« Aucune graine n’a été blessée sur le tournage » – Raphaël Jaudon #Art et Botanique
Plus qu’un simple élément botanique, la graine est un puissant véhicule de l’imaginaire ; elle renvoie immédiatement à la dimension la plus mystérieuse et insondable du vivant. Des connotations renforcées par son apparence dérisoire : la graine fait d’autant plus appel à notre imagination qu’elle se refuse, par sa petite taille, à l’observation directe.
Face à un tel objet, l’art se trouve contraint de construire la visibilité des graines – une visibilité qui ne lui est pas donnée. Plusieurs voies sont envisageables. La solution la plus évidente consisterait à miser sur la technologie pour s’introduire dans le monde microscopique, espérant ainsi accéder à une compréhension inédite de ses mécanismes. On cherchera alors l’objectif garantissant le meilleur grossissement ; on emprisonnera les phénomènes botaniques dans des plaques de microscope ; grâce au montage, on manipulera le temps pour rendre compte du processus de germination en une durée acceptable pour le spectateur humain.
La logique de performance qui sous-tend ces approches mécaniques est aussi une logique de la domination. Elle s’appuie sur le sentiment de supériorité d’une humanité qui, dans sa quête de savoir, ne cesse de répéter les mêmes gestes : dissection, intrusion, pénétration. Ne dit-on pas de la science qu’elle entretient l’espoir de « percer à jour » les mystères du vivant ? La violence de la métaphore est tout sauf accidentelle.

Le travail de Séverine Cadier se situe aux antipodes de cet imaginaire viriliste. Dans le sillage des éthiques environnementales et de la pensée écoféministe, ses œuvres tentent d’imaginer un autre modèle de relation avec la nature. Si la vie y est centrale, c’est à la fois dans sa dimension la plus symbolique (la graine comme allégorie par excellence du cycle de développement des êtres) et dans son existence concrète, qui fait l’objet d’un respect à la limite du sacré. Une chose est sûre, aucune graine n’a été blessée sur le tournage. Suivre du regard (ou de la main) les courbes improbables de ces capsules de terre inspirées du monde végétal, ce n’est pas seulement accéder à une réalité invisible à l’œil nu, c’est aussi faire l’expérience d’une certitude : qu’il est possible de comprendre sans détruire.
Séverine Cadier expose ses sculptures depuis 1999 dans les Muséums d’histoire naturelle, les jardins botaniques, les écomusées et autres lieux de culture.
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1 commentaire
Alors là, M. Jaudon, vous avez du pain sur la planche. Car ce qui se fait en Botanique n’est rien en comparaison des pratiques d’autres groupes naturalistes, les entomologistes par exemple, chez qui il n’est pas rare de prélever et tuer des animaux pour les identifier sous la bino, et de pratiquer éventuellement des dissections.
Ceci dit, je pense qu’il est absurde de faire intervenir le contexte sexuel dans ces affaires-là. Je fais partie de divers groupes naturalistes et je peux vous dire qu’il y a des hommes qui ne font pas de prélèvements, et des femmes qui collectent sans hésiter les animaux dans de l’alcool. Ou alors, on peut dire que ce sont des femmes viriles.
Bien à vous,
JPM