Entre botanique et randonnée : les sommets de l’Oukaïmeden

Aujourd’hui nous vous partageons la passion d’une randonneuse et botaniste, Marie Coste-El Omari. Elle nous partage dans cet article, sa connaissance de la flore du Maroc en explorant les vallées jusqu’aux hauts plateaux de l’Atlas : une aventure dans le monde des plantes.
Marie Coste-El Omari  sur le terrain
Marie Coste-El Omari sur le terrain par Marie Coste-El omari (CC BY-SA)

Ses nombreuses excursions sont retranscrites dans les deux guides botaniques qu’elle a publiés : « A la découverte de la flore de l’Oukaïmeden , Haut-Atlas de Marrakech » et « Randonnées botaniques dans le Haut-Atlas de Marrakech ». L’objectif de ces flores est triple : esthétique d’abord, par la qualité des photos qui cherchent à rendre la beauté des plantes et des paysages. Pédagogique ensuite (descriptions simplifiées, classement par milieux dans lesquels évolue le randonneur, maintien de certains noms de familles – composées, etc. – plus parlants, tout en indiquant les nouveaux noms – astéracées, etc. -). Scientifique enfin : tous les noms et les descriptions sont ceux de la « Flore pratique du Maroc » en trois tomes.

Depuis le piémont jusqu’aux sommets

Palmier nain
Palmier-nain, "doum" par Marie Coste-El omari (CC BY-SA)
Coronille viminale, endémique du Maroc
Coronille viminale, endémique du Maroc par Marie Coste-El omari (CC BY-SA)

Si nous remontons les vallées depuis le piémont (950-100m. d’altitude) jusqu’aux sommets Jbel Oukaïmeden – 3273m. – ou Jbel Toubkal- 4165m.), nous rencontrons d’abord des crêtes ou plateaux calcaires de basse montagne, avec de beaux arbres (caroubier, pistachier de l’Atlas), des arbustes comme le genêt à trois pointes, le genêt blanc (très abondant en fin d’hiver), le cytise blanc, la germandrée arbustive à la belle couleur bleue. Accrochés aux vieux murs ou aux rochers : le câprier, la lavande à feuilles découpées, l’athamante de Sicile, et des endémiques comme la coronille viminale, l’épiaire des rochers (odeur désagréable ! ), la crapaudine velue, l’orpin modeste (plutôt à l’ombre). Les terrains déboisés et les pâturages arides de cette basse montagne sont couverts de palmiers nains « doum », très utilisés pour les troupeaux et pour faire des cordages, et donc empêchés d’atteindre leur taille naturelle, sauf dans les cimetières où ils sont préservés. De même l’asphodèle rameux est caractéristique de terrains surpâturés. Mais si l’hiver a été pluvieux, ces terrains peuvent se couvrir au printemps de cladanthe d’Arabie (très abondant), de centaurée en deuil, de dipcadi tardif, etc.

La flore de basse montagne

En basse montagne, les maquis sont les formes dégradées des forêts de chênes verts, de thuyas ou de genévriers de Phénicie. Sur les terrains de schistes gris, plutôt stériles dominent le pistachier lentisque, le ciste à feuilles de sauge, le ciste de Crète, la lavande dentée et la globulaire arbrisseau dont la couleur bleue égaie le maquis en hiver. Sur les terrains d’argile et de grès rouges (terrains datant du Permo-Trias, et caractéristiques d’une grande partie de la moyenne montagne), le thuya monte jusqu’à environ 1200 m., accompagné du ciste de Montpellier et de la lavande stoechade. Une endémique intéressante : la polygale de Balansa, aux étranges fleurs pourpres et jaunes.

Globulaire arbrisseau, Polygale de balansa et Pistachier lentisque
Globulaire arbrisseau, Polygale de balansa et Pistachier lentisque par Marie Coste-El omari (CC BY-SA)

Le royaume du chêne vert, la moyenne montagne

La moyenne montagne, c’est l’étage du chêne vert (quand il n’a pas été trop coupé pour son utilisation comme charbon de bois…). Il est associé au genévrier oxycèdre ou cade. Dans quelques stations du bassin de l’Ourika, le frêne dimorphe, une endémique du Maroc et de l’Algérie. Le chêne liège est exceptionnel dans le Haut-Atlas, mais il y a un beau peuplement au-dessus de Tidili-Mesfiwa (et un seul exemplaire au bord de la route qui monte à l’Oukaïmeden !). Les sous-bois de chênes verts ne sont pas très fleuris (arabette de printemps, centranthe chausse-trape, saxifrage globuleuse, renoncule en épi, etc). L’adénocarpe à feuilles d’anagyre, endémique du Maroc à l’odeur désagréable, est très abondant sur les pentes sèches de la haute vallée de l’Ourika. Le rhodanthème de Gayan, la sauge à feuilles de pissenlit sont des endémiques, de même que la germandrée de Demnate, peu fréquente, avec sa corolle à tube curieusement résupiné.

