Des printemps toujours plus précoces ? Comment les plantes déterminent leur date de floraison
Les plantes détectent le raccourcissement des jours en automne grâce à un pigment dit phytochrome, qui est particulièrement sensible aux longueurs d’onde du spectre électromagnétique de la lumière autour du rouge. Or, les nuits d’automne plus longues, affectent qualitativement la lumière rouge perçue par les plantes. Bien que ce changement subtil échappe aux humains (nos yeux n’étant pas sensibles à cette partie du spectre lumineux), une plante peut détecter cette transition.
Tout comme l’automne peut provoquer une baisse du taux de sérotonine dans notre sang, une plante qui a senti l’approche de l’hiver va augmenter la production d’une phytohormone appelée acide abscissique. Ses effets sont multiples. Chez les arbres à feuilles caduques, les rameaux cessent de croître et développent des bourgeons d’hiver résistants, capables de survivre au gel et à la neige. Et les feuilles tombent.
Au printemps, ce sont à nouveau la longueur d’onde et la température qui vont déclencher la croissance des végétaux. C’est toutefois la température qui joue généralement le rôle le plus important. En effet, si les plantes ne se préoccupaient que de la lumière, elles risqueraient de commencer à croître alors que des gelées fatales les menacent encore. Ou encore, de rater une période de croissance propice pendant les journées douces du début du printemps. La détection de la température détermine donc l’apparition des fleurs au printemps. C’est pourquoi le réchauffement climatique se traduit par une apparition de plus en plus précoce de ces fleurs.
La façon dont les plantes détectent la température n’est pas entièrement comprise. Cela pourrait être lié en partie à la façon dont une hormone inhibant la croissance des cellules végétales réagit aux changements de températures.
Alors que les humains ont des terminaisons nerveuses sur la peau pour détecter la température, les plantes s’appuient probablement sur leurs pigments, bien que le mécanisme ne soit pas entièrement compris. La chaleur faisant partie de la même partie du spectre électromagnétique que celle auquel le phytochrome est sensible (Autour du rouge, dans l’infrarouge, ndlt), il est possible que ce pigment soit impliqué. Quels que soient les mécanismes responsables du déclenchement de la croissance, la température va également déterminer la vitesse de croissance des plantes
Les insectes pollinisateurs comme les abeilles doivent synchroniser leur cycle de vie de manière à être actifs lorsque les fleurs dont ils se nourrissent apparaissent. Leur sortie de l’hiver est donc également déterminée par les effets de la température et de la longueur du jour, par l’intermédiaire de leurs propres mécaniques hormonales.
Pendant des générations, l’évolution a fait converger dans le temps le réveil des pollinisateurs et celui des fleurs. Si l’apparition des fleurs et celle des pollinisateurs n’étaient pas synchronisées, les insectes n’auraient pas de nectar et les plantes ne seraient pas fécondées.
Un lien similaire existe entre l’émergence des feuilles et celle des insectes herbivores qui s’en nourrissent. Or, la rapidité du changement climatique et les légères différences dans la façon dont les insectes et les végétaux y réagissent risquent de rompre cette synchronisation, avec de graves conséquences des deux côtés
Une vaste étude menée par des scientifiques allemands portant sur la date d’apparition des fleurs et de leurs pollinisateurs entre 1980 et 2020 a mis en évidence une situation complexe. Les deux ont réagi au changement climatique, respectivement par une floraison et une apparition plus précoces, mais les plantes ont opéré un changement plus important.
Des variations ont été observées entre les groupes d’insectes : les abeilles et les papillons se sont déplacés en synchronisation avec les plantes, ce qui n’a pas été le cas pour les syrphes. Des variations ont également été observées entre les espèces.
Même lorsque les plantes et les insectes qui en dépendent modifient leur calendrier de manière synchronisée, l’étape suivante de la chaîne alimentaire n’est pas toujours aussi flexible. La chenille de la teigne du chêne se nourrit des feuilles de chêne. Celle-ci, à son tour, est la principale nourriture des oisillons d’oiseaux tels que la mésange bleue et le gobe-mouche pédonculé. Jusqu’à présent, les oisillons éclosent toujours à la même période, tandis que les feuilles de chêne et les chenilles apparaissent plus tôt – et restent encore synchronisées. Mais pour combien de temps ?
Les fleurs de prunellier sont un signe que le printemps est en route. Mais elles sont aussi un reflet du changement climatique : une expérience en cours sur le calendrier et la synchronisation des plantes et des animaux, ainsi que sur les chaînes alimentaires complexes dont ils font partie.
Paul Ashton, Professor of Botany, Edge Hill University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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1 commentaire
à propos des fleurs de prunellier, alors qu’elles finissaient de tomber, deux couples de pigeons se sont installés une fin de matinée sur l’arbre et ont picoré mais je me demande quoi ? je ne pense pas qu’ils s’en sont pris aux fruits en devenir car il y en avait toujours après leur passage. Je me dis que la nature étant bien faite, ils avaient un rôle à jouer, mais lequel ? Pourriez-vous m’éclairer ?