Glanes étymologiques : le vétiver

Le nom vétiver vient du tamoul, mais il est passé par la Réunion, et pas par l'Angleterre !

Nous avons tous entendu parler du vétiver, cette huile essentielle aromatique à l’odeur forte et tenace utilisée en parfumerie et en savonnerie, mais aussi pour préserver les vêtements de laine ou de fourrure des attaques des insectes. La plante est maintenant proposée pour lutter contre l’érosion des sols.

Son nom scientifique est Chrysopogon zizanioides (L.) Roberty. C’est une graminée robuste, dressée et pérenne, qui forme des touffes. Les tiges peuvent atteindre 2 m de haut et les racines s’enfoncer jusqu’à 4 m. L’inflorescence est une grande panicule.

A l’occasion d’une recherche sur Wikipédia, j’ai lu que le nom viendrait du tamoul via l’anglais. J’ai voulu en avoir le cœur net.

Pour ce qui est du tamoul, c’est exact. Le nom tamoul est வெட்டிவேர் – veṭṭi-vēr, où veṭṭi ou veṭṭu veut dire « couper, creuser », et vēr, « racine » (Burrow & Emeneau, Yule & Burnell). On retrouve d’ailleurs cette « racine » dans iñcivēr, qui est à l’origine des noms Zingiber et gingembre.

Par contre, l’Oxford English Dictionary dit que l’anglais vetiver, attesté en 1846, vient du français. Les Anglais ont d’abord dit khus-khus, d’un nom du nord de l’Inde.

Le Französisches Etymologisches Wörterbuch donne une première attestation en français pour vétyver en 1828 et pour vétiver en 1876.

Or, en bon botaniste, je me suis rappelé que la plante s’est appelée dans le passé Vetiveria odoratissima Bory ex Cloquet (1822). Je suis donc allé voir le protologue : Lemaire-Lisancourt, Note sur le Vétiver de l’Inde. Bulletin des sciences de la Société Philomatique de Paris (1822, 43-44). Et là, surprise : l’auteur utilise le nom français vétiver comme un mot bien établi. Il a reçu d’un vétérinaire de l’île de Bourbon (la Réunion) une certaine quantité de cette racine.

J’en tire deux conclusions :

  • une fois de plus, on constate que les linguistes n’ont pas dépouillé les textes scientifiques. Cet article fait passer la première attestation du mot de 1828 à 1822, et sous la forme vétiver.
  • le vétiver était déjà cultivé à la Réunion. Lemaire dit qu’ « elle a été apportée sous l’intendance de M. Poivre ». Le mot a donc dû être introduit via Pondichéry, où l’on parle tamoul, et peut-être même avec des émigrants tamouls. Pierre Poivre étant mort en 1786, cela permettrait de remonter avant cette date.

Pour aller plus loin, il faudrait dépouiller des documents réunionnais antérieurs à 1822. Aux ethnobotanistes réunionnais de le faire ! En tout cas, c’est bien le français qui a donné le nom à l’anglais, et non l’inverse.

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