisée…c’est délicieux !

 

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Parmi ces végétaux aux pouvoirs extraordinaires, Il y a aussi les très mal-aimées, notamment des jardiniers qui s’épuisent à les arracher et rêvent de les éradiquer une bonne fois pour toute. A l’instar du liseron des champs (Convolvulus arvensis) dont la tige s’enroule autour de ses voisines (parfois horticoles) jusqu’à l’étouffement…un des travers des personnalités possessives ! Ce défaut certes ennuyeux, nous détourne pourtant de l’une de ses qualités, la beauté délicate et éphémère de sa fleur blanche en corolle teintée de rose, son cœur jaune poudré et ses étamines violacés, ouverte le temps d’une journée ensoleillée pour le bonheur des syrphes qui en raffolent. Observez-la attentivement entre juin et octobre dans votre jardin, une prairie telle une danseuse classique, fragile et émouvante mais imposant le respect par sa remarquable résistance.

 

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La Véronique de perse (Veronica persica) fleurit, quant à elle, presque toute l’année, une irréductible ! Sa jolie fleur aux pétales bleus à rainures blanches peut facilement passer inaperçue au regard de sa petite taille et de sa tendance à rester au ras du sol avec sa tige couchée. Mais une fois qu’on l’a remarquée, on ne peut plus l’oublier et on s’émerveille de ce beau bleu profond et intense qui teinte la fin de l’automne, comme l’ultime coup de pinceau de l’artiste.

 

 

 

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L’année se termine sur l’intemporelle et incontournable Bellis perennis. Cette belle pérenne mieux connue sous le petit nom de pâquerette, n’est presque plus à présenter ! Je l’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie car elle nous offre presque toute l’année, une fleur aux pétales blancs ligulées et jaunes tubulés sur une tige légèrement poilue qui s’échappe d’une rosacée de feuilles basales. Reconnaissons qu’elle est à toute épreuve, piétinements et tontes à répétition ne l’empêchent pas de renaître, non pas de ses cendres comme le Phoenix mais de ses racines ! L’une des rares à tenir compagnie à la Véronique de Perse pendant le mois de décembre.

 

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Chaque nouvelle année apporte joie festive, bonnes résolutions et selon les régions, des épisodes neigeux. C’est pourtant la période du bien nommé perce neige (Galanthus nivalis) qui fleurit de janvier à mars. Avec ses poétiques clochettes lactées, ses tiges et ses feuilles d’un vert lumineux, ce dur à cuire (ou à geler) joue les modestes au pied des arbres, des arbustes voire des belles lavandes endormies à cette époque de l’année.

 

 

 

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J’ai failli écraser le daphné bois-gentil (Daphne mezereum) en début d’année alors que je randonnais en raquettes dans les Alpes. Cet arbuste aux fleurs d’un rose soutenu a attiré mon attention et pour cause, c’est la seule plante d’Europe tempérée à produire des fleurs et des fruits directement insérés sur les rameaux. Quel soulagement de l’avoir épargné et quel bonheur de l’avoir découvert là, cerné de neige !

 

 

 

Un an de fleurs sauvages, libres voire libertines, dont la résilience nous donne une leçon de vie, dont la beauté lorsque nous la remarquons, nous émeut, dont les propriétés nutritives ou médicinales peuvent nous fortifier, nous soigner, nous régaler, dont le parfum subtil ou puissant nous informe de leur présence. Elles se risquent à attirer notre attention par tous les moyens alors, j’ai décidé de rendre hommage à ces indomptables qui m’enchantent tout au long de l’année.

Pour écrire cet article, je me suis aidée des guides Delachaux « Reconnaître pas à pas 700 plantes communes », « Plantes sauvages, comestibles et toxiques » et « Guide des fleurs sauvages » ainsi que les wébinaires Tela Conférences sur les pollinisateurs, « Plantes : résistances à toute épreuve », sur la flore spontanée urbaine et sur les messicoles.

Enfin, j’ai été inspirée par le très poétique livre d’Hubert Reeves qui décrit avec une telle tendresse, les fleurs sauvages qui lui font le plaisir de pousser près de Malicorne, un joli village bourguignon où il a ses habitudes !

Photos et dessin de l’article par Béatrice Fehringer

Proposez votre article !

Cet article a été rédigé par Béatrice Fehringer suite à l’appel à articles sur le thème “Les herbes folles du milieu urbain au monde rural”

Si le thème vous intéresse, nous vous invitons à consulter les conditions de participation en cliquant sur le lien ci-dessous et à nous transmettre vos articles à l’adresse suivante : appel_article@tela-botanica.org ! Au plaisir de vous lire !

8 commentaires

  1. Petite précision :
    L’arbre de Judée n’est pas une herbe folle mais ses fleurs apparaissent directement sur le bois des branches, comme le bois-joli de l’article… Il pousse un peu partout, j’en ai dans mon jardin en Gironde, il y en a aussi en Charente, en Lot et Garonne et ailleurs.
    Merci pour cet article agréable à lire !

  2. Merci pour cette promenade attentive et attentionnée. Je me sentais bizarre d’aimer autant le détesté Liseron…le syrphe l’aime aussi, me voici confortée dans mon sentiment! Le liseron fait comme un ciel d’étoile dans l’herbe,c’est doux comme tout…

  3. Pour moi le liseron le plus détestable n’est pas Convolvulus arvensis qui plutôt rampant sur les terrains dénudés ou perturbés. Le plus envahissant dans les jardins, les cultures, les haies est Calystegia sepium (redevenu Convolvulus sepium dans « flora gallica »), le liseron des haies. Il me semble que la photo présentée correspond d’ailleurs au liseron des haies, le liseron des champs a des fleurs plus petites souvent teintées de rouge.

  4. Bonjour

    Même si les textes sont très poétiques pour certains et tous très agréables à lire, c’est un peu dommage d’avoir mélangé, sous le vocable « adventices, herbes folles, mauvaises herbes », des espèces qui relèvent de milieux très différents et ne sont pas, pour la plupart, « des herbes folles du milieu urbain au monde rural »…

  5. Tout à fait d’accord Françoise. Immédiatement, je fais le parallèle avec les expressions à la mode de la coiffure à Paris qu’on retrouve dans la presse en ligne, « l’océrisation » permettant la recherche par mot clé.
    ex du terme « indéfrisable » qui permet à lui seul de dater une photographie ancienne d’un salon de coiffure ! (pas avant les années 1920)

  6. OUI Pierre ,je suis d accord avec ta remarque :la photo présentée est bien celle du liseron des haies .

    Un autre liseron ,magnifique , est le liseron soldanelle Calystegia soldanella , qu on decouvre
    sur les dunes mobiles . Commun sur les côtes de la Manche ou de l Atlantique .

    Belle découverte

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