Eloge des messicoles

Vous avez dit messicoles ? Ces plantes qui accompagnent les cultures ? Bleuet, coquelicot, nielle des blés, elles ravissent nos campagnes au printemps. D'une valeur écologique, sociale, patrimoniale, esthétique, économique et pédagogique : on aime forcément les messicoles !

Malmenées par l’intensification de l’agriculture au cours du dernier siècle, les espèces végétales accompagnant les cultures ont connu un fort déclin, à la fois en terme de diversité, mais également en terme de répartition géographique. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’agro-écologie, des plantes messicoles (qui accompagnent les cultures), et des services rendus par ces dernières.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Ces belles des cultures nous sont favorables : penchons nous plus précisément sur leurs intérêts.

Quand on parle de service, on parle de… service écosystémique, de service écologique ?

Papaver rhoeas L. (bdtfx) par Claude Virloire
Papaver rhoeas par Claude Virloire, CC BY SA Tela Botanica

Commençons notre propos par un peu de sémantique. Nous savons tous ce qu’est un service, dont la définition est plutôt anthropocentrée : il s’agit de fournir un bien immatériel. Alors quand on parle de service des plantes messicoles, à qui s’adresse-t-il ? A l’Homme ? Au vivant ?
Un service est estimé selon une valeur attribuée (économique, sociale). Dans un contexte d’urgence climatique, on parle désormais de services écosystémiques qui représentent des bienfaits écologiques dont on peut quantifier les conséquences, en terme valeur économique, ou sociale : cette vision du service reste donc bien assimilée à l’utilitarisme humain !

 

Plantes messicoles et agrobiodiversité : du maintien de la stabilité du système cultural

Les plantes messicoles assurent le maintien de la stabilité du système cultural. Par stabilité, on entend celle de l’état de santé des cultures, de sa productivité, ses propriétés géophysiques ou encore une stabilité temporelle du système.

Thlaspi alliaceum L. (bdtfx) par Villasante CARLOS
Thlaspi alliaceum par Villasante CARLOS, CC BY SA Tela Botanica

Lutte contre les ravageurs des cultures

Productrices primaires, les plantes messicoles constituent à la fois une base nutritive et un habitat attractif pour la diversité des espèces peuplant les cultures (insectes, oiseaux, champignons). Les messicoles sont attractives pour les auxiliaires des cultures qui luttent activement contre les ravageurs. L’état de santé des cultures est ainsi conservé (limitation de l’herbivorie par des insectes tels que les pucerons par exemple).

Cette lutte contre les ravageurs peut également trouver une source plus passive. Les bandes fleuries de messicoles peuvent héberger des proies de substitution pour les ravageurs des cultures.

Centaurea cyanus L. (bdtfx) par Gisèle ARLIGUIE
Centaurea cyanus, par Gisèle ARLIGUIE, CC BY SA Tela Botanica

Pollinisation des cultures et agrobiodiversité

La fréquentation assidue des communautés messicoles par les insectes favorise de manière plus générale la pollinisation des cultures. Ces dernières se développent ainsi plus vite que les autres types de culture, et présentent en moyenne un rendement de biomasse utile à l’Homme doublé par rapport aux cultures non exposées aux pollinisateurs !

Qualifiées d’entomophiles, les plantes messicoles influencent la diversité des pollinisateurs et notamment des abeilles (domestiques ou sauvages). Les conséquences directes de l’attrait des insectes pollinisateurs est le maintien, voire la diversification des communautés végétales dans les cultures.
On peut faire l’hypothèse d’un cercle vertueux où la diversité des plantes messicoles favorise celle des insectes pollinisateurs, et inversement !

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Centaura cyanus par Geneviève Botti, CC BY SA Tela Botanica

Une cohabitation pacifique avec les cultivars

La relation entretenue entre les messicoles et les plantes cultivées est dite commensale. Les plantes messicoles accomplissent leur cycle en même temps que la culture, voire s’adaptent même au cycle de la culture ! La compétition entre les espèces végétales des cultures est donc minime. Les messicoles ne contraignent en aucun cas le cycle de vie des plantes cultivées !

