Homo sapiens et biodiversité

Une réflexion de Francis Zanré autour du thème "Homo sapiens et biodiversité".
Knautia arvensis (L.) Coult. [1828] (bdtfx) par Alain Bigou
Knautia arvensis (L.) Coult. par Alain Bigou CC BY-CA

Selon l’IPBES (*) (le GIEC de la biodiversité), sur 8 millions d’espèces animales et végétales, un million est menacé d’extinction. Cette 6ème extinction est attribuée à l’Homo sapiens.

Pour mémoire, les vertébrés représentent 50 000 espèces, les autres sont des plantes (200 000) ou des invertébrés (dont insectes 5,5 millions).

Comment en est-on arrivé là, que se passera-t-il ?

Rappelons-nous qu’au début du Cambrien (550 Ma) les continents étaient soudés ensemble (Pangée) et la mer d’une température douce et uniforme.

Le nombre de genres (les espèces ne sont pas distinguables dans ces fossiles anciens) était de l’ordre de la centaine ou du millier : il s’agissait essentiellement d’invertébrés marins. L’évolution biologique, la dérive des continents, la modification des courants océaniques et des climats sont la cause de la diversification des espèces qui se sont adaptées à leur milieu de vie, marin ou terrestre. Durant les époques géologiques ce développement a été continu mais marqué par des crises d’extinction suivies d’une nouvelle croissance du nombre d’espèces. (1)

L’apparition de l’Homme dans des contrées nouvelles a eu pour effet la disparition rapide des espèces gibier par la chasse excessive, l’introduction, parfois involontaire de prédateurs (rat), et leur cortège de commensaux parasites (champignons, microbes, virus …).

On constate que les espèces invasives réussissent particulièrement dans les pays auparavant isolés (Australie, Nouvelle-Zélande, Polynésie…) et que les écosystèmes de ces contrées sont beaucoup plus perméables que dans les « vieux pays ».

De même que l’introduction des maladies européennes a décimé les autochtones américains, on peut admettre un processus semblable pour les espèces animales et végétales. La mise en communication d’îles et de continents autrefois isolés a mis en relation des espèces « naïves » avec d’autres plus agressives, accompagnées de leurs microorganismes néfastes contre lesquelles les espèces autochtones n’étaient pas prémunies.

Les mesures de conservation prises en France montrent que les mammifères autrefois éliminés peuvent reconquérir leur ancien territoire. Les résultats pour d’autres espèces sont moins évidents (batraciens, reptiles, fougères et plantes à fleur).

Par ailleurs, le taux de perte de biodiversité est moins élevé dans nos pays européens que dans les pays neufs, pour les raisons évoquées ci-dessus. Par exemple, sur 680 vertébrés disparus depuis le XV° siècle dans le monde, un seul, l’auroch, concerne l’Europe.

L’augmentation de densité des populations humaines, l’occupation de la quasi-totalité des espaces habitables autrefois vides d‘Homo sapiens est acquise (sauf catastrophe). De même, il est illusoire de penser limiter l’augmentation de niveau de vie des peuples sous-développés pour ménager les milieux naturels.

Il résulte de tout cela que la perte de biodiversité mondiale est irréversible puisque la vitesse d’adaptation aux changements de beaucoup d’espèces (mais non toutes) est trop lente.

Alors est-ce une catastrophe ?

Pour les spécialistes oui, pour le public ignorant non ! Il ne verra jamais (sauf à la télévision ou au zoo) les espèces menacées, et les insectes, au mieux, l’indiffèrent.

Le critère utilitariste peut être relativisé : sur 200 000 plantes, seulement quelques centaines sont consommées par l’homme, quelques milliers au plus sont utilisées pour leurs propriétés médicinales, industrielles ou décoratives. Le ratio est encore plus faible pour les espèces animales. Des espèces encore mal connues recèlent sans doute des ressources potentielles : ce qui implique de piller les connaissances des peuples premiers !

Les espèces endémiques et rares sont les plus vulnérables car mal armées devant la concurrence des espèces ubiquistes, mais c’est la loi de la sélection naturelle : la nature est amorale. L‘Homo sapiens finira par disparaitre et comme après les extinctions précédentes, la vie continuera de se diversifier.

Notes et sources

(*) https://www.ipbes.net/

(1) VANNIER J., L’Explosion cambrienne ou l’émergence des écosystèmes modernes, Comptes Rendus Palevol, vol. 8, nos 2-3, 2009, p. 133-154 https://doi.org/10.1016/j.crpv.2008.10.006

Lectures conseillées

  • DIAMOND J., Le troisième chimpanzé, Folio essais, 2011, 698 pages
  • HARARI Y N, Sapiens, une brève histoire de l’humanité, éditions Albin Michel, 2015, 500 pages
  • SELOSSE M.-A., Jamais seul, ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations, édition Actes Sud, 2017, 352 pages

 

2 commentaires

    1. Titre d’un chapitre du livre « Histoire de la Terre » (Dunod) : l’ère primaire ou Paléozoïque : d’une Pangée à l’autre.
      Il y a donc eu un vaste supercontinent à la fois au Cambrien et au Permien. Après, pour celui du Cambrien, ils l’appellent plutôt « Rodinia » que Pangée…

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