L’Éloge du lotus par Zhou Dunyi

Dans un article précédent, nous avions présenté les « quatre hommes de bien », ces quatre végétaux qui symbolisent l’idéal du lettré chinois. Un autre végétal est également prisé de ces lettrés : le lotus.
Nelumbo nucifera Gaertns
Nelumbo nucifera Gaertns par Hugo Santacreu CC BY-SA

« Il naît de la vase sans en être souillé »

Cette plante aquatique présente la particularité de rester immaculée, de ne pas être souillée par la vase dans laquelle elle prend naissance. Par métaphore, le mandarin idéal, qui vit dans le monde et se trouve souvent confronté aux turpitudes les plus sombres, soumis aux tentations les plus vives, conserve son intégrité et n’est jamais pollué par l’environnement dans lequel il évolue. Il existe en chinois une expression très connue qui exprime cette pureté du lotus : « Il naît de la vase sans en être souillé » (出淤泥而不染 [chū yūní ér bùrán]).

Cette expression est souvent citée pour louer une personne qui, se trouvant dans un environnement « complexe », conserve malgré tout son intégrité. Elle se trouve dans un petit texte en prose de Zhou Dunyi (周敦颐 [zhōu dūnyí]) (1017-1073), considéré comme le fondateur du néoconfucianisme, à l’époque de la dynastie des Song du Nord (960-1127). Le texte en question est intitulé « Éloge du lotus » (爱莲说 [ài lián shuō]) ; il est extrêmement connu en Chine, car il se trouve dans tous les manuels de littérature chinoise du secondaire de l’Empire du Milieu.

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Statue de Zhou Dunyi, Grotte du Cerf blanc, Mont Lushan (Chine) – Wikipedia CC BY SA-3.0

Éloge du lotus

Nous vous en proposons ci-dessous une traduction. (Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes données après le texte.)

« Parmi les fleurs, arbres et végétaux, terrestres ou aquatiques, nombreux sont ceux qui méritent d’être aimés. Tao Yuanming (1), de l’époque de la dynastie des Jin (2), réservait sa préférence au chrysanthème. Depuis l’époque des Tang du clan des Li (3), c’est à la pivoine que va la faveur du plus grand nombre. Quant à moi, seul le lotus a crédit à mes yeux, car il naît de la vase sans en être souillé, il est baigné par l’onde claire sans en tirer orgueil. Sa tige est vide et rectiligne, il n’a ni rameaux ni branches. Son parfum pur porte au loin, son port est majestueux. On peut l’admirer à distance, sans jamais pouvoir le profaner.

Pour moi, le chrysanthème est la fleur de l’ermite ; la pivoine, celle du noble et riche ; et le lotus, celle de l’homme de bien. L’amour pour le chrysanthème, peu nombreux sont ceux qui l’ont exprimé après Tao ; l’amour du lotus, est-il quelqu’un pour le partager avec moi ? Quant à l’amour de la pivoine, c’est semble-t-il celui du plus grand nombre. »

Notes :

(1) Tao Yuanming (陶渊明 [táo yuānmíng]) (c. 365-427) était écrivain et poète, connu notamment pour son texte La Source des fleurs de pêcher (《桃花源记》 [táo huā yuán jì]), dans laquelle il décrit un lieu paradisiaque coupé du monde et épargné par les guerres et les cataclysmes. Tao a composé plusieurs poèmes célébrant le chrysanthème.

(2) La dynastie des Jin (晋 [jìn]) (265-420) marque la période de réunification de la Chine après l’époque des Trois Royaumes.

(3) La dynastie des Tang (唐 [táng]) (618-907) correspond à l’une des périodes les plus florissantes de l’histoire de Chine. Elle marque notamment l’apogée de la poésie chinoise classique. L’auteur de L’Éloge du lotus précise qu’il s’agit des Tang du clan des Li (李唐 [lǐtáng]) pour établir la distinction avec la dynastie des Tang du Sud (南唐 [nántáng]) (937-976), un peu plus tardive.

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Zhou Dunyi admirant des lotus – Peinture du japonais Kaihō Yūsetsu, milieu du XVIIe siècle – Wikipedia CC0

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