Services géophysiques

La présence des communautés végétales de plantes messicoles, souvent latérale aux cultures, assure une protection physique du système. L’enracinement des messicoles sur les bordures permet de limiter l’érosion hydrique (par lessivage des sols) et éolienne (effet coupe-vent).
Dans les systèmes culturaux à usage de pesticides, les communautés végétales latérales des cultures constituent des zones tampons. Ces zones limitent la dispersion des pesticides hors des cultures, évitant par exemple la pollution des cours d’eau limitrophes.

Une banque de ressource génétique, une richesse pour l’agriculture de demain

Loin d’être nées de la dernière pluie, certaines plantes cultivées actuelles étaient autrefois des messicoles qui ont été domestiquées (par exemple le seigle, l’avoine, la moutarde). Aujourd’hui les messicoles représentent toujours une ressource génétique pouvant mener à la domestication future de nouvelles plantes.

Une valeur sociale, patrimoniale, esthétique, pédagogique : on aime forcément les messicoles !

Adonis annua L. (bdtfx) par Dany ROUSSEL
Adonis annua par Dany ROUSSEL, CC BY SA Tela Botanica

Au delà des externalités écologiques et économiques, les plantes messicoles ont une valeur patrimoniale et esthétique. Elles donnent “une image” à la culture, qui fait partie intégrante du patrimoine culturel de la région. Il y a par exemple, l’image des champs cultivés fleuris de coquelicots ou des bleuets. Les messicoles attribuent une valeur paysagère à un espace cultivé, ce qui n’est ni quantifiable économique, mais qui relève d’une appréciation sociale, personnelle, esthétique.

Outre la seule esthétique que l’on attribue aux plantes messicoles, celles-ci renvoient également une image saine du mode de culture pratiqué par l’exploitant agricole. Sensibles aux produits phytosanitaires, leur présence témoigne d’un usage raisonné des intrants. Se rejoignent alors valeurs sociale et économique : les messicoles représentent un gage de pratiques écologiques.

Un autre exemple de la valeur sociale des messicoles est la diversité des usages médicinaux de ces plantes. Vous pourrez trouver plus de détails sur les usages médicinaux des plantes messicoles dans « Le livre des bonnes herbes » de Pierre Lieutaghi (éditions Marabout, 1978).

L'Observatoire Des Messicoles

Une dernière valeur que nous pouvons attribuer à ces belles des cultures, c’est leur valeur pédagogique ! Pourquoi ne pas apprendre à les connaître ?

L’Observatoire Des Messicoles est un projet porté par Tela Botanica, en partenariat avec le Conservatoire Botanique National Pyrénées et Midi-Pyrénées et Montpellier Sup Agro. Il s’agit d’un observatoire citoyen qui vous invite à recenser 30 espèces de plantes messicoles en France.

Ça vous intéresse ? Vous souhaitez participer ? C’est très simple !
Munissez vous de votre guide d’identification des plantes messicoles, promenez-vous dans un espace agricole, et notez vos observations sur la fiche terrain. Transmettez ensuite vos observations sur l’espace projet : dans l’onglet Floradata > Saisie de nouvelles observations.

Bibliographie / Pour aller plus loin

6 commentaires

  1. Il y a 5 ans je trouvais entre mes rosiers des fleurs bleues venues sans doute par des oiseaux… Et depuis, elles n’ont fait que se multiplier au point d’en avoir l’an dernier une foret ; Les fleurs bleues si fines et jolies en accompagnaient aussi d’autres mais roses.C’étaient des delphiniums; nommées aussi des pieds d’alouette… Et j’ai appris qu’elles étaient des messicoles,disparues de nos jours des champs de céréales ! Quelle erreur de vouloir contrarier notre nature!
    Vos explications sont précises et utiles…Que devient la pollinisation ?
    j’avais déjà envoyé des clichés pour les coquelicots, remarqués par TELA BOTANICA…
    Mes pieds d’alouette,préparent leur floraison,au pied de notre micocoulier.Malgré le manque de pluie . Mais ils sont hauts et feuillus.A plus pour l’oranger des osages. Amitié, Josette.
    .