Genévrier oxycèdre et Chêne vert
Genévrier oxycèdre et Chêne vert par Marie Coste-El omari (CC BY - SA)

Basse et moyenne montagnes sont habitées et mises en valeur depuis longtemps par les populations berbères, qui ont aménagé terrasses de culture et canaux d’irrigation (les seguia). Les champs, les chemins, les zones pâturées sont accompagnées de leur cortège de plantes messicoles ou rudérales. Les figuiers de barbarie qui servent de haies sont actuellement gravement touchés par une cochenille. Dans les zones humides, les frênes oxyphylles fournissent un fourrage très apprécié des animaux et leur émondage leur donne une étrange allure.

Rhodanthème de Gayan et Frêne oxyphylle
Rhodanthème de Gayan et Frêne oxyphylle par Marie Coste-El omari (CC BY - SA)

Les hauts plateaux et l’étage du genévrier thurifère

Genévrier thurifère
Genévrier thurifère par Marie Coste-El omari (CC BY - SA)

Au-dessus d’environ 1800 m., c’est l’étage du genévrier thurifère. Trop souvent coupé, et de régénération difficile, il forme encore quelques beaux peuplements, par exemple sous le plateau de l’Oukaïmeden-Tizrag. A cet étage, le ciste à feuilles de laurier, le cirse de Casabone, la stipe brillante, la carline à larges écailles, l’orménis scarieuse (dont l’agréable odeur imprègne toute la montagne en été), le cirse « à épines d’or » (dans les ravins humides) sont des endémiques du Maroc ou d’Afrique du Nord.

Veronique rosée
Veronique rosée par Marie Coste-El omari (CC BY - SA)

La végétation des hauts plateaux au-dessus de 2000m. (Oukaïmeden, Timenkar, Yagour) attire les troupeaux transhumants en été. Là, le taux d’endémisme est important : cytise à grandes fleurs, catananche gazonnante, scorzonère pygmée, œillet de Lusitanie, véronique rosée, rhodanthème catananche, etc.

La scille d’Espagne, l’orchis élancé, la renoncule de Grenade (endémique) longent les cours d’eau. Et les coussins de xérophytes épineux, aux belles couleurs au printemps, sont caractéristiques des pentes plus sèches de la haute montagne : buplèvre épineux, cytise épineux, alysson épineux, sabline piquante, érinacée anthyllide, astragale piquante. Dans les falaises, accrochées aux rochers, deux endémiques remarquables : l’aliela à feuilles plates et l’aliela « Balii » , ainsi que la joubarbe de l’Atlas ou le narcisse rupicole (en fin d’hiver).

Dans les zones pâturées, en bord de chemins, le pastel est abondant, ainsi que l’anacycle pyrèthre et une crucifère a récemment envahi le fumier des abords des bergeries (Hesperis laciniata). Enfin, sur les pentes des sommets fleurissent des endémiques comme le myosotis de l’Atlas, la pâquerette bleutée, la linaire triste (rare), le rhodanthème de l’Atlas, le pavot de l’Atlas et d’autres.

Photographies de fleurs
Rodanthème de l'Atlas, pâquerette bleutée, myosotis de l'Atlas par Marie Coste-El omari (CC BY - SA)

Les deux guides « A la découverte de la flore de l’Oukaïmeden , Haut-Atlas de Marrakech »  et « Randonnées botaniques dans le Haut-Atlas de Marrakech » de Marie Coste-El Omari, publiés aux Editions Sarrazines & co et le site atlasbota.com, de la même auteure, sont destinés aux randonneurs, ainsi qu’aux botanistes qui veulent découvrir la flore de cette partie du Haut-Atlas marocain. Le point de vue est donc celui du randonneur, curieux de connaître les plantes qu’il rencontre le long des sentiers, mais aussi celui du géographe. Le classement est fait par milieux géographiques, prenant en compte l’altitude, l’orientation, le terrain géologique, la couverture forestière, la proximité ou l’éloignement de milieux humides, de champs cultivés, de zones de pâturages, de villages.

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