  2. j’aime beaucoup les messicoles; il y a quelques années, j’avais même un carré de messicoles dans mon jardin.
    je trouve cependant que cet article en fait un peu trop, dans le botaniquement correct et le naturo sentimental.
    L’abondance, passée, des messicoles est le résultat de l’action de l’homme depuis les défrichements et l’extension des cultures céréalières. Pour une raison très simple : leur cycle de vie et de reproduction (s’agissant pour l’essentiel de plantes annuelles) est le même que celui des céréales cultivées; en particulier, le labour est nécessaire à la germination des graines. Au moyen age, les messicoles devaient être assez rares …
    La « protection » apportée spécifiquement (par rapport à d’autres végétaux) par les messicoles (services géophysiques) me laisse assez réveur. Les bandes enherbées en bordure de cours d’eau ne contiennent pas de messicoles …
    La compétition n’est minime que si l’abondance des messicoles est elle même minime; sur la photo présentée, absolument superbe, il est clair à mon avis que la compétition s’est exercée aux dépens des céréales cultivées …
    Je ne vois pas non plus très bien quelles ressources les messicoles apporteront à la domestication de nouvelles plantes; l’histoire des céréales, de leur sélection et de leurs croisements naturels, a quand même plusieurs milliers d’années …

    1. Pour compléter, on peut ajouter que plusieurs des photos montrées et noms cités correspondent à des plantes toxiques, parfois à des plantes qui sont favorisées non seulement par le labour mais aussi par d’autres pratiques mécaniques qui toutes massacrent ou dégradent le sol et en même temps une partie de la faune arvale (ex. anéciques). Par ailleurs, le mot n’est pas défini précisément.

    2. @ Christophe Loutrel,
      si vous n’aviez pas fait ce commentaire, je l’aurais fait à votre place.
      Voilà un bel exemple d’article truffé de clichés et par à même d’inexactitudes venant de la part de quelqu’un qui manifestement ne connaît rien à l’agriculture même biologique et qui se permet d’en parler sous des apparences scientifiques.
      Il faut être parfaitement ignare pour parler de service économique voir sociétal utile à l’humain. J’aimerai voir le calcul économique à la clé !!!
      Quant à la lutte contre les ravageurs des cultures et contre l’érosion en bord de parcelle, ce monsieur n’a jamais chaussé de bottes et ne sait pas ce que c’est qu’un champ de céréales ni même les bordures.
      Je précise qu’en tant que botaniste je suis le premier à m’extasier devant des adonis, des bleuets ou des nielles lorsque je me promène sur les bords de la vallée de la Durance où en Cerdagne dans des friches témoins d’une agriculture ancienne, mais s’il vous plaît ne mélangeons pas tout !!!

  3. Meme impression que C.Loutrel. L’article joue trop à l’exercice d’écriture affecté sur le toute messicole est belle et bonne, et peu au réalisme botanique/ecologique, à s’en décrédibiliser.
    Très bien de parler de l’importance écologique des messicoles (agrobiodiversité, stabilité, lutte contre les ravageurs, favorise la pollinisation des plantes cultivées,…) mais c’est à balancer d’effets défavorables qui existent aussi et qu’il s’agit d’expliquert pourquoi ca vaut le coup de les accepter. Selon les espèces (cultivées et messicoles) et leurs densités, et selon les situations, les messicoles font concurrence hydrique, ou aident au maintien de l’humidité du sol. Il y a effets toxiques possibles comme effets commensaux. Elles compliquent la récolte/tri mais…
    Ok d’invoquer une « valeur sociale, patrimoniale, esthétique, pédagogique » (très relative à celle d’une foret d’un parc), mais faut il que tout un chacun aime « forcément » les messicoles (ou le cinéma car c’est de belle image animées)? Il serait plus utile d’y inciter/interesser ou déjà les y intriguer avec 1 ou 2 exemple de messicole jolie ou utile ou pour jouer!
    Faut il en appeler à une notion de services géophysiques (pour résumer « un effet anti erosion des messicoles sur la lisière des champs cultivés »)? Disons le bord d’un champ est bien rarement defriché/nu qu’enherbé, voire en haies, et donc peu riche en messicoles. Contenir l’érosion requiert d’autres moyens que quelques herbes ‘folles’, qui restent fort compatibles!
    Pour autant, j’adore les herbes folles (et meme un peu de folie), avec ou sans fleurs visibles, odeurs et couleurs. J’ai vu différemment le chénopode et l’amarante qui ‘envahissent » mon carré de tomates depuis que j’ai découvert qu’il deviennent salade et épinard.

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